Nullité d’un contrat de franchise pour absence de cause et pour dol

Dans un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 15 avril 2014, les juges annulé un contrat de franchise pour absence de cause et pour dol. Cet arrêt offre l’occasion à la Cour de rappeler les règles applicables en matière de prescription et de nullité.

La médiation suspend le délai de prescription

L’action en nullité du contrat de franchise est recevable. Le contrat a été formé en mars 2005. En septembre 2009, suite aux doléances du franchisé, le franchiseur saisissait le médiateur. Or, selon l’article 2238 du Code Civil, la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation. Le délai quinquennal de prescription prévu par l’article 2224 du Code civil (anciennement article 1304 du Code civil) a donc été suspendu pendant la durée de la médiation. L’action en nullité intentée en février 2010 n’est pas prescrite.

L’absence de savoir-faire du franchiseur est une cause de nullité du contrat

Le contrat de franchise doit être annulé pour absence de cause et pour dol. Le contrat de franchise portait sur des services de courtage en crédits auprès de particuliers et de professionnels. Or le franchiseur n’avait développé aucun savoir-faire pour les crédits aux entreprises et aux professionnels. Il l’a d’ailleurs admis lui-même dans des courriers envoyés aux franchisés.

De plus, le document d’informations précontractuelles remis au franchisé ne comporte aucun renseignement sur l’état local du marché des services faisant l’objet du contrat, aucun renseignement sur le marché du financement aux professionnels et entreprises que ce soit au niveau national ou au niveau local, contrairement aux dispositions de l’article R. 330-1 du Code de commerce. Le consentement du franchisé a donc été vicié. Par suite de l’annulation du contrat, le franchiseur doit restituer les sommes perçues du franchisé. Les sommes à restituer sont les droits d’entrée et redevances pour un total de 47 596 euros.

La Cour de Cassation consacre le principe d’une information réaliste du futur franchisé et ce y compris si celui-ci est déjà un professionnel du secteur !

L’obligation d’information pèse sur le franchiseur… même si le candidat à la franchise est déjà un professionnel du secteur d’activité concerné

Commentaire de l’arrêt rendu le 25 juin 2013 par la Cour de cassation (N° de pourvoi: 12-20815).

Dans cette affaire un franchisé déjà en activité dans un réseau avait crée un second fonds après avoir pris connaissance des comptes prévisionnels fournis par le franchiseur.

Après une rupture du contrat les parties se sont retrouvées devant le tribunal et le franchisé a alors soulevé la nullité du contrat au motif qu’il avait été trompé par les prévisionnels du franchiseur.

Les juges lui ont donné raison ! ils ont estimé que l’écart entre les prévisionnels et les réalisés prouvaient que les premiers étaient irréalistes.

Ils ont estimé que le franchiseur aurait du établir ces comptes prévisionnels à partir d’expériences réelles portant sur la période antérieure à la signature du contrat.

 Ainsi la cour de Cassation entérine un raisonnement que nous pronons depuis des années à savoir que les comptes prévisionnels doivent être établis à partir des chifffres réels de fonds en activité !

L’arrêt mérite d’être cité in extenso :  

 

Mais attendu qu’après avoir retenu que, même si le dirigeant de la société CLE n’était pas novice pour avoir repris avec succès un centre de lavage de la même enseigne dans une autre région quelques années auparavant, la société Hypromat devait lui communiquer des chiffres sérieux concernant le marché local, l’arrêt relève que le chiffre d’affaires prévisionnel annoncé par le franchiseur s’est révélé deux fois supérieur à celui réalisé par la société CLE qui, même après plusieurs années d’exploitation, n’a jamais réussi à atteindre le montant annoncé pour la première année ; qu’il ajoute que cet écart dépasse la marge habituelle d’erreur en la matière, qu’aucune défaillance dans la gestion de l’entreprise par le franchisé n’est de nature à l’expliquer et que la société Hypromat ne fournit aucun exemple de centres de lavage implantés dans des agglomérations de taille similaire ayant réalisé entre 2003 et 2008 des chiffres d’affaires comparables aux prévisions annoncées ; qu’il en déduit que la société Hypromat, qui a fourni à la société CLE un prévisionnel irréaliste et chimérique, a failli à son obligation d’information et que la société CLE, trompée sur cet élément déterminant dans le calcul des risques qu’elle prenait en ouvrant un centre, a ainsi été victime d’un vice du consentement ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’avait pas à suivre la société Hypromat dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision sans être tenue de procéder aux recherches inopérantes visées aux première, deuxième et cinquième branches ; que le moyen n’est pas fondé.

Cette décision est très encourageante et donne un axe de réflexion clair sur les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de la tête de réseau.

 

Clause de non réafiliation – n° 10/24013 du 3 avril 2013

 La clause de non réafiliation prévue en cas de résiliation anticipée d’un contrat de franchise dans le secteur de la distribution alimentaire ne se justifie pas par la nécessité de protéger le savoir faire du franchiseur. L’ancien franchiseur ne peut rechercher la responsabilité du nouveau fournisseur en se fondant sur la violation de la clause de non réafiliation.

CA Paris PÔLE 05 CH. 043 avril 2013N° 10/24013

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Décembre 2010 – Tribunal de Commerce d’EVRY – 3ème Chambre RG n° 2008F00212

 Jonction RG N° 10/24273

APPELANTE

 SAS DISTRIBUTION ALIMENTAIRE PARISIENNE DIAPAR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

ZI du Moulin à Vent Rue des Mares Juliennes
91380 CHILLY MAZARIN

Représentée par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Me Michel GUIZARD), avocats au barreau de PARIS, toque L0020
Assistée de Me Pascal BROUARD plaidant pour la SCP BROUARD, avocat au barreau de PARIS, toque P 64

INTIMES

Société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE – SAS anciennement dénommée PRODIM agissant poursuites et diligences de son Président en exercice y domicilié

Ayant son siège social
Zone Industrielle Route de Paris
14120 MONDEVILLE

Société CSF CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE SAS agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social
Z. I. Route de Paris
14120 MONDEVILLE

 Représentées par la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE (Me Luca DE MARIA), avocats au barreau de PARIS, toque L0018

 Assistées de Me Pascal COSSE plaidant pour cabinet Baron Cossé & Gruau, avocats au barreau d’Evreux

Monsieur Christian R.
5/7 Rue Gambetta

Assignée à personne et n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 février 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame COCCHIELLO, Président et Madame LUC, Conseiller chargée d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame COCCHIELLO, Président

Madame LUC, Conseiller, rédacteur

Mme POMONTI, Conseiller désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de Paris en vertu de l’article R 312-3 du code de l’organisation judiciaire pour compléter la chambre.

Greffier, lors des débats : Madame GAUCI

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame COCCHIELLO, Président et par Madame GAUCI, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*****

Vu le jugement rendu le 08 décembre 2010 par lequel le Tribunal de commerce d’ Evry a déclaré recevables mais mal fondées les tierces oppositions incidentes formées par la société DIAPAR «’DISTRIBUTION ALIMENTAIRE PARISIENNE’» (ci-après DIAPAR) contre les sentences arbitrales des 26 décembre 2006 et 20 juin 2008, jugé qu’il y a eu violation, par M. Christian R., des articles 3.3.2 et 6 du contrat de franchise signé avec la société PRODIM et de l’article premier du contrat d’approvisionnement signé avec la société CSF, constaté que la société DIAPAR a participé aux violations précitées et engagé sa responsabilité, condamné, sous le régime de l’exécution provisoire, la société DIAPAR à verser la somme de 40.000€ à la société PRODIM

pour sa participation aux violations de l’interdiction d’adhérer à un réseau concurrent et de la clause de non réaffiliation du contrat de franchise, condamné la société DIAPAR à verser à la société CSF la somme de 41.670€ eu réparation du préjudice subi au titre de la perte de marge pour non-exécution du contrat d’approvisionnement, débouté la société DIAPAR de toutes ses demandes reconventionnelles, condamné la société DIAPAR au versement de la somme de 5.000€ à chacune des sociétés PRODIM et CSF sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’;

Vu l’appel interjeté par la société DIAPAR le 16 décembre 2010 ;

Vu l’ordonnance de jonction des deux appels du conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Paris, en date du 18 janvier 2011 ;

Vu les conclusions signifiées par la société DIAPAR le 15 février 2013 afin que le jugement entrepris soit infirmé en ce qu’il emporte condamnation de la société DIAPAR, que les articles 3.3.2 et 6 du contrat de franchise et l’article 1 du contrat d’approvisionnement soient dit nuls et de nul effet en ce qu’ils constituent des pratiques anticoncurrentielles prohibées, qu’il soit dit que les dispositions des sentences arbitrales rendues le 26 décembre 2006 et le 20 juin 2008 portent préjudice à la société DIAPAR et qu’elles soient réformées en ce qu’elles ont condamné M. R. à indemniser les sociétés PRODIM et CSF, que les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (anciennement dénommée PRODIM) et CSF soient déboutées de leurs demandes à l’encontre de la société DIAPAR, que les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF soient condamnées, in solidum, à verser à la société DIAPAR la somme de 500.000€ au titre du préjudice subi du fait de leurs pratiques restrictives de concurrence, à titre subsidiaire que la Cour saisisse l’Autorité de la Concurrence pour avis sur la conformité de la clause de non réaffiliation et de la clause d’adhésion prévues dans les contrats de franchise de la société PRODIM et de la clause d’approvisionnement prioritaire prévue par le contrat d’approvisionnement, que les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSM soient condamnées in solidum au paiement d’une somme de 50.000€ pour procédure abusive, et d’une somme de 40.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées par les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF le 19 février 2013 afin que la société DIAPAR soit déclarée irrecevable et mal fondée en sa tierce opposition incidente à l’encontre des deux sentences arbitrales, que les violations, par M. R., des clauses 3.3.2 et 6 du contrat de franchise et de l’article 1 du contrat d’approvisionnement soient constatées, que la société DIAPAR soit déboutée de toutes ses demandes reconventionnelles, que soient déclarées irrecevables les demandes tendant à réformer les sentences arbitrales en ce qu’elles ont condamné M. R., qu’il soit dit que la société DIAPAR a activement et intentionnellement participé à la violation des obligations contractuelles de M. R. à l’égard de CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF et qu’en conséquence elle a engagé sa responsabilité délictuelle, que la société DIAPAR soit condamnée à verser à la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) les sommes de 120.000€ pour sa participation à la violation d’interdiction d’adhérer à un réseau concurrent, 180.000€ pour participation à la violation d’une clause de non réaffiliation et 150.000€ au titre de la désorganisation du réseau PRODIM, et à verser à la société CSF la somme de 667.303€, que la société DIAPAR soit enfin condamnée à verser à chacune de ces sociétés une somme de 10.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’;

SUR CE

Considérant qu’il résulte de l’instruction les faits suivants’:

Le 16 avril 1997, la société PRODIM et M. Christian R. ont signé un contrat de franchise

relatif à l’exploitation de son fonds de commerce, situé à CHERBOURG, sous l’enseigne «’SHOPI’».

Le contrat, d’une durée initiale de sept ans, comportait une clause de renouvellement par tacite reconduction par période de quatre ans, à défaut de dénonciation par l’une ou l’autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception, dans le respect d’un préavis de six mois. La résiliation pour faute du franchisé est prévue à l’article 7, un mois après une mise en demeure. «’Une indemnité forfaitaire de résiliation HT égale à un an de cotisation de franchise calculée sur le Chiffre d’affaires TTC réalisé par le franchisé au cours des 12 mois précédents si la rupture de l’accord résulte d’une faute de ce dernier’» est stipulée à l’article 6.

L’exécution du contrat a été suspendue pendant une durée de deux ans si bien qu’il a été convenu qu’il n’expirerait que le 16 avril 2006.

Les articles 3.3.2 et 6 du contrat comportaient des clauses visant d’une part l’obligation du franchisé de non adhésion à «’une autre organisation ou groupement commercial (‘) ou organisme de distribution’» pendant la durée de l’accord et, d’autre part, de non réaffiliation à une enseigne et interdiction de vente de marchandises dont les marques y sont liées, en cas de rupture anticipée pendant une durée d’une année.

