Tu accorderas un soin tout particulier à l’analyse des clauses

Il faut toujours analyser les clauses.

Après la fin du contrat, la clause de non concurrence a une conséquence désastreuse. Elle signifie que le franchisé ne peut pas poursuivre la même activité dans le même fonds de commerce ! C’est tellement énorme que les nouveaux franchisés n’en comprennent pas toujours la portée ou se disent qu’elle n’est pas valable ! La réalité est plus nuancée. Lire la suite

Les COOP d’Alsace passent chez Carrefour !

La COOP d’Alsace, l’une des plus anciennes coopératives de France, premier distributeur indépendant de la région Alsace, a vu ses magasins la quitter les uns après les autres….

Les coopératives n’ont plus le vent en poupe et la concurrence de la grande distribution ne s’est pas soldée à leur avantage.

Plus de 110 ans après sa création, cette coopérative, emblème d’une distribution paternaliste, a vendu la quasi-totalité de ses actifs.

Connaissant depuis plusieurs années des problèmes récurrents de rentabilité, cette très vieille institution a commencé par céder ses hypermarchés au groupe Leclerc en 2009. Ce transfert n’a pas suffi à résoudre les problèmes de la coopérative qui s’est ensuite rapproché de Casino avec lequel elle a collaboré pendant plus d’une année.

Mais la mayonnaise n’a pas pris et la société Casino a jeté l’éponge.

Cela a permis au groupe Carrefour de prendre sa place et d’acquérir les COOP d’Alsace.

Mais le transfert est compliqué. Il implique de modifier le statut des exploitants et de leur vendre les exploitations.

Les magasins COOP sont tenus par des mandataires qui bénéficient de certaines dispositions protectrices du droit du travail. Carrefour ne souhaite pas maintenir ce statut et propose un changement radical. Les gérants se voient proposer de devenir des indépendants.

Les étapes du changement

Pour ce faire un scénario en plusieurs étapes semble envisagé :

La régularisation de nouveaux contrats :

  • Dans un premier temps un contrat de location gérance est signé entre Carrefour, propriétaire du fonds de commerce, et l’exploitant. Celui ci devient indépendant et aura donc une rémunération calculée en fonction des bénéfices de l’exploitation … A condition que celle ci le permette ! Or il est difficile à ce stade pour les exploitants d’avoir une vision précise de la rentabilité de chaque point de vente.
  • Carrefour n’ayant pas vocation à conserver dans son giron des petites surfaces. Elle entend donc les vendre aux exploitants qui devront emprunter pour ce faire. Ceux ci devront ensuite signer un contrat de franchise et un contrat d’approvisionnement. Ils resteront donc liés à Carrefour par ces deux conventions et devront acheter la majeure partie de leurs produits auprès de Carrefour.

Le passage du salariat au statut de commerçant indépendant

  • Les mandataires d’aujourd’hui vont donc devoir créer une société commerciale qui sera locataire gérante dans un premier temps, puis propriétaire du fonds à moyen terme… La société d’exploitation, créée par le responsable de magasin, devra rembourser les emprunts et assumer tous les risques liés à l’exploitation du fonds. Mais ce montage risque de se heurter à divers obstacles découlant d’une part du droit du travail et d’autre part de la difficulté d’obtenir des prêts pour une telle opération.
  • Le droit du travail d’abord car les gérants actuels ont la qualité de salarié et on imagine mal les raisons qui pourraient les convaincre d’abandonner un statut protecteur pour celui de commerçant indépendant. Il n’est pas exclu que les syndicats ou l’inspection du travail plongent leur nez dans ce montage et y trouvent à redire.
  • Les gérants eux mêmes risquent de faire grise mine devant les conditions de vie des commerçants. Certains d’entre eux sont dans l’entreprise depuis deux ou trois décennies et leurs cheveux commencent à blanchir. Devenir commerçant à cette période de sa vie n’est pas offert à tout le monde. Il faut en effet avoir une santé de fer et un moral d’acier pour supporter l’amplitude horaire de la distribution alimentaire et le stress généré par les problèmes de trésorerie.
  • Mais les gérants devront, pour se porter acquéreurs, trouver les quelques picaillons nécessaires à indemniser Carrefour des fonds de commerce. Or il est peu probable qu’ils disposent des liquidités nécessaires. Ils devront alors recourir à l’emprunt bancaire. Mais qui dit emprunt dit garantie. Et le gérant devra très probablement se porter caution personnelle.

