Financement d’une franchise : prudence !

Voici un arrêt dont l’importance pratique ne passera pas inaperçue. Bien que la Cour de cassation n’ait pas jugé utile de le publier, il mérite assurément d’être connu des franchisés.

Rappel des faits

L’histoire était fort simple : afin de financer leur affiliation à un réseau de franchises, une société avait contracté un prêt auprès d’une banque. Et ses dirigeants de se porter caution. Scenario banal s’il en fut… Les contrats de franchise devaient toutefois être annulés. Restait alors la question du prêt. Devait-il ou non être annulé par voie de conséquence ? Le franchisé devait-il poursuivre le paiement des mensualités ? Non, selon lui : l’annulation du contrat de franchise justifiait nécessairement celle du contrat de prêt. Les deux contrats formaient un tout indivisible. L’argument est toutefois rejeté par la Cour de cassation dans cet arrêt du 14 décembre 2010 :

« Attendu qu’après avoir relevé que la partie qui invoque l’indissociabilité de deux contrats doit démontrer l’existence d’une indivisibilité entre les conventions, et que le fait que celles-ci participent d’une même opération économique ne suffit pas à lui seul à caractériser l’indivisibilité des contrats, l’arrêt constate dans l’exercice de son pouvoir souverain que les contrats de franchise et de prêt n’ont pas été conclus entre les mêmes parties, que les contrats de prêt ne comportent aucune référence aux contrats de franchise, de même que ces derniers ne contiennent aucune mention relative à des demandes de prêt, ni aucune condition suspensive d’obtention de prêts, que chacune des conventions comporte des obligations distinctes pouvant être exécutées indépendamment les unes des autres, enfin qu’aucun élément ne permet de constater que les parties ont voulu lier le sort des contrats de prêt à celui des contrats de franchise ; qu’en l’état de ces appréciations et constatations, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ».

La portée de l’arrêt

En somme, le contrat de prêt qui servait à l’exécution du contrat de franchise perdurera malgré la disparition de celui-ci. La solution peut étonner : quelle logique économique la sous-tend ? D’un point de vue juridique, elle se défend néanmoins : le banquier doit-il pâtir de l’annulation d’un contrat auquel il est étranger ? Par où le franchisé est invité à solliciter, dans le cadre de son action en nullité du contrat de franchise, l’indemnisation du préjudice résultant pour lui de la continuation d’un prêt qui se trouve privé pour lui de toute signification économique.

Mais l’apport de cet arrêt va plus loin. Car le franchisé et la caution reprochaient également à la banque d’avoir manqué à son devoir de mise en garde lors du financement de l’opération. C’est un reproche classique depuis que la Cour de cassation, en 2007, a mis à la charge des banquiers cette nouvelle obligation au profit des emprunteurs non avertis. L’arrêt du 14 décembre rappelle toutefois qu’il appartient au franchisé d’établir le risque d’endettement que présentait l’opération lors de sa conclusion. S’il incombe au banquier de prouver qu’il a bien exécuté son obligation, encore faut-il en effet que celle-ci existe. Lorsque l’opération ne présente pas un véritable risque, le franchisé ne peut reprocher à un autre de s’être laissé embarquer dans la Galère. Cela ne veut pas dire qu’en l’espèce, le risque n’existait pas. Mais le franchisé ne l’avait pas suffisamment caractérisé pour les juges du fond. Prudence donc : lors de la conclusion du contrat, certes, mais aussi lors de la confection de son dossier de plaidoirie.