Le franchiseur qui tirait plus vite que son ombre

A propos de Cass. com., 18 janvier 2011, n° Pourvoi 09-72508

Les franchiseurs ont parfois la gâchette facile. Certes, il s’agira le plus souvent pour eux d’évincer un franchisé du réseau. Il arrive toutefois qu’il en aille de même pour le contraindre à y entrer ; l’arrêt du 18 janvier 2011 en témoigne.

Imaginez : l’exploitant d’une supérette et rencontre un franchiseur de la grande distribution alimentaire afin de conclure un contrat de franchise. Les discussions s’entament ; des courriers s’échangent. Une lettre du franchiseur formule une proposition commerciale prévoyant le passage du magasin sous l’enseigne du réseau avant une date précise, la fourniture d’une aide financière liée aux coûts des travaux requis ainsi qu’une dispense de redevance sur le chiffre d’affaires non alimentaire. Trois jours plus tard, le destinataire de cette « proposition » donne son accord, indiquant au surplus sa volonté de « formaliser au plus tôt l’ensemble de ces dispositions ». Cependant, aucun projet de contrat non plus qu’aucun document d’information précontractuel ne sont envoyés.

De sorte que la question était la suivante : l’accord du candidat à la franchise scellait-il un véritable contrat de franchise ? Les interlocuteurs avaient-ils dépassé le simple stade des pourparlers ? Car ledit candidat s’était finalement ravisé, le franchiseur n’ayant jamais donné suite à sa lettre de confirmation. Un franchiseur qui l’avait pourtant assigné aux fins d’exécution forcée du contrat de franchise, ou à défaut de condamnation à dommages et intérêts.

La question était ainsi l’une des plus classiques du droit des contrats : la lettre du franchiseur cristallisait-elle une offre ? Celle du franchisé, une acceptation ? La Cour d’appel de Pau, dans un arrêt du 25 juin 2009, avait clairement opté pour la négative. Ce que confirme ici la Cour de cassation : il ressortait notamment de l’absence d’envoi d’un projet de contrat de franchise que « les parties ne s’étaient pas engagées de façon irrévocable l’une envers l’autre à conclure un contrat de franchise dans des conditions suffisamment définies ».

Par où la cour d’appel avait pu qualifier leurs engagements de simple accord de principe. Peu importait à cet égard qu’aucun DIP ne fût envoyé par le franchiseur.

La solution est parfaitement justifiée : une offre de contracter n’existe qu’à condition d’être ferme et précise. A défaut, une « proposition commerciale » s’analyse en une simple invitation à entrer en pourparlers. De fait, comment le franchiseur pouvait-il prétendre que son interlocuteur était engagé dans les liens d’un véritable contrat de franchise sans connaître ses obligations précises ; sans mesurer les engagements du franchiseur en termes d’assistance ou de publicité ; sans avoir la moindre idée des clauses relatives à la cessation du contrat ; sans même enfin que le taux de redevance fût clairement fixé ? Etait-ce au juge de fixer ces points pourtant essentiels de l’accord ?

L’arrêt du 18 janvier 2011 le rappelle implicitement mais nécessairement : un contrat de franchise ne se réduit pas à la jouissance d’une enseigne ! Ce que certains franchiseurs feignent parfois d’oublier…

Cet arrêt illustre donc à nouveau la pertinence du vieux dicton : il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Reste l’accord de principe, bien sûr. Dont l’existence engageait au moins les parties à poursuivre les négociations de bonne foi. Mais ici aussi, le franchiseur ne pouvait rien reprocher à son interlocuteur. Car il n’avait même pas pris soin de répondre au courrier de ce dernier et, comme le relève la cour d’appel, n’avait formulé aucune offre.

Annulation pour tromperie – Cass, 1er civ, 25 novembre 2009

COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 novembre 2009    Rejet

M. BARGUE, président – Arrêt n° 1206 F-D – Pourvoi n° C 08-15.927

R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Brigitte Dutoit, domiciliée 23 Grand Place, 62440 Harnes,

contre l’arrêt rendu le 5 février 2008 par la cour d’appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l’opposant à Mme Dominique Aouri, domiciliée 1A rue de Récollets, 62000 Arras,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 27 octobre 2009, où étaient présents : M. Bargue, président, Mme Vassallo, conseiller référendaire rapporteur, M. Pluyette, conseiller doyen, M. Domingo, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Vassallo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Dutoit, de Me Spinosi, avocat de Mme Aouri, les conclusions orales de M. Domingo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme Dutoit a donné en concession à Mme Aouri, par acte du 24 septembre 2002, le droit d’exploiter une onglerie moyennant une certaine somme payable à la signature du contrat et une redevance mensuelle ; que Mme Aouri a mis fin à la concession et assigné, le 31 août 2005, Mme Dutoit en annulation du contrat pour dol ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme Dutoit fait grief à l’arrêt attaqué (Douai, 5 février 2008) d’avoir déclaré nul et de nul effet pour dol le contrat du 24 septembre 2002 ;