Le 3 octobre 2000, la société LOGIDIS, aux droits de laquelle se trouve la société CSF, a signé avec M. R., pour les besoins de l’exploitation de son fonds de commerce, un contrat d’approvisionnement pour une durée de cinq années, reconduite par période d’un an, sous réserve d’une dénonciation sous préavis de six mois. Ce contrat comportait, à l’article premier, l’engagement de M. R. de s’approvisionner de façon prioritaire auprès de la société LOGIDIS, ou bien auprès des fournisseurs que celle-ci aurait agréés. L’article 9 de ce contrat prévoyait la faculté pour le fournisseur de résilier le contrat pour faute du franchisé 15 jours après l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception. Le contrat prévoyait également une indemnité forfaitaire de résiliation due au fournisseur, égale à la perte de marge brute sur les années restant à courir, au moins égale à deux années.

Constatant, à la fin de l’année 2003, que M. R. s’approvisionnait de façon importante auprès d’un fournisseur concurrent, la société DIAPAR, la société CSF communiquait à celle-ci, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 novembre 2003, copie du contrat d’approvisionnement signé par M. R.. Par lettre recommandée avec accusé de réception de la même date, la société PRODIM lui adressait une copie du contrat de franchise signé avec M. R.. Chacune des deux sociétés précisait à la société DIAPAR qu’elles entendaient voir leur contrat exécuté et respecté jusqu’à son échéance, faute de quoi, si la société DIAPAR passait outre, elles la considèreraient tiers complice, avec toute conséquence de droit.

Par jugement du 17 décembre 2004, le Tribunal de Commerce de CHERBOURG a débouté la société CSF de sa demande de voir interdire à M. R., sous astreinte, de s’approvisionner auprès d’une centrale concurrente. La société CSF relevait appel de ce jugement, mais se désistait par la suite.

La société PRODIM, quant à elle, mettait en demeure, le 15 juin 2005, M. R. de respecter son obligation de ne pas adhérer pendant la durée de son contrat, en tout ou partie auprès d’un organisme concurrent. Le 25 octobre 2005, elle constatait la résiliation du contrat et sollicitait la mise en œuvre d’une procédure d’arbitrage, conformément à l’article 12 dudit contrat.

Le Tribunal arbitral concluait, dans sa sentence du 26 décembre 2006, que M. R. avait violé ses obligations de non adhésion de juin à octobre 2005, puis de non réaffiliation post contractuelle le liant à PRODIM, l’achat de produits auprès de la société DIAPAR violant, selon lui, à la fois la clause de non adhésion pendant le contrat et la clause de non réaffiliation post contractuelle. M. R. a été condamné à payer les sommes de 18 213,75 euros à titre d’indemnité de résiliation,

80 000 euros pour violation de la clause de non adhésion, 20 000 euros pour la commercialisation, après la fin du contrat, des MDD de la société DIAPAR, «’Belle France’» et «’Winny’», et 75 000 euros pour atteinte à l’image du réseau résultant de ces violations contractuelles. Les pratiques ont été succinctement examinées sous l’angle du droit de la concurrence, à la demande de M. R., mais en vain.

Par suite, la sentence rendue le 20 juin 2008 par le Tribunal arbitral retenait que M. R. avait violé l’obligation d’approvisionnement prioritaire prévue par l’article 1er du contrat d’approvisionnement le liant à CSF, en s’approvisionnant majoritairement auprès de la société DIAPAR. Après un bref examen de sa situation de dépendance économique, demandé par M. R., le Tribunal arbitral a estimé qu’aucune pratique anticoncurrentielle n’avait été commise, et l’a condamné à payer la somme de 150 000 euros.

A la requête des société PRODIM et CSF, la société DIAPAR a été assignée à comparaître en tierce complicité devant le Tribunal de commerce d’Evry, par exploit du 14 mars 2007.

Le 5 mars 2008, M. R. a été assigné à comparaitre par la société DIAPAR en intervention forcée devant le Tribunal de commerce d’Evry, dans la suite de l’assignation dont elle avait fait l’objet.

Par le jugement déféré, le Tribunal a partiellement fait droit aux demandes des requérantes. Il a estimé que la société DIAPAR avait contribué à la violation, par M. R., des articles 3.3.2 (obligation de non adhésion) et 6 (clause de non réaffiliation) du contrat de franchise, ainsi que de l’article 1 du contrat d’approvisionnement prioritaire.

C’est dans ces conditions de fait et de droit qu’est née la présente instance.

Sur l’irrecevabilité des deux tierces oppositions incidentes de la société DIAPAR

Considérant que les intimées prétendent qu’une sentence arbitrale n’est pas susceptible de faire l’objet d’une tierce opposition incidente, sur le fondement des articles 1481 et 588 du Code de procédure civile, que la tierce opposition de la société DIAPAR est irrecevable sur le fondement de l’article 583 du Code de procédure civile, car l’appelante n’invoque pas de moyens propres et qu’enfin, l’effet dévolutif de la tierce opposition, dans l’hypothèse où elle serait recevable, limite le débat aux trois seules questions tranchées par les deux sentences arbitrales ;

Considérant que, si les deux sentences ne sont revêtues que d’une autorité relative de chose jugée qui n’a donc d’effets qu’entre les parties, elles n’en sont pas moins opposables aux tiers, de sorte que, bien que la société DIAPAR ne fut pas partie à la procédure arbitrale, la méconnaissance par M. R. des clauses susvisées au préjudice des sociétés PRODIM et CSL constitue un fait juridique dont la matérialité ne saurait être contestée dans le cadre du présent litige ;

Considérant que, pour écarter les conséquences d’une telle opposabilité relativement à la complicité de la violation de ces clauses de non adhésion, de non réaffiliation post contractuelle et d’approvisionnement prioritaire qui lui est imputée, la société DIAPAR a formé tierce opposition aux sentences ainsi rendues devant le Tribunal de commerce d’Evry qui l’a déclarée recevable ;

Considérant qu’il ressort de l’article 583, alinéa premier, du Code de procédure civile qu’ «’est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque’» ; que par ailleurs l’intérêt d’une partie au succès d’une prétention doit être légitime, né et actuel, positif et concret ; qu’en l’espèce, les sentences arbitrales à l’encontre desquelles la société DIAPAR entend former tierce opposition, d’une part, reconnaissaient des manquements, dûment établis et constatés, de M. R. aux clauses susvisées, et, d’autre part, sont opposables à l’appelante dont la responsabilité est recherchée dans le

cadre de la présente instance au titre de la complicité dans la violation de ladite clause; que, dès lors, elle justifie de l’existence d’un intérêt à la réformation des deux sentences ;

Mais considérant que, cela étant posé, l’article 1501 du Code de procédure civile dispose que «'(la sentence arbitrale) peut être frappée de tierce opposition devant la juridiction qui eût été compétente à défaut d’arbitrage, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article 588 alinéa 1 » ; que la tierce opposition peut donc non seulement être formée à titre principal, dans les conditions posées par le texte précité, mais aussi à titre incident, dans les conditions posées par l’article 588 alinéa 1 ; que celui ci dispose que «’la tierce opposition incidente à une contestation dont est saisie une juridiction est tranchée par cette dernière si elle est de degré supérieur à celle qui a rendu le jugement ou si, étant d’égal degré, aucune règle de compétence d’ordre public n’y fait obstacle. La tierce opposition est alors formée de la même manière que les demandes incidentes’» ; que l’article 1501 du Code de procédure civile, ne renvoie pas à l’article 588, alinéa 2, du Code de procédure civile, qui énonce que dans «’les’autres cas,’la tierce opposition incidente est portée, par voie de demande principale, devant la juridiction qui a rendu le jugement’» ; qu’ainsi, la tierce opposition incidente à une sentence arbitrale est possible devant une Cour d’appel ou une juridiction de premier degré, puisqu’aucune règle de compétence d’ordre public n’y fait obstacle ; que la Cour d’appel est, en l’espèce, saisie d’un appel contre le jugement du Tribunal de commerce qui était lui-même compétent pour en connaître ; que le moyen tiré de l’impossibilité de former tierce opposition incidente d’une sentence arbitrale doit donc être rejeté ;

Considérant que les intimées excipent de l’article 583 du Code de procédure civile, pour prétendre que la société DIAPAR, créancière de M. R., n’avait aucun moyen propre à faire valoir et que sa tierce opposition serait donc irrecevable ;

Mais considérant que cet article dispose qu »«’Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque. Les créanciers et autres ayants cause d’une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s’ils invoquent des moyens qui leur sont propres. (…)’» ; qu’il en résulte que les parties représentées ne peuvent faire tierce opposition, sauf les parties créancières dans les cas de fraude ou pour invoquer des moyens propres ; que cet article n’a donc pas la signification alléguée par les intimées et est donc inopérant en l’espèce, la société DIAPAR n’ayant pas été représentée devant les arbitres ;

Considérant enfin que les intimées exposent que l’effet dévolutif de ce recours est limité par les dispositions de l’article 582 qui dispose : «’La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit’» ; qu’ainsi, selon elles, la société DIAPAR ne pourrait remettre en cause que la constatation de la violation des clauses par M. R. sans pouvoir avancer des moyens tirés d’infractions au droit de la concurrence ;

Mais considérant que si aucune prétention nouvelle ne peut être formée par rapport aux prétentions jugées qui sont critiquées, l’effet dévolutif de la tierce opposition autorise l’auteur du recours à invoquer les moyens qu’il aurait pu présenter s’il était intervenu à l’instance, à l’appui de sa prétention ; qu’ainsi, les moyens tirés de la violation du droit de la concurrence, qui soutiennent la prétention selon laquelle les clauses n’ont pas pu être violées par M. R. puisqu’elles sont nulles et de nul effet, sont-ils recevables ;

Sur le fond

Sur la clause d’approvisionnement prioritaire

Considérant que l’article 1 du contrat d’approvisionnement type proximité, signé entre LOGIDIS et M. R. stipule que «’le client s’engage à s’approvisionner de façon prioritaire auprès de

LOGIDIS ou auprès de fournisseurs que LOGIDIS a spécialement agréés’» ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que la société LOGIDIS a interprété et appliqué cette clause comme une clause d’approvisionnement exclusif, qui constitue une clause anticoncurrentielle par objet ;

Considérant, en effet, que s’étant aperçu que M. R. s’approvisionnait auprès de DIAPAR, la société LOGIDIS l’a assigné en référé devant le Tribunal de commerce de CHERBOURG aux fins qu’il lui soit interdit, sous astreinte, de s’approvisionner auprès d’une centrale concurrente ; que cette assignation traduit l’interprétation de la clause par la société LOGIDIS, de même que la lettre adressée par elle à la société DIAPAR, le 7 novembre 2003 ; que selon cette interprétation, la clause interdit en réalité au franchisé de s’approvisionner auprès de centrales d’achat qui peuvent être apparentées à des réseaux concurrents et sa violation constitue d’ailleurs également, selon PRODIM, une violation de la clause de non adhésion à un réseau du contrat de franchise, entraînant la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé ; que la clause de non adhésion, telle qu’appliquée par la société PRODIM, aboutit donc à imposer au franchisé un approvisionnement exclusif auprès de la société CSF puisque c’est la société PRODIM qui décide en réalité du fournisseur auprès duquel le franchisé peut s’approvisionner sans violer l’article 3.3.2 précité ; il faut noter à cet égard que l’article 25 du contrat de franchise prévoit que le franchiseur détermine «’un assortiment minimum devant obligatoirement figurer dans le type de magasin’», le franchisé s’engageant à «’détenir l’assortiment minimum défini par le franchiseur notamment en matière de «’marques propres’» ; que le fournisseur de ces marques propres étant la société LOGIDIS, les deux contrats forment un tout indissociable et la clause d’approvisionnement prioritaire doit être analysée dans ce contexte ;

