Arbitrage et déséquilibre significatif

Le jugement Subway : enfin une lueur d’espoir pour les franchisés

Le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 13 octobre 2020 (décision n°2017005123) aborde de nombreuses questions fascinantes en droit de la franchise, dont en particulier la question de la validité des clauses compromissoires. Cette question est centrale puisque l’accès à un tribunal est une condition sine qua non pour faire valoir un droit. Autrement dit, si la présence d’une clause d’arbitrage empêche une partie d’avoir accès à un tribunal, il sera parfaitement inutile de se prononcer sur les autres clauses du contrat.

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L’importance de l’information précontractuelle

CA NIMES, 23 janvier 2020, n°18/00148 : De l’importance de l’information précontractuelle.

La franchise est un engagement sur la durée, en moyenne de cinq ou sept ans. Un tel engagement et nécessite d’importants investissements. La signature d’un contrat de franchise contrat requiert, en amont, que le franchisé ait été correctement informé (voir notre page « Décrypter un contrat de franchise » ou encore « Les dix commandements du Franchisés« )

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Agent commercial et politique tarifaire

Dans un arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la Cour d’Appel de Lyon (CA Lyon 3e ch a 31 janv 2019 n 1607531), les juges ont estimé qu’au nom du devoir de loyauté et de l’intérêt commun qui doit guider le contrat d’agence commerciale, le mandant a l’obligation d’informer le mandataire de sa politique tarifaire envers les centrales de référencement qui se trouvent sur le territoire exclusif de l’agent.

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Un arrêt alarmant sur les pouvoirs des juges

L’arrêt en date du 14 novembre 2018 rendu par la Cour de cassation en matière de franchise soulève de nombreux points de droit. Nous en retiendrons deux : l’existence d’une « clause de non-concurrence tacite » d’abord ; l’interdiction faite au juge de réduire d’office le montant de la clause pénale ensuite. Sur ces deux questions, la position de la chambre commerciale est tout aussi surprenante qu’inquiétante.

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Coup d’arrêt pour les clauses d’arbitrage.

La Cour de cassation pose enfin une limite aux clauses d’arbitrage

Dans un arrêt du 20 avril 2017, la Cour de cassation a refusé d’étendre une clause d’arbitrage contenue dans un contrat de franchise à un contrat de location gérance conclu entre les mêmes parties. Si cette jurisprudence est rassurante, les circonstances particulières de l’affaire soumise à la Cour en limitent toutefois la portée.

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Sur qui pèse la charge de la preuve ?

Dans un arrêt du 29 mars 2017 la Cour de Cassation rappelle qu’il revient au franchiseur de rapporter la preuve qu’il a bien rempli ses obligations contractuelles. La Cour d’Appel avait au contraire considéré qu’il « appartient en tout état de cause aux appelants de démontrer l’existence de fautes constitutives d’un préjudice ». Ce faisant, la Cour d’Appel avait inversé la charge de la preuve. Deux séries d’obligations contractuelles étaient en cause dans cette affaire :

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Pas de demi-mesure pour les clauses de non-concurrence !

A propos de Cass. Com., 30 mars 2016 : n° 14-23.261

Dit comme ça, la solution paraît évidente. Dès lors qu’une clause est nulle, personne ne peut raisonnablement en demander l’application.

Et pourtant, il est des évidences dont on se félicite que la Cour de cassation les rappelle fermement. Ainsi la décision qu’elle a rendue le 30 mars 2016 ne doit-elle pas passer inaperçue.

Les faits soumis à la Cour

Le litige était très classique et portait sur le respect d’une clause de non-concurrence post-contractuelle par un franchisé.  après rupture de son contrat, un franchisé du secteur de la location automobile était inquiété par son franchiseur qui lui reprochait de poursuivre son activité.