Attendu qu’ayant souverainement relevé, d’abord que Mme Dutoit avait exercé comme esthéticienne à peine dix mois avant de proposer, à un prix substantiel, la concession litigieuse, ensuite que la formation proposée avait  été assurée par sa fille, diplômée à l’âge de 17 ans dans une autre discipline, la cour d’appel,  sans inverser la charge de la preuve, a pu en déduire qu’en faisant état d’une compétence élevée, Mme Dutoit avait trompé sa cocontractante à l’aide de manoeuvres intellectuelles et ainsi caractériser le dol ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme Dutoit fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à verser une certaine somme au titre du prix payé, en deniers ou quittances, avec intérêt légaux à compter du 24 septembre 2002 ;

Attendu que la cour d’appel qui, en prononçant la restitution des sommes payées en deniers ou quittances, a fait expressément référence à l’imprécision relative au recouvrement d’un chèque impayé, n’a fait qu’user de la faculté remise à sa discrétion par l’article 1153-1 du code civil en fixant à une date autre que celle de sa décision le point de départ des intérêts de la créance d’indemnité ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Dutoit aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme Dutoit.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré nul et de nul effet, pour dol, le contrat de concession du 24 septembre 2002 ;

AUX MOTIFS QU’il résulte des termes du contrat litigieux que la concédante a mis au point des signes distinctifs, des méthodes commerciales et un concept particulier pour l’onglerie ; que la concédante affirme encore disposer d’un haut niveau de compétence puisqu’elle se propose de le faire acquérir à la concessionnaire elle-même, par le biais d’une formation et d’une information sur les perfectionnements et améliorations de la technique d’onglerie ; qu’il résulte des pièces produites aux débats que Madame Dutoit a exercé comme esthéticienne à partir du 1er janvier 2002, soit à peine dix mois avant de proposer, au prix substantiel de 14.591 € TTC, la concession litigieuse ; que la formation proposée devait être ou été assurée par sa fille diplômée à l’âge de 17 ans et dans une autre discipline ; qu’en somme, en faisant état de méthodes éprouvées et originales et d’une compétence élevée, sans en fournir la moindre preuve, Madame Dutoit a trompé sa cocontractante à l’aide de manoeuvres intellectuelles qui trouvent leur sanction dans l’article 1116 du Code civil ; que le contrat litigieux sera par conséquent annulé avec toutes conséquences indiquées dans le dispositif ci-après ;

ALORS, D’UNE PART, QUE ne caractérise pas des manœuvres dolosives, l’arrêt qui ne constate aucune tromperie ou dissimulation portant sur un élément essentiel du contrat, ni ne relève l’existence d’aucune allégation mensongère, ou même de simples réticences portant sur un élément du contrat, susceptibles d’être qualifiées de manœuvres illicites et ayant eu une incidence déterminante sur le consentement de Madame Aouri ; qu’en se bornant à faire état de “ manœuvres intellectuelles ” dont l’arrêt ne justifie d’ailleurs pas l’existence en fait, consistant, semble-t-il, seulement, à ne pas avoir fourni la preuve des compétences alléguées, dont la fausseté n’est au demeurant, pas démontrée, la Cour d’appel n’a pu justifier légalement sa décision au regard des dispositions de l’article 1116 du Code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QU’il appartient à celui qui se dit victime d’un dol de rapporter la preuve de manœuvres dolosives ; qu’en l’espèce, il incombait donc à Madame Aouri de démontrer que Madame Dutoit ne lui avait transmis ni méthode originale, ni savoir-faire particulier et non pas à Madame Dutoit de faire la preuve de sa compétence et de son savoir-faire ;
que l’arrêt attaqué a renversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du Code civil ;

ALORS, AU SURPLUS, QUE , à supposer même qu’il y ait eu, en la cause, un certain manque d’information, rien ne permet d’en déduire que Madame Dutoit ait agi avec la volonté de provoquer une erreur de nature à vicier le consentement de Madame Aouri et à la déterminer à s’engager ; qu’ainsi faute de moyens frauduleux, la Cour d’appel n’a pu donner une base légale à sa décision au regard de l’article 1116 du Code civil ;