Considérant qu’il en résulte que cette clause, appliquée comme une clause d’approvisionnement exclusif, doit, pour être licite au regard du droit de la concurrence, être indispensable à la mise en oeuvre d’un accord de franchise, c’est-à- dire organiser le contrôle indispensable à la préservation de l’identité et de la réputation du réseau qui est symbolisé par l’enseigne ; que les lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales (JOCE du 13 octobre 2000, C 291/29), qu’il faut considérer comme un guide d’analyse utile, précisent : « une obligation de non concurrence relative aux biens et services achetés par le franchisé ne relèvera pas de l’article 81 paragraphe 1 lorsqu’elle est nécessaire au maintien de l’identité commune et de la réputation du réseau franchisé. Dans de tels cas, la durée de l’obligation n’est pas un facteur pertinent au regard de l’article 81 paragraphe 1 pour autant qu’elle n’excède pas celle de l’accord de franchise lui-même » (paragraphe 200) ; qu’ainsi, dans le cadre d’un réseau de franchise, la sauvegarde de l’identité du réseau ainsi que la protection du savoir-faire du franchiseur justifient l’exercice par ce dernier d’un certain contrôle sur la politique commerciale des franchisés, qui ne saurait excéder ce qui est strictement nécessaire à la réalisation de ces objectifs ; qu’en l’espèce, l’obligation d’approvisionnement exclusif ne saurait être validée que si elle s’avère nécessaire à la cohésion du réseau, en raison notamment de la spécificité des marchandises vendues ; que dans le commerce de distribution alimentaire, l’exclusivité d’approvisionnement ne peut viser que les marchandises propres au réseau, qui sont notamment les MDD ; que l’objectif du maintien de l’identité commune et de la réputation du réseau de distribution SHOPI permet donc au franchiseur d’exercer un contrôle sur l’approvisionnement du franchisé, en terme d’assortiment minimum dans ses marques propres, permettant de garantir que les clients disposent d’un produit de sa marque, homogène dans l’ensemble des supérettes SHOPI ; qu’interdire en revanche tout approvisionnement que ce soit, même en marques nationales, auprès de centrales d’achat concurrentes, produits qui ne se distinguent absolument pas les uns des autres selon le grossiste vendeur, sauf par les prix, s’avère totalement disproportionné à la défense des intérêts légitimes du franchiseur, et constitue une clause anticoncurrentielle, car elle n’est pas proportionnée aux nécessités de la protection du savoir-faire, du réseau et de la défense des intérêts légitimes du franchiseur ; qu’elle vise, en réalité, à se garantir l’approvisionnement intégral du magasin SHOPI aux prix déterminés par CARREFOUR et empêche le franchisé de bénéficier de prix plus intéressants ; que ces objectifs sont étrangers à la protection des intérêts légitimes du franchiseur,

mais ont pour effet de porter une atteinte illégitime à la liberté du franchisé d’exercer son commerce dans des conditions normales ; que, par suite, ces obligations sont contraires aux dispositions de l’article L. 420-1 du Code de commerce ; que cette clause échappe à l’exemption automatique du règlement 330/2010, selon l’article 5 de celui ci qui dispose :’«’ 1. L’exemption prévue à l’article 2 ne s’applique pas aux obligations suivantes contenues dans des accords verticaux : a) toute obligation directe ou indirecte de non concurrence dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans’», une obligation de non concurrence étant définie comme «'(…) toute obligation directe ou indirecte imposant à l’acheteur l’obligation d’acquérir auprès du fournisseur ou d’une autre entreprise désignée par le fournisseur plus de 80 % de ses achats annuels en biens ou en services contractuels et en biens et en services substituables sur le marché en cause, calculés sur la base de la valeur ou, si cela est de pratique courante dans le secteur, du volume des achats qu’il a effectués au cours de l’année civile précédente’» ;

Considérant que la société CARREFOUR prétend qu’il s’agit d’une clause d’approvisionnement majoritaire auprès de la société LOGIDIS, suivi en cela par le Tribunal arbitral ; que le Tribunal de commerce de CHERBOURG en a eu une autre interprétation selon laquelle le franchisé est autorisé à s’approvisionner auprès de concurrents, si les prix pour des articles équivalents sont plus bas que ceux de LOGIDIS ; qu’en toute hypothèse, la société DIAPAR ne peut se voir reprocher d’avoir contribué à violer cette clause, dont l’ambiguïté est démontrée par ses multiples interprétations, et à laquelle les sociétés intimées ont conféré une portée anticoncurrentielle ; que n’ayant commis aucune faute, la société DIAPAR ne peut être poursuivie pour tierce complicité de la prétendue violation d’une clause à la portée incertaine ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

Sur la clause de non adhésion prévue au contrat de franchise

Considérant que l’article 3.3.2 du contrat de franchise dispose que le franchisé s’engage à «’ne pas adhérer pendant la durée de l’accord pour une activité similaire à un autre organisation ou groupement commercial, en tout ou en partie ou à un autre organisme de distribution, quelle qu’en soit la forme juridique ou économique’» ; que la société PRODIM prétend qu’en s’approvisionnant auprès de la société DIAPAR, sans avoir pour autant adopté aucune enseigne concurrente, M. R. aurait violé ladite clause ;

Considérant que les clauses restreignant la liberté du franchisé sont d’interprétation stricte ; que la société DIAPAR est une centrale d’achat et non un «’organisme de distribution’», concurrent de la société PRODIM ; que la circonstance que la société DIAPAR anime par ailleurs les enseignes G 20, DIAGONAL et CITYS est indifférente au présent litige ; qu’on peut, en revanche, la qualifier du terme flou employé dans la clause de « autre organisation ou groupement commercial’» ; mais que, il ne peut être inféré de l’approvisionnement auprès de la société DIAPAR, même majoritaire, l’adhésion à cette centrale d’achat, celle-ci devant être démontrée par le franchiseur et ne pouvant se présumer ; qu’une telle interprétation de la clause, qui a été celle retenue par le Tribunal arbitral, conduit, comme vu plus haut, à une interdiction de s’approvisionner auprès d’un organisme concurrent, quelqu’il soit, à la discrétion du franchiseur, si l’instauration de relations commerciales suivies avec un partenaire implique une «’adhésion’» au sens du contrat ; que l’application donnée par la société PRODIM à cette clause lui confère une portée de clause d’approvisionnement exclusif auprès du franchiseur, exclusivité qui est constitutive d’une pratique anticoncurrentielle, comme vu plus haut ; qu’en toute hypothèse, la société DIAPAR ne peut se voir reprocher d’avoir contribué à violer cette clause, dont l’ambiguïté ressort de ses multiples interprétations, et à laquelle les sociétés intimées ont conféré une portée anticoncurrentielle que n’ayant commis aucune faute, la société DIAPAR ne peut être poursuivie pour tierce complicité d’une clause sur la portée de laquelle personne ne s’accorde ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

Sur la clause de non réaffiliation’ post contractuelle

Considérant que l’article 6 du contrat de franchise stipule qu’ «’En cas de rupture de la présente

convention avant son terme et sans préjudice de l’exercice de la clause pénale ci-dessus et de toute demande de dommages intérêts complémentaire, le franchisé s’oblige à ne pas utiliser directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, en société ou autrement, durant une période de un an à compter de la date de résiliation du présent contrat, une enseigne de renommée nationale ou régionale déposée ou non et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes (marques propres) ceci dans un rayon de cinq kilomètres du «’magasin Shopi’» faisant l’objet du présent accord’» ; que la clause est libellée de telle sorte que l’obligation de non réaffiliation ne pèse sur l’ex franchisé que si le contrat est rompu avant son terme ;

Considérant que les clauses de non affiliation ou de non concurrence post contractuelles peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise dans la mesure où elles permettent d’assurer la protection du savoir faire transmis qui ne doit profiter qu’aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d’exclusivité ; que ces clauses doivent cependant rester proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivent ;

Considérant qu’il convient tout d’abord de souligner que la clause litigieuse comporte une interdiction de réaffiliation, mais également de vente de produits MDD provenant de réseaux ; que la restriction apportée à la liberté commerciale du franchisé est donc plus grande ;

Considérant que M. R. n’a violé que la seconde obligation, en commercialisant la marque Belle France ;

Considérant que s’agissant des justifications alléguées par les sociétés PRODIM et CSF, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère substantiel du savoir faire de la société PRODIM, sa consistance apparaît, de prime abord, limitée ; qu’eu égard, notamment, à la généralité du commerce alimentaire de proximité concerné, et à la nature du savoir faire transféré, nécessairement lié à celle du commerce exploité, et donc en l’espèce de faibles technicité, spécificité, et originalité, il n’est aucunement établi que les obligations de l’article 6 du contrat soient indispensables à la protection du savoir faire transféré, et encore moins la seule obligation de ne pas vendre de MDD concurrentes ;

Considérant que l’interdiction de commercialiser des MDD de réseaux concurrents, pendant un an et sur un rayon de 5 kilomètres et non dans le seul magasin concerné, et alors que l’ancien franchisé n’adhère à aucun réseau et n’arbore aucune enseigne, ne peut être justifiée par la protection de l’image de marque du réseau, l’ancienne enseigne ayant été déposée et aucune nouvelle enseigne n’étant exposée ; que la société PRODIM a elle même proposé des produits de marque Winny à ses franchisés et les marques de MDD de la société PRODIM (Grand Jury, Reflets de France) sont disponibles dans toutes les enseignes ;

Considérant, par ailleurs, que la protection du savoir faire et des intérêts légitimes du franchiseur est d’autant moins concernée par la clause qu’elle ne s’applique pas lorsque le contrat vient normalement à son terme, mais seulement s’il prend fin par anticipation en raison de fautes du franchisé ; que l’obligation de non réaffiliation litigieuse est conçue par les sociétés CARREFOUR et CSF comme une mesure préventive, visant à décourager les franchisés de quitter prématurément le réseau ;

Mais considérant que cette utilisation d’une obligation de non réaffiliation à titre de pénalité ou de mesure préventive, est étrangère à la protection des intérêts concurrentiels du franchiseur ; que cet objectif ne peut légitimer le recours à des clauses restrictives de concurrence ; que le franchisé déloyal est déjà sanctionné par la clause pénale prévue au contrat et il s’avère totalement inapproprié et disproportionné de le sanctionner par une atteinte à sa liberté commerciale aussi lourde que celle de la clause litigieuse ;

Considérant, enfin, que disproportionnée au but poursuivi, la clause l’est aussi dans sa durée et son périmètre ; qu’il n’est pas démontré que le commerce de distribution de détail alimentaire présente une technicité telle qu’il impose une clause de non réaffiliation d’une durée d’un an et d’un périmètre

de 5 kilomètres autour du magasin concerné ;

Considérant, par ailleurs, que la clause litigieuse est exclue du bénéfice de toute exemption par catégorie, au sens du règlement 330/2010 ; qu’en effet, elle relève du b) de l’article 5 du règlement qui énumère les restrictions exclues de l’exemption prévue à l’article 2 et cite parmi celles ci «’b) toute obligation directe ou indirecte interdisant à l’acheteur, à l’expiration de l’accord, de fabriquer, d’acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services’» ; que «’par dérogation au paragraphe 1, point b), l’exemption prévue à l’article 2 s’applique à (cette obligation) (‘) lorsque les conditions suivantes sont remplies: a) l’obligation concerne des biens ou des services en concurrence avec les biens ou services contractuels ; b) l’obligation est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat ; c) l’obligation est indispensable à la protection d’un savoir faire transféré par le fournisseur à l’acheteur ; d) la durée de l’obligation est limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord’» ; qu’en l’espèce, la clause interdit l’exercice d’une activité affiliée dans un rayon de 5 kilomètres et n’est pas limitée aux locaux et aux terrains où le franchisé exerçait son activité au sein du réseau CARREFOUR ; que la clause n’est donc pas couverte par le règlement d’exemption ;