Violation de la clause de non-concurrence, arguait-il ! Problème : la clause était manifestement excessive : le franchiseur se prévalait certes d’un savoir-faire à protéger, d’une atteinte à l’identité et à la réputation de son réseau ainsi que d’un risque de détournement de clientèle… Arguments aussi rituels qu’incantatoires ! La clause interdisait à l’ancien franchisé d’exploiter son activité économique dans six départements. La cour d’appel en avait déduit son caractère disproportionné et l’avait donc tout bonnement annulée.

Pourvoi du franchiseur. Sa thèse était assez originale. Le franchiseur reconnaissant que la clause était illicite au regard de la jurisprudence antérieure (insuffisante limitation dans le temps, dans l’espace etc.). La clause était donc susceptible de porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce du franchisé. Pourtant, soutenait le franchiseur, la clause devrait être appliquée malgré tout lorsque, dans la mesure de sa licéité, il est certain que son débiteur l’a violée. Ainsi en est-il si le franchisé a poursuivi la même activité à partir du même local.

La sanction de la nullité de la clause

Or en l’espèce, poursuivait-il, le franchisé s’était rétabli dans les locaux mêmes où il exerçait sa précédente activité.

Dès lors, en déboutant le franchiseur, la Cour d’Appel n’aurait pas légalement justifié sa décision. Ainsi le franchiseur estimait que son action en responsabilité était justifiée puisque le franchisé avait poursuivi la même activité dans le même local.

L’argument est néanmoins balayé. Et il est vrai qu’à bien y réfléchir, sa formulation était assez paradoxale, illogique : comment les juges pouvaient-ils appliquer une clause tenue pour illicite ? N’était-ce pas leur demander l’impossible ?

Les conséquences de l’illicéité d’une clause de non-concurrence

Une solution rigoureuse

Dès lors qu’un juge est appelé à se prononcer sur la validité d’une clause, l’alternative semble bien fermée : ou bien la clause est valable, ou bien elle est nulle. Dans le premier cas, il faut l’appliquer ; dans le second, la supprimer.

Aussi la Cour de cassation rejette-t-elle fort logiquement ce pourvoi : « ayant retenu que la clause de non-concurrence était illicite en raison de son caractère disproportionné, la cour d’appel n’était pas tenue d’effectuer la recherche invoquée à la première branche ».

La réponse est claire. Elle est en outre juste. Posez la solution inverse, quelles seraient les conséquences ? Cela n’est pas difficile à deviner : les franchiseurs n’auraient pas hésité à stipuler des clauses de non-concurrence particulièrement étendues et dissuasives, en se disant qu’après tout, il serait toujours temps de plaider que le franchisé l’a violée dans la mesure où elle aurait été déclarée valable.

Une rigueur justifiée

Certains diront peut-être qu’une clause de non-concurrence excessive pourrait être réduite. La clause était stipulée pour deux ans ? Ramenons-la à une année, voire six mois. Mais quel serait le fondement d’un tel pouvoir de réfaction reconnu au juge ? On peinerait à le trouver. Il serait d’ailleurs piquant de constater que ceux qui promeuvent la validité des clauses de non-concurrence au nom de la liberté contractuelle en seraient ainsi condamnés à en appeler au juge pour parfaire leur accord…

Si toutes les clauses excessives pouvaient être taillées par le juge à mesure des besoins prétendus d’un franchiseur, ces clauses de non-concurrence seraient toujours valables.  Le franchiseur ne prendrait donc aucun risque en rédigeant des clauses à large portée. Il suffirait de soutenir le cas échéant que son champ d’application peut être réduit.

De ce point de vue, la solution de la Cour de cassation suscite la pleine approbation.

L’expérience du franchisé ne dispense pas le franchiseur de son obligation d’information.

A propos de Cass. Com., 5 janvier 2016 : n° 14-15.708 et n° 14-15.706

La franchise attire toutes sortes de profils.

Certains candidats n’ont pas la moindre expérience.