ALORS, ENFIN QUE le dol ne se présumant pas et ne pouvant résulter que d’une faute d’une gravité suffisante, dûment établie, à l’encontre d’un contractant, la Cour d’appel ne pouvait prononcer la nullité du contrat conclu entre Madame Dutoit et Madame Aouri, pour dol, en constatant seulement que Madame Dutoit n’aurait pas fourni “ la moindre preuve ” des méthodes éprouvées et originales de la compétence élevée dont elle se prévalait ; que la fausseté de ces allégations n’étant pas établie ni par la durée, d’ailleurs inexactement rapportée par l’arrêt, de l’expérience professionnelle personnelle de Madame Dutoit, ni par l’âge auquel sa fille, formatrice en onglerie, a obtenu son diplôme en esthétique, plusieurs années auparavant, la Cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil, en statuant comme elle l’a fait.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Madame Dutoit à payer à Madame Aouri la somme de 14.591,20 € au titre du prix payé, en deniers, quittances, avec intérêts légaux à compter du 24 septembre 2002 ;

AUX MOTIFS QUE la restitution de sommes payées ne saurait se faire qu’en deniers ou quittances, devant l’imprécision de l’intimée sur le recouvrement du chèque impayé ;

ALORS, D’UNE PART, QUE rien n’établit que Madame Aouri ait réglé l’intégralité du prix de la concession dans la mesure où, comme cela résulte des débats et comme le relève l’arrêt attaqué, une partie de ce prix, 8.591,20 €, a fait l’objet d’un chèque revenu impayé ; qu’ainsi, en condamnant malgré tout Madame Dutoit à régler à Madame Aouri la somme de 14 591,20 € en principal au titre du prix payé, la Cour d’appel a violé les articles 1116 ensemble 1117 du Code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QU’en toute hypothèse, les intérêts ne pouvaient à fortiori courir avant la date à laquelle la somme due en restitution du prix avait été versée en exécution dudit contrat ; qu’en fixant au 24 septembre 2002 le point de départ des intérêts légaux, la Cour d’appel a derechef violé l’article 1153-1 du Code civil.

Annulation pour tromperie – Cass, Com. 04 mai 2010

COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 mai 2010  Rejet

Mme FAVRE, président

Arrêt n° 475 F-D

Pourvoi n° S 09-15.139

R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Lady fitness Europe, dont le siège est 1 H Cours Lafayette, 69003 Lyon,

contre l’arrêt rendu le 2 avril 2009 par la cour d’appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. Pascal Wissen, domicilié 112 avenue du Général Leclerc, 54000 Nancy,

2°/ à la société Pierre Bruart, société civile professionnelle, dont le siège est 6 allée de la Forêt de la Reine, 54500 Vandoeuvre-lès-Nancy, en qualité de liquidateur de la société C-Sport,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 23 mars 2010, où étaient présents : Mme Favre, président, Mme Mandel, conseiller rapporteur, Mme Tric, conseiller doyen, Mme Bonhomme, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Mandel, conseiller, les observations de la SCP Boutet, avocat de la société Lady fitness Europe, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. Wissen et de la société Pierre Bruart, les conclusions de Mme Bonhomme, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu selon l’arrêt attaqué (Lyon, 2 avril 2009) que la  société Lady fitness Europe qui bénéficie d’une licence de la marque Lady fitness a signé avec la société C-Sport, créée le 5 mars 2007 par M. Wissen, deux contrats de licence de cette marque, l’un le 15 mars 2007 pour l’exploitation d’un centre de remise en forme à Nancy, l’autre le 1er mars 2007 pour un centre à Metz ; que la société C- Sport ayant été mise en liquidation judiciaire le 16 octobre 2007, son liquidateur la SCP Bruart et M. Wissen ont assigné la société Lady fitness Europe aux fins de voir prononcer la nullité des deux contrats, à titre subsidiaire leur résiliation aux torts de la société Lady fitness Europe et condamner cette dernière au remboursement de l’insuffisance d’actif de la société C Sport ainsi qu’au paiement de diverses sommes au profit de M. Wissen à titre personnel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Lady fitness Europe fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que les consentements de la société C-Sport donnés lors des contrats en date des 1er et 15 mars 2007 passés avec la société Lady fitness Europe pour la concession de la licence de la marque Lady fitness ont été viciés et d’avoir en conséquence annulé lesdits contrats de licence alors, selon le moyen :