Considérant, enfin, que l’interdiction portant sur les MDD prive l’ancien franchisé de la possibilité de s’approvisionner en produits attractifs sur lesquels s’opèrent les plus grosses marges, ce qui explique la part croissante des MDD dans l’assortiment du commerce de proximité ; que le positionnement concurrentiel du fond de commerce nécessite en effet de pouvoir vendre un assortiment de produits, dont 50 à 70 % de marques nationales, 20 à 30 % de MDD et 10 % de premiers prix ; que les MDD seraient environ 15 % moins chères et permettraient, grâce aux marges réalisées sur elles, de baisser les prix sur les marques nationales ; que la part des MDD dans le chiffre d’affaires des magasins affiliés à des réseaux avoisinait déjà les 30 % en 1995 ;

Considérant, en définitive, que par son étendue et la généralité de ses termes, cette clause interdit en fait tout exercice par l’ex franchisé d’un commerce analogue à celui qu’il exerçait en qualité de franchisé, pendant un an, dans toute la zone concernée, dans des conditions économiquement acceptables ; qu’elle a donc des effets restrictifs de concurrence comparables à ceux d’une clause de non concurrence ;

Considérant qu’eu égard à ce qui précède, cette clause, dont l’objet et la potentialité d’effets sont anticoncurrentiels, est contraire à l’article L. 420-1 du Code de commerce et est nulle et inopposable à la société DIAPAR, en vertu de l’article L.420-3 du même Code, aux termes duquel «’Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles L.420-1, L.420-2 et L. 420-5 » ; qu’aucune tierce complicité ne peut donc lui être imputée ;

Sur le cumul des clauses susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle

Considérant que la société DIAPAR fait valoir que l’action concertée des intimées, par les obligations imposées contractuellement au franchisé, aboutit à la mise en place de pratiques anticoncurrentielles dans le but d’empêcher toute mobilité des commerçants indépendants au sein des réseaux de distribution et, ainsi, d’éliminer toute concurrence ; que la durée et l’échéance distinctes des contrats de franchise et d’approvisionnement, pourtant intimement liés, rendent impossible leur résiliation concomitante ; que l’imbrication des obligations entre elles restreint la liberté commerciale du franchisé et lui interdit en réalité tout approvisionnement extérieur et tout changement de réseau ;

Mais considérant que la Cour n’est saisie par l’effet dévolutif que des trois clauses examinées ci dessus et ne saurait se prononcer sur la pratique anticoncurrentielle dénoncée par la société DIAPAR ; que cette demande sera donc rejetée ;

Sur la demande de réformation de la sentence arbitrale concernant M. R.

Considérant que cette demande est irrecevable dans le cadre de la tierce opposition, «’le jugement primitif conserv ( ant) tous ses effets entre les parties, même sur les chefs annulés’», en vertu de l’article 591 du Code de procédure civile ;

Sur la demande indemnitaire de la société DIAPAR

Considérant que la société DIAPAR demande que les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF soient condamnées in solidum à lui verser la somme de 500.000€ au titre du préjudice subi du fait de leurs pratiques restrictives de concurrence ; qu’en effet, les clauses restrictives des contrats, l’attitude des deux sociétés intimées sur le terrain et les «’arbitrages à répétition’» lui ont fait perdre les ventes qu’elle aurait pu réaliser avec M. R. ; qu’elle verse aux débats un tableau dressé par elle, corroboré par les grands livres fournisseurs de M. R., cités par les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et CSF dans leurs écritures, retraçant les chiffres d’affaires réalisés avec celui ci pendant quatre ans ; qu’une marge de 18 % s’ avère, selon CARREFOUR PROXIMITE FRANCE, l’usage courant de la profession ; que par ailleurs, il n’est pas établi que les relations de DIAPAR avec M. R. auraient perduré ; que le préjudice sera donc évalué à la perte de la marge de DIAPAR sur une année ; que sur la base de la moyenne annuelle des chiffres d’approvisionnement de M. R. auprès de DIAPAR de juin 2002 à juin 2005, soit 1 389 881 euros, et d’une marge moyenne de 18 %, il convient de lui octroyer la somme de 250 178 euros à titre de dommages intérêts ;

Sur la demande de la société DIAPAR pour procédure abusive

Considérant que la société DIAPAR ne démontre pas en quoi l’usage des voies de droit serait constitutif d’un abus de la part des sociétés PRODIM et CSF ; que sa demande sera donc rejetée ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a déclaré recevable la tierce opposition incidente de la société DIAPAR,

DIT que la société DIAPAR n’est pas tierce complice des clauses de non adhésion et d’approvisionnement prioritaire, clauses qui ne définissent aucune obligation claire et se prêtent à une application anticoncurrentielle,

DIT que la clause de non réaffiliation post contractuelle constitue une entente contraire à l’article L. 420-1 du Code de commerce,

LA DÉCLARE nulle et inopposable à la société DIAPAR,

DÉBOUTE, en conséquence les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF de toutes leurs demandes indemnitaires,

CONDAMNE les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF, in solidum, à payer à la société DIAPAR la somme de 250 178 euros, à titre de dommages intérêts,

DÉBOUTE la société DIAPAR et M. R. du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF, in solidum, aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

CONDAMNE les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (PRODIM) et CSF, in solidum, à payer à la société DIAPAR la somme de 40 000 euros au titre de l’article 700 du Code procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Composition de la juridiction : Madame COCCHIELLO, SCP BROUARD, SELARL GUIZARD et Associés, Michel GUIZARD, Gruau, Baron Cossé, Me Luca DE MARIA, SELARL SELARL PELLERIN

Décision attaquée : T. com. Evry, Paris 8 décembre 2010

Vers un renforcement de l’obligation précontractuelle d’information?

Vers un renforcement de l’obligation précontractuelle d’information ?

Cour de cassation, chambre commerciale, 4 octobre 2011 n° pourvoi : 10-20956

Le franchiseur est tenu de fournir au candidat à la franchise des informations précontractuelles sur l’état du réseau et ses perspectives de développement : il s’agit de l’application de la loi Doubin du 31 décembre 1989, actuellement codifiée à l’article L 330-3 du code de commerce.

Toutefois, la nature même des informations délivrées est source de contentieux, en ce qu’elles fournissent une vision plus ou moins éthérée de la réalité du réseau et peuvent ainsi rendre difficile ou démesurément optimiste l’anticipation sur la rentabilité du réseau.

Les juges résolvent généralement cette question en annulant le contrat de franchise dès lors que le franchiseur a manqué à ses obligations précontractuelles d’information, et n’a pas fourni sciemment certaines informations essentielles, déterminantes du consentement du franchisé.

Ainsi, dès lors que le mensonge ou la réticence à délivrer certaines informations qualifiées d’essentielles- appelée réticence dolosive- est caractérisée,  la nullité du contrat peut être prononcée sur le fondement du dol (article 1116 du code civil).

Cette jurisprudence est assez classique et n’appelle pas de commentaires particuliers.

L’arrêt qui nous intéresse, rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation le 4 octobre 2011 (n° de pourvoi 10-20956), innove en ce qu’il ne conditionne plus l’erreur sur la rentabilité de l’activité entreprise, et partant la nullité du contrat de franchise, à la preuve d’un manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information.

Rappel de faits : un litige classique en droit de la distribution

En l’espèce, la société Equip’buro 59 avait conclu avec la société Sodecob un contrat de franchise pour l’exploitation d’un fonds de commerce sous l’enseigne « Bureau center », impliquant l’adhésion à une coopérative de commerçants détaillants indépendants. Les résultats obtenus se sont avérés très inférieurs aux prévisions transmises par le franchiseur et ont conduit rapidement à la mise en liquidation judiciaire de la société Equip’buro 59.

La Cour d’appel de Paris avait rejeté la demande d’annulation du contrat de franchise. Elle avait estimé que l’écart entre le prévisionnel de chiffre d’affaires établi par le franchiseur et le chiffre d’affaires effectivement réalisé ne saurait être démonstratif, à lui seul, de l’insincérité ou du manque de crédibilité des chiffres et documents fournis par le franchiseur. Il convient de rappeler à ce titre que le franchiseur n’est pas tenu à une obligation de résultat en la matière.

La Cour de cassation censure néanmoins cet arrêt aux motifs que même en l’absence de pratiques dolosives, à partir du moment où un écart important et significatif est constaté entre le prévisionnel remis par le franchiseur et le chiffre d’affaires effectivement réalisé, corroboré par la liquidation judiciaire du franchisé en l’espèce, le franchisé a commis une erreur sur la rentabilité de l’activité entreprise, erreur substantielle justifiant la nullité du contrat.

En effet, une erreur a bien déterminé le consentement du franchisé, qui est en droit de demander l’annulation du contrat de franchise et la restitution des sommes engagées à ce titre.

Les implications de l’arrêt

En marquant l’indépendance de l’erreur par rapport au dol, cet arrêt augure une responsabilité du franchiseur plus aisée à mettre en œuvre, dans le cadre de son obligation précontractuelle d’information.

Les franchiseurs n’ont qu’à bien se tenir : ils devraient se montrer de plus en plus prudents en établissant les prévisionnels et l’ensemble des informations précontractuelles remises aux futurs franchisés.

Paradoxalement, cette obligation de prudence ou de mise en garde pourrait conduire le franchiseur à transmettre au candidat un minimum d’informations, plutôt qu’une pléthore d’informations alléchantes mais trompeuses.

Les franchisés se doivent ainsi de rester extrêmement prudents en consultant les informations remises par le franchiseur, prendre le recul nécessaire et s’aider de conseils adaptés, afin de ne pas se laisser éblouir par la prétendue rentabilité des réseaux de franchise.

L’ambigüité des clauses contractuelles : un indice de tromperie – Cour d’appel de Paris, 16 mars 2011

Si les articles 1156 et suivants du Code civil fournissent au juge des recommandations relatives à l’interprétation des conventions, l’art d’interpréter reste extrêmement délicat et laisse au lecteur une large marge de manœuvre. Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 16 mars dernier en matière de franchise constitue sur ce point un exemple édifiant.

 Un contrat de franchise portant sur la vente de vêtements pour hommes avait été conclu en 2004 pour une durée de cinq. Alors que l’objet du contrat résidait bien dans l’exploitation d’une boutique de prêt-à-porter pour hommes, le franchiseur a cessé d’approvisionner le franchisé en vêtements masculins. Contestant avoir commis la moindre inexécution contractuelle, le franchiseur invoque alors un avenant de 2006 lui permettant d’approvisionner la boutique homme en robes (vraisemblablement pour femmes), chaussures et petits accessoires (sans doute également destinés à la gent féminine). Le franchiseur considérait ainsi que la collection pour femmes pourrait se substituer entièrement à la collection pour hommes, en dépit des dispositions du contrat initial.

 Deux arguments complémentaires sont retenus par la Cour d’Appel pour invalider le raisonnement du franchiseur, et partant, résilier le contrat à ses torts exclusifs.  D’une part, l’avenant ne remplace en aucun cas le contrat initial. La Cour rappel sur ce point que la novation ne se présume pas, c’est-à-dire que le remplacement d’un contrat par un autre doit être prévu de façon explicite et univoque. Tel n’était pas le cas en l’espèce, l’avenant n’ayant que vocation à compléter le contrat initial, qui reste donc applicable. D’autre part, et en tout état de cause, l’interprétation des clauses ambigües du contrat ou de l’avenant doit être favorable au franchisé. Dans la mesure où le contrat a été rédigé par le franchiseur, qui est de surcroît un professionnel averti, ce dernier ce saurait par la suite se prévaloir d’une quelconque ambigüité à son profit. Ce principe d’interprétation découle de l’article 1162 du Code civil, qui prévoit que « dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation ». Que le contrat soit interprété en faveur du franchisé n’a donc rien de très surprenant. Que la Cour déduise directement de l’ambigüité d’une clause « la tromperie » mise en œuvre par le franchiseur est en revanche plus audacieux.