Conclusion

Le changement de statut proposé aux directeurs de magasin n’est pas anodin : ils sont à un tournant décisif de leur vie et doivent maintenant devenir de véritables entrepreneurs adeptes d’une gestion au cordeau. Car n’oublions pas que dans la distribution alimentaire la rentabilité se joue souvent à un ou deux pour cent ! Il faut en avoir conscience et affuter ses prix en conséquence. Le danger est là, tapi derrière la moindre bouteille.

Un esprit  à deux mondes vont se rencontrer et le choc risque d’être violent.

 

 

 

Les contrats Carrefour Market retoqués par l’Autorité de la concurrence

Le recours à la procédure d’engagement en matière de franchise.

Sur l’avis de l’Autorité de la concurrence du 16 décembre 2011

De façon inédite, la procédure d’engagement devant l’Autorité de la concurrence a été appliquée dans le cadre d’un litige mettant en cause un contrat de franchise. Prévue à l’article L 464-2 du Code de commerce, la procédure d’engagement instaure une forme de coopération entre les entreprises et l’Autorité de la concurrence. Cette procédure trouve à s’appliquer dans le cas où l’Autorité de la concurrence aurait caractérisé des comportements susceptibles de constituer des « pratiques anticoncurrentielles » au sens des articles L 420 et suivants du même Code. Plus précisément, cette procédure d’engagement permet à l’entreprise soupçonnée de pratiques anticoncurrentielles de proposer des mesures visant mettre un terme aux préoccupations de l’Autorité. C’est précisément ce qu’a fait la société Carrefour dans le cadre d’un litige l’opposant à l’un de ses franchisés.

Un litige né à l’occasion du changement d’enseigne

Le différend entre les parties s’est déclaré lors du passage de l’enseigne Champion à l’enseigne Carrefour Market, dans le contexte de la réorientation stratégique initiée par le groupe Carrefour en 2008. Les saisissantes  estimaient notamment que, profitant du changement d’enseigne, la société Carrefour aurait introduit dans le nouveau contrat de franchise des modifications substantielles au détriment du franchisé. Profitant de l’état de dépendance économique dans lequel se trouvait la société franchisé, Carrefour aurait ainsi violé l’article L.420-2 du code de commerce.

Dans une évaluation préliminaire de concurrence, rendue en juillet 2011, l’Autorité de la concurrence a estimé que les pratiques de Carrefour, notamment la modification substantielle de certaines clauses du contrat de franchise à l’occasion du changement d’enseigne, étaient susceptibles de constituer un abus de dépendance économique.

  • La première étape du raisonnement consiste évidemment à caractériser l’état de dépendance économique, ce qui ne soulevait pas de difficulté dans le cas des franchisés Carrefour. Dans son analyse de l’état du marché, l’Autorité de la concurrence a notamment souligné « la pénurie de locaux commerciaux (…) les liens contractuels et capitalistiques qui lient les sociétés saisissantes au groupe Carrefour, (…) leur taux d’approvisionnement d’environ 90% auprès de ce même groupe et, enfin, là notoriété et  la part de marché que ce dernier est susceptible de détenir sur les marchés concernés ».
  • La seconde étape réside quant à elle dans la caractérisation de l’abus. Sur ce point, l’Autorité souligne que « la volonté de Carrefour de substituer au contrat de franchise Champion le contrat de franchise Carrefour Market est susceptible de constituer un abus de dépendance économique dans la mesure où certaines clauses du contrat-type Carrefour Market sont plus strictes que celles figurant dans le contrat de franchise Champion ». Compte tenu de ces éléments, la modification des clauses contractuelles lors du changement d’enseigne est susceptible de tomber sous le coup de l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles. 

C’est dans ce contexte, et afin de répondre aux préoccupations concurrentielles de l’Autorité, que Carrefour a formulé des propositions d’engagement en application de l’article L.464-2 du Code de commerce. Par sa décision du 16 décembre dernier, l’Autorité de la concurrence a accepté les propositions d’engagement du franchiseur, les rendant par là même obligatoires. Si le recours au droit de la concurrence permet ici de garantir les droits des franchisés (1), cette protection n’est que la conséquence des préoccupations de concurrence de l’Autorité (2).