1°/ que le vice du consentement de celui qui obtient une licence d’exploitation d’une marque ne se déduit pas du seul manquement du titulaire de la marque à son obligation d’information précontractuelle ; que pour retenir l’existence d’un dol, la cour d’appel a affirmé que l’annexe 4 était
insuffisante et aurait contenu des informations erronées, là où la société Lady fitness Europe soutenait n’avoir eu aucun comportement dolosif ; que faute d’avoir constaté de la part de cette dernière une manoeuvre dolosive volontaire afin de dissimuler des éléments essentiels au consentement de la société C Sport, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code Civil, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

2°/ que le candidat à une licence d’exploitation d’une marque est tenu de se renseigner lui-même auprès d’un tiers licencié de cette marque dont il entend poursuivre l’activité ; qu’il ressort des décisions des juges du fond que M. Wissen a directement négocié le rachat du matériel sportif du centre de Metz et a conclu directement un bail commercial avec le propriétaire des locaux ayant décidé, par souci d’économie, de ne pas racheter le fonds de commerce de l’exploitant ; qu’il s’ensuit que la société C Sport, créée par M. Wissen, devait se renseigner sur l’ensemble des conditions dans lesquelles ce centre était exploité sans pouvoir exiger une telle information de la part de la société Lady fitness Europe ; qu’en annulant le contrat de licence d’exploitation de marque concernant le club sportif de Metz pour dol imputable à la société Lady fitness Europe faute d’une complète information sur ce centre, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

Mais attendu, d’une part, que l’arrêt relève par motifs propres et adoptés que le document d’information pré-contractuel remis à M. Wissen ne comporte aucune présentation du marché national des clubs de sport, que s’agissant du marché local aucun chiffre n’est donné permettant d’apprécier l’importance réelle de ce marché, qu’il s’y ajoute une information erronée quant à l’absence d’équivalent en France au concept du type de celui développé par la société Lady fitness Europe et des affirmations banales, générales et non étayées s’agissant des perspectives de développement ; qu’il constate que la société Lady fitness Europe a fourni à M. Wissen des documents comportant des indications inexactes et contradictoires sur l’identité de l’exploitant du club de Metz et relève que cette société, qui a pour gérant M. Rivoal, se disant aussi gérant de la société gérant le club de Metz, savait que la société Sun Factory, qui aurait été l’exploitant de ce club, avait été placée en liquidation judiciaire au début du mois de décembre 2006 ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations desquelles il ressortait que le défaut d’informations invoqué avait vicié le consentement de la société C-Sport, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu d’autre part, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni de ses conclusions que la société Lady fitness Europe ait soutenu devant la cour d’appel le moyen évoqué à la seconde branche ; que le grief mélangé de fait et de droit est donc nouveau ;

D’où il suit qu’irrecevable en sa seconde branche, le moyen n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Lady fitness Europe fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à M. Wissen une somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice moral alors, selon le moyen :

1°/ que l’inexécution d’un contrat peut constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers au contrat ; que la cour d’appel a condamné la société Lady fitness Europe à payer des dommages-intérêts à M. Wissen en se fondant sur l’application de cette règle de droit ; qu’en statuant ainsi, après avoir annulé les contrats de licence de marque, la cour a violé l’article 1382 du code civil ;

2°/ que l’associé ne subit pas de préjudice moral du fait de la défaillance de la société ; que la cour d’appel a condamné la société Lady fitness Europe à payer à M. Wissen une indemnité pour réparer le préjudice moral dû au fait d’avoir vu sombrer sa société ; qu’en statuant ainsi, bien que la défaillance de la société C-Sport ne peut constituer un préjudice moral pour M. Wissen, la cour a violé l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt relève que la société Lady fitness Europe n’a pas éclairé pleinement M. Wissen sur le club de Metz et n’a  pas rempli son obligation d’information précontractuelle ; qu’il retient  que M. Wissen a créé sa société pour adhérer aux contrats de licence de marque Lady fitness et a vu celle-ci sombrer en partie en raison des manquements fautifs imputables à la société Lady fitness Europe ; que de ces constatations et appréciations, et abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche, la cour d’appel a pu déduire que M. Wissen subissait un préjudice moral résidant dans l’échec de l’entreprise dans laquelle il s’était investi pour exploiter la marque Lady fitness ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lady Fitness Europe aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lady fitness Europe à payer la somme globale de 2 500 euros à M. Wissen et à la SCP Bruart, ès qualités de liquidateur de la société C-Sport et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la société Lady Fitness Europe

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR décidé que les consentements de la Société C SPORT donnés lors des contrats en date des 1er et 15 mars 2007 passés avec la Société LADY FITNESS EUROPE pour la concession de la licence de la marque LADY FITNESS ont été viciés et D’AVOIR par voie de conséquence annulé lesdits contrats de licence ;