 Les juges ont en effet souligné que « la tromperie résulte des termes mêmes de l’avenant qui sont ambigus et manifestement libellés pour justifier l’interprétation qu’en fait aujourd’hui » le franchiseur. Ainsi la Cour d’appel considère-t-elle implicitement que l’ambigüité de la clause litigieuse ne saurait être le fruit du hasard, loin s’en faut !! Cette ambigüité révèlerait nécessairement la volonté du rédacteur, en l’occurrence le franchiseur, de tromper son cocontractant. En statuant ainsi, la Cour entend mettre un coup d’arrêt à une pratique très répandue et consistant, pour le rédacteur du contrat,  à y insérer délibérément des clauses ambigües, interprétées différemment par chacune des parties, en espérant par la suite en faire une application qui lui soit favorable.

 La question cruciale concerne dès lors la portée de cet arrêt : peut-on en conclure que toute clause ambiguë insérée dans un contrat de franchise, ou plus généralement dans un contrat d’adhésion, sera ipso facto considérée comme une preuve de tromperie ? Si une telle analyse paraît quelque peu excessive, il semble en revanche raisonnable de supposer que l’ambigüité des clauses constitue une simple présomption de tromperie, surtout lorsque le rédacteur est un professionnel expérimenté. Bien que la portée de cette décision reste incertaine, les directives d’interprétation énoncées par la Cour d’appel de Paris sont extrêmement favorables au franchisé et pourraient avoir des retombées considérables.

Annulation pour tromperie – Cass, 1er civ, 25 novembre 2009

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2009    Rejet

M. BARGUE, président – Arrêt n° 1206 F-D – Pourvoi n° C 08-15.927

R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Brigitte Dutoit, domiciliée 23 Grand Place, 62440 Harnes,

contre l’arrêt rendu le 5 février 2008 par la cour d’appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l’opposant à Mme Dominique Aouri, domiciliée 1A rue de Récollets, 62000 Arras,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 27 octobre 2009, où étaient présents : M. Bargue, président, Mme Vassallo, conseiller référendaire rapporteur, M. Pluyette, conseiller doyen, M. Domingo, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Vassallo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Dutoit, de Me Spinosi, avocat de Mme Aouri, les conclusions orales de M. Domingo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme Dutoit a donné en concession à Mme Aouri, par acte du 24 septembre 2002, le droit d’exploiter une onglerie moyennant une certaine somme payable à la signature du contrat et une redevance mensuelle ; que Mme Aouri a mis fin à la concession et assigné, le 31 août 2005, Mme Dutoit en annulation du contrat pour dol ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme Dutoit fait grief à l’arrêt attaqué (Douai, 5 février 2008) d’avoir déclaré nul et de nul effet pour dol le contrat du 24 septembre 2002 ;

Attendu qu’ayant souverainement relevé, d’abord que Mme Dutoit avait exercé comme esthéticienne à peine dix mois avant de proposer, à un prix substantiel, la concession litigieuse, ensuite que la formation proposée avait  été assurée par sa fille, diplômée à l’âge de 17 ans dans une autre discipline, la cour d’appel,  sans inverser la charge de la preuve, a pu en déduire qu’en faisant état d’une compétence élevée, Mme Dutoit avait trompé sa cocontractante à l’aide de manoeuvres intellectuelles et ainsi caractériser le dol ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme Dutoit fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à verser une certaine somme au titre du prix payé, en deniers ou quittances, avec intérêt légaux à compter du 24 septembre 2002 ;

Attendu que la cour d’appel qui, en prononçant la restitution des sommes payées en deniers ou quittances, a fait expressément référence à l’imprécision relative au recouvrement d’un chèque impayé, n’a fait qu’user de la faculté remise à sa discrétion par l’article 1153-1 du code civil en fixant à une date autre que celle de sa décision le point de départ des intérêts de la créance d’indemnité ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Dutoit aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme Dutoit.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré nul et de nul effet, pour dol, le contrat de concession du 24 septembre 2002 ;

AUX MOTIFS QU’il résulte des termes du contrat litigieux que la concédante a mis au point des signes distinctifs, des méthodes commerciales et un concept particulier pour l’onglerie ; que la concédante affirme encore disposer d’un haut niveau de compétence puisqu’elle se propose de le faire acquérir à la concessionnaire elle-même, par le biais d’une formation et d’une information sur les perfectionnements et améliorations de la technique d’onglerie ; qu’il résulte des pièces produites aux débats que Madame Dutoit a exercé comme esthéticienne à partir du 1er janvier 2002, soit à peine dix mois avant de proposer, au prix substantiel de 14.591 € TTC, la concession litigieuse ; que la formation proposée devait être ou été assurée par sa fille diplômée à l’âge de 17 ans et dans une autre discipline ; qu’en somme, en faisant état de méthodes éprouvées et originales et d’une compétence élevée, sans en fournir la moindre preuve, Madame Dutoit a trompé sa cocontractante à l’aide de manoeuvres intellectuelles qui trouvent leur sanction dans l’article 1116 du Code civil ; que le contrat litigieux sera par conséquent annulé avec toutes conséquences indiquées dans le dispositif ci-après ;

ALORS, D’UNE PART, QUE ne caractérise pas des manœuvres dolosives, l’arrêt qui ne constate aucune tromperie ou dissimulation portant sur un élément essentiel du contrat, ni ne relève l’existence d’aucune allégation mensongère, ou même de simples réticences portant sur un élément du contrat, susceptibles d’être qualifiées de manœuvres illicites et ayant eu une incidence déterminante sur le consentement de Madame Aouri ; qu’en se bornant à faire état de “ manœuvres intellectuelles ” dont l’arrêt ne justifie d’ailleurs pas l’existence en fait, consistant, semble-t-il, seulement, à ne pas avoir fourni la preuve des compétences alléguées, dont la fausseté n’est au demeurant, pas démontrée, la Cour d’appel n’a pu justifier légalement sa décision au regard des dispositions de l’article 1116 du Code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QU’il appartient à celui qui se dit victime d’un dol de rapporter la preuve de manœuvres dolosives ; qu’en l’espèce, il incombait donc à Madame Aouri de démontrer que Madame Dutoit ne lui avait transmis ni méthode originale, ni savoir-faire particulier et non pas à Madame Dutoit de faire la preuve de sa compétence et de son savoir-faire ;
que l’arrêt attaqué a renversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du Code civil ;

ALORS, AU SURPLUS, QUE , à supposer même qu’il y ait eu, en la cause, un certain manque d’information, rien ne permet d’en déduire que Madame Dutoit ait agi avec la volonté de provoquer une erreur de nature à vicier le consentement de Madame Aouri et à la déterminer à s’engager ; qu’ainsi faute de moyens frauduleux, la Cour d’appel n’a pu donner une base légale à sa décision au regard de l’article 1116 du Code civil ;

ALORS, ENFIN QUE le dol ne se présumant pas et ne pouvant résulter que d’une faute d’une gravité suffisante, dûment établie, à l’encontre d’un contractant, la Cour d’appel ne pouvait prononcer la nullité du contrat conclu entre Madame Dutoit et Madame Aouri, pour dol, en constatant seulement que Madame Dutoit n’aurait pas fourni “ la moindre preuve ” des méthodes éprouvées et originales de la compétence élevée dont elle se prévalait ; que la fausseté de ces allégations n’étant pas établie ni par la durée, d’ailleurs inexactement rapportée par l’arrêt, de l’expérience professionnelle personnelle de Madame Dutoit, ni par l’âge auquel sa fille, formatrice en onglerie, a obtenu son diplôme en esthétique, plusieurs années auparavant, la Cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil, en statuant comme elle l’a fait.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Madame Dutoit à payer à Madame Aouri la somme de 14.591,20 € au titre du prix payé, en deniers, quittances, avec intérêts légaux à compter du 24 septembre 2002 ;

AUX MOTIFS QUE la restitution de sommes payées ne saurait se faire qu’en deniers ou quittances, devant l’imprécision de l’intimée sur le recouvrement du chèque impayé ;

ALORS, D’UNE PART, QUE rien n’établit que Madame Aouri ait réglé l’intégralité du prix de la concession dans la mesure où, comme cela résulte des débats et comme le relève l’arrêt attaqué, une partie de ce prix, 8.591,20 €, a fait l’objet d’un chèque revenu impayé ; qu’ainsi, en condamnant malgré tout Madame Dutoit à régler à Madame Aouri la somme de 14 591,20 € en principal au titre du prix payé, la Cour d’appel a violé les articles 1116 ensemble 1117 du Code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QU’en toute hypothèse, les intérêts ne pouvaient à fortiori courir avant la date à laquelle la somme due en restitution du prix avait été versée en exécution dudit contrat ; qu’en fixant au 24 septembre 2002 le point de départ des intérêts légaux, la Cour d’appel a derechef violé l’article 1153-1 du Code civil.

Annulation pour tromperie – Cass, Com. 04 mai 2010

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mai 2010  Rejet

Mme FAVRE, président

Arrêt n° 475 F-D

Pourvoi n° S 09-15.139

R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Lady fitness Europe, dont le siège est 1 H Cours Lafayette, 69003 Lyon,

contre l’arrêt rendu le 2 avril 2009 par la cour d’appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. Pascal Wissen, domicilié 112 avenue du Général Leclerc, 54000 Nancy,

2°/ à la société Pierre Bruart, société civile professionnelle, dont le siège est 6 allée de la Forêt de la Reine, 54500 Vandoeuvre-lès-Nancy, en qualité de liquidateur de la société C-Sport,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 23 mars 2010, où étaient présents : Mme Favre, président, Mme Mandel, conseiller rapporteur, Mme Tric, conseiller doyen, Mme Bonhomme, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Mandel, conseiller, les observations de la SCP Boutet, avocat de la société Lady fitness Europe, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. Wissen et de la société Pierre Bruart, les conclusions de Mme Bonhomme, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu selon l’arrêt attaqué (Lyon, 2 avril 2009) que la  société Lady fitness Europe qui bénéficie d’une licence de la marque Lady fitness a signé avec la société C-Sport, créée le 5 mars 2007 par M. Wissen, deux contrats de licence de cette marque, l’un le 15 mars 2007 pour l’exploitation d’un centre de remise en forme à Nancy, l’autre le 1er mars 2007 pour un centre à Metz ; que la société C- Sport ayant été mise en liquidation judiciaire le 16 octobre 2007, son liquidateur la SCP Bruart et M. Wissen ont assigné la société Lady fitness Europe aux fins de voir prononcer la nullité des deux contrats, à titre subsidiaire leur résiliation aux torts de la société Lady fitness Europe et condamner cette dernière au remboursement de l’insuffisance d’actif de la société C Sport ainsi qu’au paiement de diverses sommes au profit de M. Wissen à titre personnel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Lady fitness Europe fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que les consentements de la société C-Sport donnés lors des contrats en date des 1er et 15 mars 2007 passés avec la société Lady fitness Europe pour la concession de la licence de la marque Lady fitness ont été viciés et d’avoir en conséquence annulé lesdits contrats de licence alors, selon le moyen :

1°/ que le vice du consentement de celui qui obtient une licence d’exploitation d’une marque ne se déduit pas du seul manquement du titulaire de la marque à son obligation d’information précontractuelle ; que pour retenir l’existence d’un dol, la cour d’appel a affirmé que l’annexe 4 était
insuffisante et aurait contenu des informations erronées, là où la société Lady fitness Europe soutenait n’avoir eu aucun comportement dolosif ; que faute d’avoir constaté de la part de cette dernière une manoeuvre dolosive volontaire afin de dissimuler des éléments essentiels au consentement de la société C Sport, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code Civil, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

2°/ que le candidat à une licence d’exploitation d’une marque est tenu de se renseigner lui-même auprès d’un tiers licencié de cette marque dont il entend poursuivre l’activité ; qu’il ressort des décisions des juges du fond que M. Wissen a directement négocié le rachat du matériel sportif du centre de Metz et a conclu directement un bail commercial avec le propriétaire des locaux ayant décidé, par souci d’économie, de ne pas racheter le fonds de commerce de l’exploitant ; qu’il s’ensuit que la société C Sport, créée par M. Wissen, devait se renseigner sur l’ensemble des conditions dans lesquelles ce centre était exploité sans pouvoir exiger une telle information de la part de la société Lady fitness Europe ; qu’en annulant le contrat de licence d’exploitation de marque concernant le club sportif de Metz pour dol imputable à la société Lady fitness Europe faute d’une complète information sur ce centre, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