L’interdiction des abus de dépendance économique : une protection efficace des droits du franchisé

A l’occasion du changement d’enseigne, Carrefour a proposé aux sociétés saisissantes la conclusion d’un nouveau contrat de franchise Carrefour Market, ayant vocation à se substituer au contrat de franchise Champion. Or le contrat Carrefour Market est à bien des égards plus contraignant pour le franchisé. Ainsi le contrat Carrefour Market proposé aux franchisés prévoyait une durée initiale de sept ans, renouvelable par tranche de sept années, alors que le contrat initial était renouvelé tous les trois ans. La liberté des franchisés s’en trouvait considérablement réduite, puisqu’ils ne pouvaient sortir du réseau que tous les sept ans. Rappelons par ailleurs que dans un avis antérieur du 7 décembre 2010, l’Autorité de la Concurrence avait justement recommandé de limiter la durée des contrats d’affiliation à cinq ans, afin de rendre la concurrence plus effective dans le secteur de la distribution alimentaire.

La seconde clause modifiée à l’occasion du changement d’enseigne concerne l’obligation de non-concurrence et de non-réaffiliation. Alors qu’en application du contrat Champion, les franchisés étaient tenus d’une obligation de non-conucrrence et de non-réaffiliation uniquement pendant la durée du contrat,  le contrat de franchise Carrefour Market étend cette obligation aux deux années suivant sa résiliation. Une fois de plus, cette disposition est contraire aux recommandations formulées par l’Autorité de la concurrence dans son avis précité du 7 décembre 2010. Il y est en effet recommandé de limiter à un an et au magasin objet du contrat les clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation post-contractuelles.

Enfin, le contrat de franchise Carrefour Market, accorde au franchiseur un droit de priorité en cas de cession du fonds de commerce non seulement pendant la durée du contrat (comme cela était d’ailleurs prévu dans le contrat Champion), mais également pendant les deux années suivant sa résiliation.

Au-delà des restrictions évidentes qu’elles apportent à la liberté du franchisé, ces  pratiques constituent aussi un abus de position dominante susceptible de fausser le fonctionnement du marché. C’est précisément à ce titre que l’Autorité de la concurrence a considéré que le litige était de son ressort. Ainsi souligne-t-elle que «les différentes pratiques précitées sont considérées comme susceptibles d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence dans la mesure où, soit les sociétés saisissantes souscrivent au contrat Carrefour Market, se liant ainsi de façon encore plus irrémédiable au groupe Carrefour, soit elles y renoncent et voient leur compétitivité dégradée du fait de la moindre visibilité de l’enseigne Champion combinée au maintien des redevances de franchise à leur niveau initial ».

Afin de répondre à ces préoccupations, Carrefour a soumis une série de mesures à l’Autorité de la concurrence en application de la procédure d’engagement prévue à l’article L464-2 I du Code de commerce.  Cet article met en place une procédure originale, par laquelle l’autorité de la concurrence peut  “accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5”.

Pour l’essentielle, les mesures proposées par Carrefour consistent à aligner les clauses litigieuses sur le régime prévu dans le contrat Champion. L’abus de dépendance économique est ainsi évité et les droits du franchisé préservés. Pour autant, la protection des droits du franchisé ne saurait justifier à elle seule les mesures imposées par l’Autorité de la concurrence, au risque de la voir sortir de ses attributions.

L’intervention limitée de l’Autorité de la concurrence aux comportements affectant le fonctionnement du marché

Outre l’abus de dépendance économique découlant de la modification du contrat de franchise, les saisissantes formulaient d’autres griefs à l’encontre du franchiseur. Elles estimaient notamment que Carrefour aurait du prendre en charge l’intégralité des travaux liés spécifiquement au changement d’enseigne, dès lors que cette mesure avait été imposée par le franchiseur. Cette requête semble au premier abord légitime. Pour autant, l’Autorité de la concurrence l’a écartée de façon assez surprenante, en considérant  que « si Carrefour n’avait pas décidé de remplacer l’enseigne Champion par l’enseigne Carrefour Market, il aurait en tout état de cause été amené à améliorer le concept Champion et les sociétés saisissantes auraient dû procéder aux travaux afférents, au risque, sinon, de constater une dégradation de l’enseigne et des ventes des magasins Champion”. L’Autorité insiste par ailleurs longuement sur la hausse du chiffre d’affaire attendue suite au changement d’enseigne… d’après les chiffres fournis par la société Carrefour elle-même !! Ces arguments sont pour le moins déroutants et l’Autorité de la concurrence aurait sans doute pu se contenter de considérer que “le partage des coûts des travaux liés au changement d’enseigne proposé par Carrefour n’est pas de nature à affecter la concurrence sur le marché concerné.” Cette simple assertion eût suffit à écarter la compétence de l’Autorité.