AUX MOTIFS QUE, dans le document d’information précontractuel signé par Monsieur WISSEN le 15 novembre 2006, la présentation du marché figure à l’annexe 4 ; que cette annexe comprend deux pages et demi (avec un texte très aéré et frappé en gros caractères) et ne répond pas aux prescriptions légales ; que, sous le titre “ le marché mondial du fitness ”, une page entière est consacrée à la description du concept LADY FITNESS ; que le tableau propre à illustrer le marché mondial est de peu d’intérêt pour le futur adhérent, sauf à constater que CURVES disposait en 2006 d’un nombre de franchises sans rapport avec ses concurrents et qu’il s’agit de la franchise la plus ancienne (1995) ; qu’aucune présentation du marché national des clubs de sport n’est faite ; que s’agissant du marché local, le document ne correspond pas à une présentation du marché local des services en cause puisqu’il se résume à mettre en exergue les caractéristiques du concept décrit comme “ unique par sa simplicité, son efficacité et sa rentabilité ” ; que n’est présenté aucun chiffre permettant d’apprécier l’importance réelle du marché local ; qu’il est en outre erroné d’affirmer “ qu’il n’y a pas aujourd’hui d’équivalent de ce concept en France”, alors que les intimés prouvent qu’il existe d’autres concepts du même type ; qu’enfin s’agissant des perspectives de développement, elles ne reposent que sur des affirmations banales, générales et non étayées ; que Monsieur WISSEN n’a donc pas été correctement informé quant à l’état général et local du marché des centres de remise en forme dédiés aux femmes ; que bien plus, les affirmations contenues dans le document étaient propres à l’induire en erreur sur la réalité de l’état de la concurrence sur son marché et lui laissaient penser qu’il disposait d’un avantage concurrentiel en réalité non établi ; que s’agissant du contrat de licence du 1er mars 2007 portant sur l’exploitation d’un club à METZ, la Société C SPORT a pris la suite d’un autre exploitant ; qu’au titre de la présentation du réseau d’exploitation, il importait que soit précisée l’identité de ce précédant “franchisé ” mais que le document d’information mentionne simplement l’adresse du club, le numéro de téléphone et la date d’ouverture (mai 2005) ; que cette précision était indispensable puisque Monsieur WISSEN a proposé à celui-ci de reprendre non pas le fonds de commerce ou les parts sociales de la société mais seulement le matériel d’exploitation et de signer un nouveau bail et qu’une fois dans les lieux, eu égard à la continuité de l’activité dans les mêmes lieux, avec le même matériel, sous la même marque, Monsieur WISSEN a été destinataire de réclamations de la part de créanciers impayés, a constaté la disparition des chèques de caution remis par les clientes lesquels ont été encaissés par les anciens dirigeants qui ont aussi encaissé l’intégralité des chèques remis par les clientes ayant souscrit un abonnement à l’année ; qu’avant l’arrivée de la Société C SPORT, le club de METZ était exploité par une SARL LADY FITNESS METZ gérée par Monsieur ACHARD et par Monsieur RIVOAL dont le nom en tant que gérant est mentionné dans deux contrats de travail ; que cette société n’est pas enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés de cette ville ; que la Société LADY FITNESS EUROPE soutient avoir concédé un contrat de licence à la Société SUN FACTORY immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CANNES qui exploitait le club de METZ sous la dénomination LADY FITNESS METZ ; mais que cette allégation ne correspond pas aux indications portées sur les pièces produites par les intimés, lesquels font état d’une SARL LADY FITNESS METZ gérée tantôt par Monsieur ACHARD, tantôt par Monsieur RIVOAL ; que la Société LADY FITNESS EUROPE soutient que les deux contrats de travail étaient en réalité un modèle de contrat de travail issu de la bible LADY FITNESS ; mais que ces contrats ne sont pas de simples modèles ; qu’il s’agit de véritables contrats de travail dûment complétés et renseignés, paraphés sur chaque page et signés par les salariés ; qu’à supposer même que la Société SUN FACTORY était le gestionnaire du club de METZ, la situation n’est pas plus claire puisque, selon les propres dires de l’appelante, il a été proposé à Monsieur WISSEN, après la liquidation judiciaire de la Société SUN FACTORY, de racheter le matériel de fitness de cette société mais que, de manière inexplicable, on constate que la société venderesse est une Société TASSIN SPORTS LOISIRS gérée par Monsieur ACHARD et elle-même en liquidation judiciaire ; que la Société LADY FITNESS EUROPE ayant pour gérant Monsieur RIVOAL, se disant aussi gérant du club de METZ, savait que cette société avait été placée en liquidation judiciaire en décembre 2006 ; que Monsieur WISSEN à qui avait été remis le document d’information le 15 novembre 2006 et qui était en pleine démarche commerciale pour l’ouverture d’un club à NANCY a été poussé à reprendre l’activité du club de METZ, à racheter le matériel d’une société tierce et à contracter un nouveau bail sans que cette information essentielle pour la détermination de son consentement lui ait été révélée ; que compte tenu de l’ensemble de ces éléments, c’est à bon droit que le Tribunal a retenu à la charge de la Société LADY FITNESS EUROPE un comportement dolosif et constaté la nullité des deux contrats de licence pour vice du consentement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Société LADY FITNESS EUROPE a remis à Monsieur WISSEN un document intitulé “ document d’information pré contractuelle ” qui comporte bien formellement les rubriques d’information prévues par la loi ; que toutefois, si la forme de ce document respecte la loi, en revanche son contenu n’est pas de nature à fournir loyalement à la Société C SPORT les éléments objectifs lui permettant de s’engager contractuellement en toute connaissance de cause ; qu’il en est ainsi de l’absence totale d’éléments concernant le centre de METZ préalablement exploité par une Société LADY FITNESS METZ qui n’a aucune existence légale pour ne pas être inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de METZ, ce que ne pouvait manquer de savoir Monsieur RIVOAL puisqu’il apparaît comme le représentant de cette société sur différents contrats de travail ; que cette non information sur cette société non inscrite est d’autant plus de nature à vicier le consentement de la Société C SPORT qu’elle n’a pas plus été éclairée sur l’exacte situation financière de cette entreprise qui disposait d’une licence sur le même lieu d’exploitation que celui exploité par la Société C SPORT ; qu’il s’agit là d’un comportement déloyal organisé pour obtenir le consentement, et donc manifestement dolosif, et la Société C SPORT a donc accepté d’entrer dans un tel réseau seulement parce que son consentement a ainsi été profondément vicié par l’absence volontaire de communication d’éléments juridiques et financiers précis sur la situation de cette entreprise précédente non inscrite et cela d’autant plus sûrement que la suite des faits a confirmé la situation tout à fait anormale de cette entreprise, notamment du fait des poursuites des créanciers impayés et de clientes dépossédées de fait de l’avance versée sur des prestations à venir et également les difficultés de nombreuses autres sociétés franchisées dans la France entière puisqu’un certain nombre d’entre elles ont ensuite été placées en liquidation judiciaire ; qu’il convient donc de dire que les contrats de licence souscrits sont donc nuls par application de l’article 1116 du Code Civil ;