Mais attendu, d’une part, que l’arrêt relève par motifs propres et adoptés que le document d’information pré-contractuel remis à M. Wissen ne comporte aucune présentation du marché national des clubs de sport, que s’agissant du marché local aucun chiffre n’est donné permettant d’apprécier l’importance réelle de ce marché, qu’il s’y ajoute une information erronée quant à l’absence d’équivalent en France au concept du type de celui développé par la société Lady fitness Europe et des affirmations banales, générales et non étayées s’agissant des perspectives de développement ; qu’il constate que la société Lady fitness Europe a fourni à M. Wissen des documents comportant des indications inexactes et contradictoires sur l’identité de l’exploitant du club de Metz et relève que cette société, qui a pour gérant M. Rivoal, se disant aussi gérant de la société gérant le club de Metz, savait que la société Sun Factory, qui aurait été l’exploitant de ce club, avait été placée en liquidation judiciaire au début du mois de décembre 2006 ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations desquelles il ressortait que le défaut d’informations invoqué avait vicié le consentement de la société C-Sport, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu d’autre part, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni de ses conclusions que la société Lady fitness Europe ait soutenu devant la cour d’appel le moyen évoqué à la seconde branche ; que le grief mélangé de fait et de droit est donc nouveau ;

D’où il suit qu’irrecevable en sa seconde branche, le moyen n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Lady fitness Europe fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à M. Wissen une somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice moral alors, selon le moyen :

1°/ que l’inexécution d’un contrat peut constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers au contrat ; que la cour d’appel a condamné la société Lady fitness Europe à payer des dommages-intérêts à M. Wissen en se fondant sur l’application de cette règle de droit ; qu’en statuant ainsi, après avoir annulé les contrats de licence de marque, la cour a violé l’article 1382 du code civil ;

2°/ que l’associé ne subit pas de préjudice moral du fait de la défaillance de la société ; que la cour d’appel a condamné la société Lady fitness Europe à payer à M. Wissen une indemnité pour réparer le préjudice moral dû au fait d’avoir vu sombrer sa société ; qu’en statuant ainsi, bien que la défaillance de la société C-Sport ne peut constituer un préjudice moral pour M. Wissen, la cour a violé l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt relève que la société Lady fitness Europe n’a pas éclairé pleinement M. Wissen sur le club de Metz et n’a  pas rempli son obligation d’information précontractuelle ; qu’il retient  que M. Wissen a créé sa société pour adhérer aux contrats de licence de marque Lady fitness et a vu celle-ci sombrer en partie en raison des manquements fautifs imputables à la société Lady fitness Europe ; que de ces constatations et appréciations, et abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche, la cour d’appel a pu déduire que M. Wissen subissait un préjudice moral résidant dans l’échec de l’entreprise dans laquelle il s’était investi pour exploiter la marque Lady fitness ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lady Fitness Europe aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lady fitness Europe à payer la somme globale de 2 500 euros à M. Wissen et à la SCP Bruart, ès qualités de liquidateur de la société C-Sport et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la société Lady Fitness Europe

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR décidé que les consentements de la Société C SPORT donnés lors des contrats en date des 1er et 15 mars 2007 passés avec la Société LADY FITNESS EUROPE pour la concession de la licence de la marque LADY FITNESS ont été viciés et D’AVOIR par voie de conséquence annulé lesdits contrats de licence ;

AUX MOTIFS QUE, dans le document d’information précontractuel signé par Monsieur WISSEN le 15 novembre 2006, la présentation du marché figure à l’annexe 4 ; que cette annexe comprend deux pages et demi (avec un texte très aéré et frappé en gros caractères) et ne répond pas aux prescriptions légales ; que, sous le titre “ le marché mondial du fitness ”, une page entière est consacrée à la description du concept LADY FITNESS ; que le tableau propre à illustrer le marché mondial est de peu d’intérêt pour le futur adhérent, sauf à constater que CURVES disposait en 2006 d’un nombre de franchises sans rapport avec ses concurrents et qu’il s’agit de la franchise la plus ancienne (1995) ; qu’aucune présentation du marché national des clubs de sport n’est faite ; que s’agissant du marché local, le document ne correspond pas à une présentation du marché local des services en cause puisqu’il se résume à mettre en exergue les caractéristiques du concept décrit comme “ unique par sa simplicité, son efficacité et sa rentabilité ” ; que n’est présenté aucun chiffre permettant d’apprécier l’importance réelle du marché local ; qu’il est en outre erroné d’affirmer “ qu’il n’y a pas aujourd’hui d’équivalent de ce concept en France”, alors que les intimés prouvent qu’il existe d’autres concepts du même type ; qu’enfin s’agissant des perspectives de développement, elles ne reposent que sur des affirmations banales, générales et non étayées ; que Monsieur WISSEN n’a donc pas été correctement informé quant à l’état général et local du marché des centres de remise en forme dédiés aux femmes ; que bien plus, les affirmations contenues dans le document étaient propres à l’induire en erreur sur la réalité de l’état de la concurrence sur son marché et lui laissaient penser qu’il disposait d’un avantage concurrentiel en réalité non établi ; que s’agissant du contrat de licence du 1er mars 2007 portant sur l’exploitation d’un club à METZ, la Société C SPORT a pris la suite d’un autre exploitant ; qu’au titre de la présentation du réseau d’exploitation, il importait que soit précisée l’identité de ce précédant “franchisé ” mais que le document d’information mentionne simplement l’adresse du club, le numéro de téléphone et la date d’ouverture (mai 2005) ; que cette précision était indispensable puisque Monsieur WISSEN a proposé à celui-ci de reprendre non pas le fonds de commerce ou les parts sociales de la société mais seulement le matériel d’exploitation et de signer un nouveau bail et qu’une fois dans les lieux, eu égard à la continuité de l’activité dans les mêmes lieux, avec le même matériel, sous la même marque, Monsieur WISSEN a été destinataire de réclamations de la part de créanciers impayés, a constaté la disparition des chèques de caution remis par les clientes lesquels ont été encaissés par les anciens dirigeants qui ont aussi encaissé l’intégralité des chèques remis par les clientes ayant souscrit un abonnement à l’année ; qu’avant l’arrivée de la Société C SPORT, le club de METZ était exploité par une SARL LADY FITNESS METZ gérée par Monsieur ACHARD et par Monsieur RIVOAL dont le nom en tant que gérant est mentionné dans deux contrats de travail ; que cette société n’est pas enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés de cette ville ; que la Société LADY FITNESS EUROPE soutient avoir concédé un contrat de licence à la Société SUN FACTORY immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CANNES qui exploitait le club de METZ sous la dénomination LADY FITNESS METZ ; mais que cette allégation ne correspond pas aux indications portées sur les pièces produites par les intimés, lesquels font état d’une SARL LADY FITNESS METZ gérée tantôt par Monsieur ACHARD, tantôt par Monsieur RIVOAL ; que la Société LADY FITNESS EUROPE soutient que les deux contrats de travail étaient en réalité un modèle de contrat de travail issu de la bible LADY FITNESS ; mais que ces contrats ne sont pas de simples modèles ; qu’il s’agit de véritables contrats de travail dûment complétés et renseignés, paraphés sur chaque page et signés par les salariés ; qu’à supposer même que la Société SUN FACTORY était le gestionnaire du club de METZ, la situation n’est pas plus claire puisque, selon les propres dires de l’appelante, il a été proposé à Monsieur WISSEN, après la liquidation judiciaire de la Société SUN FACTORY, de racheter le matériel de fitness de cette société mais que, de manière inexplicable, on constate que la société venderesse est une Société TASSIN SPORTS LOISIRS gérée par Monsieur ACHARD et elle-même en liquidation judiciaire ; que la Société LADY FITNESS EUROPE ayant pour gérant Monsieur RIVOAL, se disant aussi gérant du club de METZ, savait que cette société avait été placée en liquidation judiciaire en décembre 2006 ; que Monsieur WISSEN à qui avait été remis le document d’information le 15 novembre 2006 et qui était en pleine démarche commerciale pour l’ouverture d’un club à NANCY a été poussé à reprendre l’activité du club de METZ, à racheter le matériel d’une société tierce et à contracter un nouveau bail sans que cette information essentielle pour la détermination de son consentement lui ait été révélée ; que compte tenu de l’ensemble de ces éléments, c’est à bon droit que le Tribunal a retenu à la charge de la Société LADY FITNESS EUROPE un comportement dolosif et constaté la nullité des deux contrats de licence pour vice du consentement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Société LADY FITNESS EUROPE a remis à Monsieur WISSEN un document intitulé “ document d’information pré contractuelle ” qui comporte bien formellement les rubriques d’information prévues par la loi ; que toutefois, si la forme de ce document respecte la loi, en revanche son contenu n’est pas de nature à fournir loyalement à la Société C SPORT les éléments objectifs lui permettant de s’engager contractuellement en toute connaissance de cause ; qu’il en est ainsi de l’absence totale d’éléments concernant le centre de METZ préalablement exploité par une Société LADY FITNESS METZ qui n’a aucune existence légale pour ne pas être inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de METZ, ce que ne pouvait manquer de savoir Monsieur RIVOAL puisqu’il apparaît comme le représentant de cette société sur différents contrats de travail ; que cette non information sur cette société non inscrite est d’autant plus de nature à vicier le consentement de la Société C SPORT qu’elle n’a pas plus été éclairée sur l’exacte situation financière de cette entreprise qui disposait d’une licence sur le même lieu d’exploitation que celui exploité par la Société C SPORT ; qu’il s’agit là d’un comportement déloyal organisé pour obtenir le consentement, et donc manifestement dolosif, et la Société C SPORT a donc accepté d’entrer dans un tel réseau seulement parce que son consentement a ainsi été profondément vicié par l’absence volontaire de communication d’éléments juridiques et financiers précis sur la situation de cette entreprise précédente non inscrite et cela d’autant plus sûrement que la suite des faits a confirmé la situation tout à fait anormale de cette entreprise, notamment du fait des poursuites des créanciers impayés et de clientes dépossédées de fait de l’avance versée sur des prestations à venir et également les difficultés de nombreuses autres sociétés franchisées dans la France entière puisqu’un certain nombre d’entre elles ont ensuite été placées en liquidation judiciaire ; qu’il convient donc de dire que les contrats de licence souscrits sont donc nuls par application de l’article 1116 du Code Civil ;

ALORS D’UNE PART QUE le vice du consentement de celui qui obtient une licence d’exploitation d’une marque ne se déduit pas du seul manquement du titulaire de la marque à son obligation d’information précontractuelle ; que pour retenir l’existence d’un dol, la Cour d’Appel a affirmé que l’annexe 4 était insuffisante et aurait contenu des informations erronées, là où la Société LADY FITNESS EUROPE soutenait n’avoir eu aucun comportement dolosif ; que faute d’avoir constaté de la part de cette dernière une manœuvre dolosive volontaire afin de dissimuler des éléments essentiels au consentement de la Société C SPORT, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du Code Civil, ensemble l’article L 330-3 du Code de Commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