Qu’ils soient jeunes ou qu’ils fussent salariés, peu importe : ceux-là justifient une protection particulière. Le franchiseur doit respecter scrupuleusement son obligation d’information, notamment concernant les tenants et aboutissants de l’intégration dans le réseau. Mais certains candidats peuvent être rompus aux affaires. Faut-il alors alléger l’obligation de transparence que la loi met à la charge du franchiseur ? Certains juges sont parfois tentés d’en décider ainsi. Une justice à deux vitesses en somme. La loi, toutefois, ne distingue pas selon la qualité de celui qui envisage d’intégrer tel ou tel réseau. Dans tous les cas, le franchiseur doit fournir un document dont les mentions sont précisément définis aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce. C’est ce que rappelle grosso modo la Cour de cassation dans deux arrêts du 5 janvier dernier.

Les faits soumis à la Cour dans les arrêts du 5 janvier 2016

Au cas particulier, un professionnel de l’assurance avait décidé d’intégrer un nouveau réseau de franchise. Ancien agent commercial, ancien courtier, il était aguerri. Etait-ce pour cette raison que le franchiseur n’avait pas jugé bon de lui fournir un document d’information précontractuelle complet ? Difficile de savoir… Mais le fait était constant : ce document, lacunaire, était peu détaillé et reposait sur des données anciennes qui ne donnaient pas les perspectives de développement de l’activité entreprise. Peu importe, décidaient les magistrats de la cour d’appel de Paris : dès lors que le candidat était un véritable professionnel, il n’avait pas besoin d’une telle information. La décision confirme, soit dit au passage, l’extrême libéralisme, d’aucuns pourraient même évoquer un réel laxisme, de cette juridiction, désormais ouvertement acquise à la cause des franchiseurs, aussi malhonnêtes ou négligents soient-ils. Fort heureusement, la décision est néanmoins censurée :

 

« En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l’expérience du franchisé, acquise dans le seul secteur de l’assurance, était suffisante pour lui permettre d’apprécier l’état du marché local d’un concept novateur alliant crédit et assurance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

 Analyse de la position de la Cour de cassation

Cette cassation est bienvenue. Encore une fois, la loi ne distingue nullement selon que le candidat à la franchise était ou non averti : l’obligation de transparence du franchiseur doit être respectée en toute hypothèse. Cela étant, on regrettera la motivation très circonstanciée de l’arrêt rendu par la haute juridiction. Celle-ci semble en effet suggérer que l’expérience du franchisé, si elle avait porté non seulement sur le domaine de l’assurance, mais encore sur celui du crédit, aurait permis d’établir la connaissance suffisante de ce franchisé et partant, de dispenser le franchiseur de son obligation de transparence. Un tel raisonnement n’est pourtant pas admissible.

La portée de ces arrêts

Il faut se garder des généralisations hâtives : le fait qu’une personne ait acquis une expérience professionnelle dans tel ou tel secteur ne signifie pas qu’il n’ait pas besoin de l’information précontractuelle prévue par la loi ! Il peut d’abord ne pas connaître le secteur géographique. Auquel cas la remise d’un état du marché local s’avère tout aussi déterminante que si ce candidat n’y connaissait rien. Par hypothèse, ce dernier ignore ensuite les potentialités du concept dont s’enorgueillit le franchiseur. Les perspectives de rentabilité doivent ainsi logiquement être étudiées avec soin par le franchiseur, et communiquées à tous les impétrants.

On savait déjà que la loi Doubin de 1989, dont l’article L. 330-3 du Code de commerce est la transposition, faisait l’objet d’une interprétation stricte de la part des tribunaux. La formule des franchiseurs est rabâchée jusqu’à satiété : « toute la loi Doubin, mais rien que la loi Doubin ». Une formule qui justifie, selon certains, que le franchiseur ne soit pas tenu de remettre aux candidats des chiffres prévisionnels.

Mais il ne faudrait pas aller plus loin ! Il ne faudrait pas que cette approche restrictive s’abîme dans une lecture appauvrissante ! A lire certaines décisions, on a parfois l’impression d’un autre mot d’ordre : « rien que la loi Doubin, et moins que la loi Doubin » ! La Cour de cassation doit veiller à ce que la loi s’applique en tous ses termes : c’est sa fonction.