ALORS D’UNE PART QUE le vice du consentement de celui qui obtient une licence d’exploitation d’une marque ne se déduit pas du seul manquement du titulaire de la marque à son obligation d’information précontractuelle ; que pour retenir l’existence d’un dol, la Cour d’Appel a affirmé que l’annexe 4 était insuffisante et aurait contenu des informations erronées, là où la Société LADY FITNESS EUROPE soutenait n’avoir eu aucun comportement dolosif ; que faute d’avoir constaté de la part de cette dernière une manœuvre dolosive volontaire afin de dissimuler des éléments essentiels au consentement de la Société C SPORT, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du Code Civil, ensemble l’article L 330-3 du Code de Commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

ALORS D’AUTRE PART QUE le candidat à une licence d’exploitation d’une marque est tenu de se renseigner lui-même auprès d’un tiers licencié de cette marque dont il entend poursuivre l’activité ; qu’il ressort des décisions des juges du fond que Monsieur WISSEN a directement négocié le rachat du matériel sportif du centre de METZ et a conclu directement un bail commercial avec le propriétaire des locaux ayant décidé, par souci d’économie, de ne pas racheter le fonds de commerce de l’exploitant ; qu’il s’ensuit que la Société C SPORT, créée par Monsieur WISSEN, devait se renseigner sur l’ensemble des conditions dans lesquelles ce centre était exploité sans pouvoir exiger une telle information de la part de la Société LADY FITNESS EUROPE ; qu’en annulant le contrat de licence d’exploitation de marque concernant le club sportif de METZ pour dol imputable à la Société LADY FITNESS EUROPE faute d’une complète information sur ce centre, la Cour a violé l’article 1116 du Code Civil, ensemble l’article L 330-3 du Code de Commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer à Monsieur WISSEN une somme de 7.500 € en réparation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE, sur les demandes de Monsieur WISSEN, un tiers à un contrat peut invoquer un manquement de l’une des parties à ce contrat et solliciter sur la base de l’article 1382 du Code Civil des dommages et intérêts pour obtenir réparation du préjudice que lui cause cette inexécution ; que c’est avec Monsieur WISSEN que Monsieur RIVOAL est entré en contact ; qu’il est amplement établi que la Société LADY FITNESS EUROPE ne l’a pas éclairé pleinement sur le club de METZ et n’a pas rempli son obligation d’information précontractuelle ; que Monsieur WISSEN a créé sa société pour adhérer aux contrats de licence de la marque LADY FITNESS et a vu sombrer sa société en partie en raison des manquements fautifs imputables à l’appelante ; qu’il a subi un préjudice moral qui doit être réparé par une indemnité de 7.500 € ;