ALORS D’AUTRE PART QUE le candidat à une licence d’exploitation d’une marque est tenu de se renseigner lui-même auprès d’un tiers licencié de cette marque dont il entend poursuivre l’activité ; qu’il ressort des décisions des juges du fond que Monsieur WISSEN a directement négocié le rachat du matériel sportif du centre de METZ et a conclu directement un bail commercial avec le propriétaire des locaux ayant décidé, par souci d’économie, de ne pas racheter le fonds de commerce de l’exploitant ; qu’il s’ensuit que la Société C SPORT, créée par Monsieur WISSEN, devait se renseigner sur l’ensemble des conditions dans lesquelles ce centre était exploité sans pouvoir exiger une telle information de la part de la Société LADY FITNESS EUROPE ; qu’en annulant le contrat de licence d’exploitation de marque concernant le club sportif de METZ pour dol imputable à la Société LADY FITNESS EUROPE faute d’une complète information sur ce centre, la Cour a violé l’article 1116 du Code Civil, ensemble l’article L 330-3 du Code de Commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer à Monsieur WISSEN une somme de 7.500 € en réparation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE, sur les demandes de Monsieur WISSEN, un tiers à un contrat peut invoquer un manquement de l’une des parties à ce contrat et solliciter sur la base de l’article 1382 du Code Civil des dommages et intérêts pour obtenir réparation du préjudice que lui cause cette inexécution ; que c’est avec Monsieur WISSEN que Monsieur RIVOAL est entré en contact ; qu’il est amplement établi que la Société LADY FITNESS EUROPE ne l’a pas éclairé pleinement sur le club de METZ et n’a pas rempli son obligation d’information précontractuelle ; que Monsieur WISSEN a créé sa société pour adhérer aux contrats de licence de la marque LADY FITNESS et a vu sombrer sa société en partie en raison des manquements fautifs imputables à l’appelante ; qu’il a subi un préjudice moral qui doit être réparé par une indemnité de 7.500 € ;

ALORS D’UNE PART QUE l’inexécution d’un contrat peut constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers au contrat ; que la Cour d’Appel a condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer des dommages et intérêts à Monsieur WISSEN en se fondant sur l’application de cette règle de droit ; qu’en statuant ainsi, après avoir annulé les contrats de licence de marque, la Cour a violé l’article 1382 du Code Civil ;

ALORS D’AUTRE PART QUE l’associé ne subit pas de préjudice moral du fait de la défaillance de la société ; que la Cour d’Appel a condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer à Monsieur WISSEN une indemnité pour réparer le préjudice moral dû au fait d’avoir vu sombrer sa société ; qu’en statuant ainsi, bien que la défaillance de la Société C SPORT ne peut constituer un préjudice moral pour Monsieur WISSEN, la Cour a violé l’article 1382 du Code Civil.

Clause de non-concurrence

Voici quelques décisions relatives aux clauses de non-concurrence susceptibles de vous intéresser :

Cass. com., 9 juin 2009, n° 08-14301

Viole les articles 5 b) du règlement CE n° 2790/1999 et 1134 du Code civil, la Cour d’appel qui, pour déclarer valable une clause de non-concurrence post-contractuelle stipulée dans un contrat de franchise, relève que cette clause est limitée à une année et à un rayon de 30 kms autour du point de vente et que le franchisé avait bénéficié de la transmission d’un savoir-faire, le franchiseur ayant ainsi un intérêt légitime à se donner le temps, après la cessation du contrat de franchise, sans être gêné par l’activité de son franchisé usant du savoir-faire acquis auprès d’elle, de réimplanter son enseigne, ou à son choix une autre enseigne du groupe, sur une surface équivalente dans la zone de chalandise alors que le bénéfice de l’exemption prévue à l’article 5 b) du règlement 2790/1999 en faveur des clauses de non-concurrence post-contractuelles est réservé uniquement à celles, d’une durée d’un an, qui sont limitées aux locaux et aux terrains à partir desquels celui qui l’a souscrite a opéré pendant la durée du contrat et qui sont indispensables à la protection du savoir-faire qui lui a été transféré par son cocontractant d’une part ; que les motifs de l’arrêt entrepris étaient impropres à caractériser la limitation géographique de la clause litigieuse et sa proportionnalité par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l’objet du contrat d’autre part.

Cass. civ. 2, 10 janvier 2008, n° 07-13.558

La violation d’une clause de non-concurrence dont la validité n’est pas évidente ne peut fonder la compétence du juge des référés (Voir cep. Cass. Com., 26 février 2002, n° 99-13571).

« Attendu … qu’ayant relevé que la licéité d’une clause de non-concurrence était subordonnée tant à l’existence d’un savoir-faire transmis par le franchiseur qu’au caractère proportionné de l’interdiction faite au franchisé au regard des intérêts du franchiseur, que l’avantage économique apporté au franchiseur en raison de l’originalité de son savoir-faire n’était pas établi avec certitude, que l’interdiction d’affiliation à un réseau concurrent faite au franchisé n’était pas proportionnelle à la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur, alors qu’apparaissait purement formelle la possibilité laissée au franchisé d’exercer son activité hors de tout réseau, la cour d’appel a légalement justifié sa décision et retenu que la licéité de la clause litigieuse n’apparaissait pas caractérisée avec l’évidence requise devant la juridiction des référés et a souverainement décidé que les agissements incriminés ne constituaient pas un dommage imminent ».

Cass. com., 18 décembre 2007, n° 05-21441

« Mais attendu qu’ayant retenu que la clause de non-concurrence, qui interdisait à la société SEINOR, pendant une durée d’un an, sur la commune d’implantation du fonds de commerce et sur les communes avoisinantes, de recourir à une enseigne nationale et de s’approvisionner hors de tout réseau national ou régional, de quelque nature que ce soit, était trop générale au regard de l’objet du contrat de franchise, consistant à protéger le savoir-faire transféré par le franchiseur au franchisé, la cour d’appel… a fait ressortir le caractère disproportionné de cette clause par rapport aux intérêts légitimes de la société CASINO au regard de l’objet du contrat et a légalement justifié sa décision ».

Cass. com. 9 octobre 2007, n° 05-14118

Au visa de l’article 1371 C. civ., « Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait, tout à la fois, que le franchisé pouvait se prévaloir d’une clientèle propre, et que la rupture du contrat stipulant une clause de non-concurrence était le fait du franchiseur, ce dont il se déduisait que l’ancien franchisé se voyait dépossédé de cette clientèle, et qu’il subissait par conséquent un préjudice, dont le principe était ainsi reconnu et qu’il convenait d’évaluer, au besoin après une mesure d’instruction, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

CA Chambéry, chambre commerciale, 30 mai 2006, Jurisdata 2006-312337

La clause de non-concurrence, insérée dans le contrat de franchise, interdit au franchisé d’exploiter directement ou indirectement le commerce de location de véhicules dans la zone d’exclusivité et dans les départements limitrophes. Cette extension aux départements limitrophes n’est pas proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur, la clause devant donc être annulée.

CA Rennes, Chambre commerciale 2, 22 janvier 2008, n° jurisdata 2008-000919

Il résulte de cet arrêt qu’une clause de non-concurrence ne peut priver le franchisé de la faculté pour le franchisé de conserver une clientèle qui lui serait personnellement attachée, indépendamment de la marque exploitée en franchise.

Cass. com., 17 janvier 2006, n° 03-12382, Publié au bulletin

Une clause de non réaffiliation qui n’interdit pas la poursuite d’une activité commerciale identique et se trouve limitée dans le temps et dans l’espace ne viole aucune règle d’ordre public et n’encourt pas la nullité.

CA Caen, chambre 1 section civile et commerciale, 3 novembre 2005, jurisdata : 2005-286650

Doit être annulée la clause de non-concurrence d’un contrat de franchise d’une marque de courtage matrimonial en ce qu’elle porte atteinte aux libertés individuelles et au principe de libre concurrence. En effet, ladite clause ne contient aucune limitation dans le temps. En outre, elle est indéterminée dans l’espace car le territoire couvert par la clause devant, selon les stipulations du contrat, figurer sur une carte annexée, n’est pas défini puisque la carte en question n’a pas été fournie. Enfin, rien ne démontrant que le franchiseur ait eu antérieurement une activité dans la zone couverte par la clause, celle-ci ne protège aucun intérêt légitime.

CA Caen, chambre 1 section civile et commerciale, 29 septembre 2005, n° Jurisdata : 2005-299499

La clause de non réaffiliation insérée dans un contrat de franchise est nulle, car elle porte une atteinte illégitime au jeu de la concurrence. La clause interdit l’usage d’une enseigne de renommée nationale ou régionale et interdit d’offrir à la vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes, pendant un an à compter de la rupture du contrat et dans un rayon d’un kilomètre du magasin exploité par le franchisé. Or, la vente de marchandises d’alimentation générale dans une supérette se fait quasi-systématiquement sous une enseigne nationale ou régionale, de sorte que la clause rend très difficile l’exploitation de son fonds par le franchisé. Cette clause, pour être valable, doit être strictement nécessaire à la protection d’un intérêt légitime et doit être proportionnée à cette protection. En l’espèce, la clause ne sert pas à protéger un véritable savoir-faire. En réalité, la clause, qui est applicable uniquement en cas de résiliation anticipée, tend à dissuader les franchisés de résilier avant terme et à rendre plus difficile la pénétration du marché par les entreprises concurrentes. En effet, cette clause est présente dans les contrats de franchise du franchiseur, lequel dispose de 600 points de vente sur tout le territoire. La  clause est donc susceptible d’affecter la concurrence entre réseaux au niveau national.

CA Paris, Chambre 5 section A, 21 septembre 2005, n° Jurisdata : 2005-293492

Le franchiseur n’est pas fondé à reprocher à son ancien franchisé la violation de la clause de non-concurrence motif pris de la poursuite de l’exploitation du centre minceur par l’ancien franchisé sous une autre enseigne après la cessation du contrat dès lors que le contrat exclut lui-même l’application des sanctions en cas de résiliation anticipée aux torts exclusifs du franchiseur.

CA Aix en Provence, 28 février 2005, n° Jurisadata : 2005-272824

Une clause de non-concurrence est nulle car le principe de la liberté du commerce et de l’industrie impose une interprétation stricte de ce type de disposition et une telle clause doit ainsi être limitée dans le temps et dans l’espace et doit correspondre à la nécessité de protéger des intérêts légitimes en rapport avec l’objet du contrat. Ne répond pas à de tels critères la clause contenue dans le contrat de franchise, faisant interdiction d’exercer sur le territoire des Bouches du Rhône et les départements limitrophes, alors même que la franchise envisagée ne concernait que la ville d’Aix en Provence. En outre, la durée de l’interdiction, fixée à 5 ans, excède celle d’une année admise par le règlement CE 4087/88.

CA Colmar, 9 novembre 2004, Jurisdata n° 2004-274028

En cas de novation du contrat de franchise, la clause stipulée dans l’ancien contrat n’est plus applicable si elle n’est pas reprise dans le nouveau contrat.

CA Paris, Chambre 5, section B, 8 avril 2004, n° Jurisdata : 2004-254237

Lorsque le contrat de franchise est annulé, ici pour dol, la clause de non-concurrence l’est également, par effet domino en sorte.

CA Versailles, Chambre 12 section 2, 12 juin 2003, n° Jurisdata : 2003-225451.

La validité d’une clause de non-concurrence, insérée dans un contrat de franchise, est subordonnée à sa limitation quant à l’activité interdite, au temps et au lieu, ainsi qu’à son caractère proportionné au regard de l’objet du contrat. En l’espèce, la clause est limitée quant à son objet puisqu’elle interdit la commercialisation directe ou indirecte de produits identiques ou semblables à ceux visés dans le contrat de franchise, ainsi que la participation directe ou indirecte à un réseau de distribution concurrent à celui du franchiseur. L’obligation est imposée pour trois ans à compter de la rupture du contrat de franchise et porte sur le secteur géographique attribué au franchisé. La clause est également proportionné à l’objet du contrat, puisqu’elle est destinée à protéger un réseau dont l’existence est indéniable. Le franchiseur a développé une méthode originale de fabrication, de commercialisation et de pose de produits d’isolation et de stores et a transmis son savoir-faire aux franchisés qui bénéficient d’une clientèle ciblée recherchant la fabrication sur mesure propre à ce réseau. La clause litigieuse est donc valable.

CA Montpellier, chambre 1 section 1 O 2, 21 janvier 2003, n° Jurisdata : 2003-257318

Une clause de non-concurrence est valable si elle est limitée quant à la nature de l’activité interdite, quant à son étendue spacio-temporelle et si elle n’est pas disproportionnée au regard de l’objet du contrat. En l’espèce, le contrat de franchise, comporte une clause qui interdit au franchisé, à la cessation des relations contractuelles, de participer sous quelque forme que ce soit à une entreprise similaire à celle proposée par le franchiseur sur le territoire national pendant 5 ans. Or il s’avère que l’étendue de cette clause est disproportionnée par rapport à l’objet du contrat. En effet, dès la cessation des relations contractuelles le franchisé n’a plus bénéficié de la marque, du logo, des conseils et des prestations de service, de l’accès au fichier des offres et demandes de l’ensemble des secteurs ; tout autre affilié a pu intervenir immédiatement sur le secteur précédemment concédé à l’ancien franchisé. Cette clause doit donc être déclarée nulle et sans effet.