De façon similaire, l’Autorité de la concurrence s’est estimée incompétente pour statuer sur l’augmentation du montant des redevances de fidélité. Les saisissantes soutenaient en effet qu’elles avaient été contraintes de signer un nouveau contrat de fidélisation, qui leur était particulièrement désavantageux. En réponse à cet argument, l’Autorité de la concurrence se borne à souligner que rien ne permet de conclure que « de telles hausses seraient de nature à affecter le jeu de la concurrence sur le marché ». La question, qui concerne alors l’appréciation du caractère proportionné ou non des redevances versées par les franchisés, relève du juge commercial en non pas de l’Autorité de la concurrence, « dès lors que ces pratiques n’affectent pas le jeu de la concurrence sur le marché concerné ».

 

En somme, l’Autorité de la concurrence rappelle que sa mission consiste à veiller au bon fonctionnement du marché et non pas à insuffler de l’équité dans les relations contractuelles. Pour autant, l’avis du 16 décembre 2011 constitue indéniablement une avancée pour la protection des franchisés et un exemple édifiant de recours à la procédure d’engagement dans un contexte inédit.

La Cour de Cassation consacre le principe d’une information réaliste du futur franchisé et ce y compris si celui-ci est déjà un professionnel du secteur !

L’obligation d’information pèse sur le franchiseur… même si le candidat à la franchise est déjà un professionnel du secteur d’activité concerné

Commentaire de l’arrêt rendu le 25 juin 2013 par la Cour de cassation (N° de pourvoi: 12-20815).

Dans cette affaire un franchisé déjà en activité dans un réseau avait crée un second fonds après avoir pris connaissance des comptes prévisionnels fournis par le franchiseur.

Après une rupture du contrat les parties se sont retrouvées devant le tribunal et le franchisé a alors soulevé la nullité du contrat au motif qu’il avait été trompé par les prévisionnels du franchiseur.

Les juges lui ont donné raison ! ils ont estimé que l’écart entre les prévisionnels et les réalisés prouvaient que les premiers étaient irréalistes.

Ils ont estimé que le franchiseur aurait du établir ces comptes prévisionnels à partir d’expériences réelles portant sur la période antérieure à la signature du contrat.

 Ainsi la cour de Cassation entérine un raisonnement que nous pronons depuis des années à savoir que les comptes prévisionnels doivent être établis à partir des chifffres réels de fonds en activité !

L’arrêt mérite d’être cité in extenso :  

 

Mais attendu qu’après avoir retenu que, même si le dirigeant de la société CLE n’était pas novice pour avoir repris avec succès un centre de lavage de la même enseigne dans une autre région quelques années auparavant, la société Hypromat devait lui communiquer des chiffres sérieux concernant le marché local, l’arrêt relève que le chiffre d’affaires prévisionnel annoncé par le franchiseur s’est révélé deux fois supérieur à celui réalisé par la société CLE qui, même après plusieurs années d’exploitation, n’a jamais réussi à atteindre le montant annoncé pour la première année ; qu’il ajoute que cet écart dépasse la marge habituelle d’erreur en la matière, qu’aucune défaillance dans la gestion de l’entreprise par le franchisé n’est de nature à l’expliquer et que la société Hypromat ne fournit aucun exemple de centres de lavage implantés dans des agglomérations de taille similaire ayant réalisé entre 2003 et 2008 des chiffres d’affaires comparables aux prévisions annoncées ; qu’il en déduit que la société Hypromat, qui a fourni à la société CLE un prévisionnel irréaliste et chimérique, a failli à son obligation d’information et que la société CLE, trompée sur cet élément déterminant dans le calcul des risques qu’elle prenait en ouvrant un centre, a ainsi été victime d’un vice du consentement ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’avait pas à suivre la société Hypromat dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision sans être tenue de procéder aux recherches inopérantes visées aux première, deuxième et cinquième branches ; que le moyen n’est pas fondé.

Cette décision est très encourageante et donne un axe de réflexion clair sur les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de la tête de réseau.