ALORS D’UNE PART QUE l’inexécution d’un contrat peut constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers au contrat ; que la Cour d’Appel a condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer des dommages et intérêts à Monsieur WISSEN en se fondant sur l’application de cette règle de droit ; qu’en statuant ainsi, après avoir annulé les contrats de licence de marque, la Cour a violé l’article 1382 du Code Civil ;

ALORS D’AUTRE PART QUE l’associé ne subit pas de préjudice moral du fait de la défaillance de la société ; que la Cour d’Appel a condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer à Monsieur WISSEN une indemnité pour réparer le préjudice moral dû au fait d’avoir vu sombrer sa société ; qu’en statuant ainsi, bien que la défaillance de la Société C SPORT ne peut constituer un préjudice moral pour Monsieur WISSEN, la Cour a violé l’article 1382 du Code Civil.

Clause de non-concurrence

Voici quelques décisions relatives aux clauses de non-concurrence susceptibles de vous intéresser :

Cass. com., 9 juin 2009, n° 08-14301

Viole les articles 5 b) du règlement CE n° 2790/1999 et 1134 du Code civil, la Cour d’appel qui, pour déclarer valable une clause de non-concurrence post-contractuelle stipulée dans un contrat de franchise, relève que cette clause est limitée à une année et à un rayon de 30 kms autour du point de vente et que le franchisé avait bénéficié de la transmission d’un savoir-faire, le franchiseur ayant ainsi un intérêt légitime à se donner le temps, après la cessation du contrat de franchise, sans être gêné par l’activité de son franchisé usant du savoir-faire acquis auprès d’elle, de réimplanter son enseigne, ou à son choix une autre enseigne du groupe, sur une surface équivalente dans la zone de chalandise alors que le bénéfice de l’exemption prévue à l’article 5 b) du règlement 2790/1999 en faveur des clauses de non-concurrence post-contractuelles est réservé uniquement à celles, d’une durée d’un an, qui sont limitées aux locaux et aux terrains à partir desquels celui qui l’a souscrite a opéré pendant la durée du contrat et qui sont indispensables à la protection du savoir-faire qui lui a été transféré par son cocontractant d’une part ; que les motifs de l’arrêt entrepris étaient impropres à caractériser la limitation géographique de la clause litigieuse et sa proportionnalité par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l’objet du contrat d’autre part.

Cass. civ. 2, 10 janvier 2008, n° 07-13.558

La violation d’une clause de non-concurrence dont la validité n’est pas évidente ne peut fonder la compétence du juge des référés (Voir cep. Cass. Com., 26 février 2002, n° 99-13571).

« Attendu … qu’ayant relevé que la licéité d’une clause de non-concurrence était subordonnée tant à l’existence d’un savoir-faire transmis par le franchiseur qu’au caractère proportionné de l’interdiction faite au franchisé au regard des intérêts du franchiseur, que l’avantage économique apporté au franchiseur en raison de l’originalité de son savoir-faire n’était pas établi avec certitude, que l’interdiction d’affiliation à un réseau concurrent faite au franchisé n’était pas proportionnelle à la sauvegarde des intérêts légitimes du franchiseur, alors qu’apparaissait purement formelle la possibilité laissée au franchisé d’exercer son activité hors de tout réseau, la cour d’appel a légalement justifié sa décision et retenu que la licéité de la clause litigieuse n’apparaissait pas caractérisée avec l’évidence requise devant la juridiction des référés et a souverainement décidé que les agissements incriminés ne constituaient pas un dommage imminent ».