CA Bourges, 16 août 2000, n° Jurisdata 2000-121670

Est nulle la clause de non-concurrence figurant dans le contrat par lequel un franchiseur autorise le franchisé à exercer une activité professionnelle d’agence matrimoniale dès lors que du fait de la durée de l’interdiction (5 ans) et de son étendue (50 kms autour de toutes les localités dans lesquelles un cabinet de la marque du franchiseur est exploité) cette clause est de nature à interdire au franchisé d’exercer l’activité qui est la sienne, à le déposséder de la clientèle qu’il a lui-même constituée en réalisant une sorte d’expropriation forcée au bénéfice du franchiseur, et à lui interdire de fait d’user de la faculté de dénonciation unilatérale prévue par le contrat en le contraignant à rester durablement dans la franchise, ce qui porte atteinte tant à la liberté du travail qu’à la liberté du commerce et de l’industrie. Il en va ainsi d’autant plus que l’utilité pour l’entreprise du franchiseur, qui n’a pas de véritable savoir-faire spécifique et dont la marque est peu notoire, est sujette à caution.

Cass. com., 22 février 2000, n° 97-18728

Toute personne qui sciemment emploie un salarié en violation d’une clause de non-concurrence, dont la licéité n’est pas contestée, commet une faute délictuelle à l’égard de la victime de l’infraction sans qu’il soit besoin d’établir à son encontre l’existence de manœuvres dolosives et la similitude des clientèles.

CA Toulouse, Chambre 2 section 1, 1er mars 1999, n° Jurisdata : 1999-040352

La clause de non-concurrence incluse dans un contrat de franchise faisant interdiction au franchisé de collaborer directement ou indirectement à un commerce de même nature sur le territoire de la communauté européenne durant deux ans, bien que remplissant les conditions de limitation dans le temps et dans l’espace, n’est pas proportionnée à l’objet du contrat et ne satisfait pas l’équilibre à maintenir entre la protection de la clientèle du franchiseur et la liberté d’entreprendre du franchisé. En effet, l’activité protégée, le dépôt-vente par des particuliers d’objets de toutes catégories, revêtant un caractère banal et n’impliquant pas l’acquisition d’un savoir-faire particulier, elle n’impose pas l’exclusion de tout l’espace de la communauté européenne. Il s’en déduit que la clause est nulle.

CA Aix en Provence, Chambre 2, 24 septembre 1998, n° jurisdata : 1998-046926

Malgré l’exécution défectueuse de ses obligations par le franchiseur, doit recevoir application la clause de non-concurrence stipulant qu’à la rupture du contrat, quelle qu’en soit la cause, le franchisé s’interdit, pour un temps et dans un périmètre limités, de s’intéresser directement ou indirectement, par personne ou société interposée, à tout commerce susceptible de faire concurrence au réseau auquel il a été affilié. Le franchisé ayant, sans avoir changé de local, poursuivi l’exploitation de l’activité antérieurement exercée dans le cadre du franchisage, se bornant à changer l’enseigne de son établissement, la contravention à son obligation de non concurrence est patente.

Pour autant, la clause pénale prévoyant le versement d’une indemnité égale à trois années de redevances doit être modérée à une somme très faible, seule à même de rendre compte du préjudice subi par le franchiseur, d’autant que le franchisé s’est tôt trouvé abandonné à son sort, assurant par ses seuls efforts l’exécution partielle du franchisage, de sorte que le franchiseur en a bénéficié sans contrepartie sérieuse. La peine, manifestement excessive, doit être réduite à 1000.

CA Paris, chambre 5, section B, 26 juin 1997, n° Jurisdata : 1997.021609

Ici une clause de non concurrence est déclarée valable mais la CA mais sa durée de deux ans est réduite à un an compte tenu du règlement communautaire de 1988.

CA Paris, chambre 5, section B, 26 juin 1997, n° Jurisdata : 1997-024363 ; 1997-022608

Est valable la clause de non concurrence insérée dans un contrat de franchise, dès lors qu’elle est destinée à protéger les intérêts légitimes du franchiseur. En revanche, le règlement CE du 30 novembre 1988 limite à une année la durée maximale d’une telle clause et il convient de réduire la portée de celle-ci à un an, alors quele contrat de franchise prévoyait un minimum de deux ans.

CA Paris, 29 février 1996, n° Jurisdata : 1996-020858

La clause de non-concurrence figurant dans un contrat de franchise de marque de lentilles de contact, n’a pas à être annulée sur le fondement de l’article 3C du règlement CEE du 30 novembre 1988, inapplicable dès lors que le réseau du franchiseur comme le franchisé se limitent au territoire français.

Tribunal de commerce de Paris, 9 août 1995, n° jurisdata : 1995-047408

La rupture du contrat étant imputable au franchiseur, la clause de non-concurrence, imposée au franchisé est de nul effet.

CA Paris, Chambre 4 Section A, 28 novembre 1994, n° Jurisdata : 1994-024885

En poursuivant les relations après la rupture amiable du contrat, constituant le point de départ de la clause de non-concurrence, le franchiseur a implicitement renoncé à celle-ci et ne peut reprocher sa violation, d’autant qu’à défaut de rachat du stock, le franchisé a dû écouler celui-ci sous sa marque.

Cass. com., 10 mai 1994, n° 92-15834

 A partir du moment où le contrat de franchise est nul, la clause de non-concurrence est inapplicable.

CA Caen, Chambre 1, section civile et commerciale, 28 octobre 1993, n° Jurisdata : 1993-049023

Lorsqu’une marque a été concédée par un premier franchisé à une seconde personne, afin d’assurer une complémentarité géographique entre eux, l’article 1134 du code civil exige que la seconde personne exécute la convention la liant au premier franchisé de bonne foi. Manque à cette obligation la seconde personne qui, après avoir abandonné l’exploitation de la marque en question, continue la même activité sous une marque voisine, en intervenant sur le secteur géographique réservé à son cocontractant, cela même en l’absence de clause de non concurrence dans le contrat les unissant.

CA Rennes, chambre 2, 31 mars 1993, n° jurisdata : 1993-048481

Lorsque le franchiseur n’est pas fournisseur, il n’est pas spécialement affecté par la concurrence du fonds de commerce qui exploite après résiliation une enseigne distincte et n’attire ainsi aucunement la clientèle attachée à sa propre enseigne. En conséquence, une clause de non-concurrence, même limitée dans le temps et dans l’espace, procure au franchiseur un avantage anormal.

CA Toulouse, Chambre 2, 9 janvier 1992, n° jurisdata : 1992-041493

Constitue une rupture abusive le fait pour le franchisé de rompre prématurément le contrat de franchise au motif du non respect par le franchiseur de ses obligations contractuelles dès lors qu’il n’en rapporte pas la preuve. Le franchisé ne peut dès lors être libéré de son engagement de non-concurrence.

CA Paris, 13 novembre 1984, Jurisdata : 1984-600561

La clause de non-concurrence insérée dans un contrat de franchise est nulle dès lors qu’elle ne laisse plus de possibilité de travail au débiteur. Tel est le cas du souscripteur propriétaire de son fonds de commerce qui serait dépossédé de toute sa clientèle et ne pourrait exercer son activité.

Contrat de franchise et indemnité de clientèle : Justice est faite ! (à propos d’un arrêt rendu le 9 octobre 2007 par la chambre commerciale de la Cour de cassation)

Le contrat de franchise et l’indemnité de clientèle

Tout franchisé est naturellement frappé d’une espèce de schizophrénie : commerçant indépendant, il est affilié à un réseau dont l’image et la discipline établissent pour lui une véritable dépendance. Et son statut de balancer ainsi constamment entre indépendance juridique et dépendance économique.

Le droit s’est avisé de ce tiraillement par un certain nombre de mesures protectrices du franchisé. Ainsi la célèbre loi « Doubin » de 1989 a-t-elle imposé aux franchiseurs de délivrer aux candidats à la franchise un document d’information précontractuelle censé permettre à ces derniers de s’affilier en pleine connaissance de cause . Pour lors, le législateur est toutefois resté extrêmement timide. Contrairement à d’autres acteurs du droit de la distribution (agents commerciaux, VRP etc…), le franchisé n’a pas fait l’objet d’un dispositif législatif d’ensemble. Qu’à cela ne tienne : la jurisprudence a pris le relais, manifestant au besoin son pouvoir créateur. L’arrêt rendu le 9 octobre 2007 par la chambre commerciale de la Cour de cassation participe ainsi clairement de l’élaboration d’un statut protecteur du franchisé.

En l’espèce, six contrats de franchise avaient été conclus pour une durée de deux ans. Après plusieurs renouvellements, le franchiseur avait refusé de reconduire cinq des contrats arrivés à leur échéance et résilie le sixième sans préavis. Le franchisé l’assigne alors en lui demandant le paiement d’une indemnité de clientèle liée à la cessation des contrats. Débouté par la Cour d’appel de Paris, le franchisé forme un pourvoi qui, sur ce point, est accueilli par la Cour de cassation aux motifs suivants : « alors qu’elle constatait, tout à la fois, que le franchisé pouvait se prévaloir d’une clientèle propre, et que la rupture du contrat stipulant une clause de non-concurrence était le fait du franchiseur, ce dont il se déduisait que l’ancien franchisé se voyait dépossédé de cette clientèle, et qu’il subissait en conséquence un préjudice, dont le principe était ainsi reconnu et qu’il convenait d’évaluer, au besoin après une mesure d’instruction, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». C’est dire qu’un franchisé a droit à une indemnité de clientèle lorsque la cessation du contrat n’est pas de son fait d’une part, conduit à le déposséder de sa clientèle d’autre part.

A l’évidence, cette décision est une petite révolution. Et pour cause : cela faisait plusieurs décennies que les franchisés réclamaient le bénéfice d’une indemnité qui fût indépendante des dommages et intérêts accordés lorsqu’un franchiseur rompt abusivement le contrat. Or jusqu’à présent, la Cour de cassation l’avait refusé. Ce rejet sentait néanmoins par trop son juridisme : un franchisé a beau être juridiquement indépendant, la cessation de son contrat ne s’en traduit pas moins souvent pour lui par une perte de clientèle attachée à la marque du réseau dont il faisait partie. Dans ce cas, il subit donc bien un préjudice qu’aucune raison (aucune cause, d’après l’arrêt du 9 octobre) ne justifie.

En ce sens, l’arrêt du 9 octobre 2007 prend opportunément en compte la dépendance économique dans laquelle se trouve la plupart des franchisés. Il s’agit d’éviter cette injustice qui consiste à priver le franchisé du fruit de ses efforts. De la même manière qu’un bailleur ne saurait évincer son locataire commercial sans payer une indemnité d’éviction correspondant à la valeur de son fonds de commerce, un franchiseur ne saurait faire main basse sur le fonds de son ancien partenaire sans lui payer une indemnité compensatrice du préjudice subi. Nul besoin de prouver un abus du franchiseur : l’indemnité de clientèle ne sanctionne pas une faute mais un état de fait, à savoir la dépossession du franchisé. Tel est le cas, comme dans l’arrêt commenté, lorsque la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de franchise n’est compensée par aucune contrepartie financière.

Quoiqu’il en soit, la règle posée dans l’arrêt du 9 octobre 2007 est d’autant plus importante que sa formulation extrêmement large permet d’en envisager l’extension à d’autres types de distributeurs que les franchisés. Ainsi des concessionnaires exclusifs par exemple. Les tribunaux auront sûrement l’occasion de le confirmer. Comme l’enseigne le vieux dicton, tout vient à point à qui sait attendre…