Cass. com., 18 décembre 2007, n° 05-21441

« Mais attendu qu’ayant retenu que la clause de non-concurrence, qui interdisait à la société SEINOR, pendant une durée d’un an, sur la commune d’implantation du fonds de commerce et sur les communes avoisinantes, de recourir à une enseigne nationale et de s’approvisionner hors de tout réseau national ou régional, de quelque nature que ce soit, était trop générale au regard de l’objet du contrat de franchise, consistant à protéger le savoir-faire transféré par le franchiseur au franchisé, la cour d’appel… a fait ressortir le caractère disproportionné de cette clause par rapport aux intérêts légitimes de la société CASINO au regard de l’objet du contrat et a légalement justifié sa décision ».

Cass. com. 9 octobre 2007, n° 05-14118

Au visa de l’article 1371 C. civ., « Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait, tout à la fois, que le franchisé pouvait se prévaloir d’une clientèle propre, et que la rupture du contrat stipulant une clause de non-concurrence était le fait du franchiseur, ce dont il se déduisait que l’ancien franchisé se voyait dépossédé de cette clientèle, et qu’il subissait par conséquent un préjudice, dont le principe était ainsi reconnu et qu’il convenait d’évaluer, au besoin après une mesure d’instruction, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

CA Chambéry, chambre commerciale, 30 mai 2006, Jurisdata 2006-312337

La clause de non-concurrence, insérée dans le contrat de franchise, interdit au franchisé d’exploiter directement ou indirectement le commerce de location de véhicules dans la zone d’exclusivité et dans les départements limitrophes. Cette extension aux départements limitrophes n’est pas proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur, la clause devant donc être annulée.

CA Rennes, Chambre commerciale 2, 22 janvier 2008, n° jurisdata 2008-000919

Il résulte de cet arrêt qu’une clause de non-concurrence ne peut priver le franchisé de la faculté pour le franchisé de conserver une clientèle qui lui serait personnellement attachée, indépendamment de la marque exploitée en franchise.

Cass. com., 17 janvier 2006, n° 03-12382, Publié au bulletin

Une clause de non réaffiliation qui n’interdit pas la poursuite d’une activité commerciale identique et se trouve limitée dans le temps et dans l’espace ne viole aucune règle d’ordre public et n’encourt pas la nullité.

CA Caen, chambre 1 section civile et commerciale, 3 novembre 2005, jurisdata : 2005-286650

Doit être annulée la clause de non-concurrence d’un contrat de franchise d’une marque de courtage matrimonial en ce qu’elle porte atteinte aux libertés individuelles et au principe de libre concurrence. En effet, ladite clause ne contient aucune limitation dans le temps. En outre, elle est indéterminée dans l’espace car le territoire couvert par la clause devant, selon les stipulations du contrat, figurer sur une carte annexée, n’est pas défini puisque la carte en question n’a pas été fournie. Enfin, rien ne démontrant que le franchiseur ait eu antérieurement une activité dans la zone couverte par la clause, celle-ci ne protège aucun intérêt légitime.

CA Caen, chambre 1 section civile et commerciale, 29 septembre 2005, n° Jurisdata : 2005-299499

La clause de non réaffiliation insérée dans un contrat de franchise est nulle, car elle porte une atteinte illégitime au jeu de la concurrence. La clause interdit l’usage d’une enseigne de renommée nationale ou régionale et interdit d’offrir à la vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes, pendant un an à compter de la rupture du contrat et dans un rayon d’un kilomètre du magasin exploité par le franchisé. Or, la vente de marchandises d’alimentation générale dans une supérette se fait quasi-systématiquement sous une enseigne nationale ou régionale, de sorte que la clause rend très difficile l’exploitation de son fonds par le franchisé. Cette clause, pour être valable, doit être strictement nécessaire à la protection d’un intérêt légitime et doit être proportionnée à cette protection. En l’espèce, la clause ne sert pas à protéger un véritable savoir-faire. En réalité, la clause, qui est applicable uniquement en cas de résiliation anticipée, tend à dissuader les franchisés de résilier avant terme et à rendre plus difficile la pénétration du marché par les entreprises concurrentes. En effet, cette clause est présente dans les contrats de franchise du franchiseur, lequel dispose de 600 points de vente sur tout le territoire. La  clause est donc susceptible d’affecter la concurrence entre réseaux au niveau national.

CA Paris, Chambre 5 section A, 21 septembre 2005, n° Jurisdata : 2005-293492

Le franchiseur n’est pas fondé à reprocher à son ancien franchisé la violation de la clause de non-concurrence motif pris de la poursuite de l’exploitation du centre minceur par l’ancien franchisé sous une autre enseigne après la cessation du contrat dès lors que le contrat exclut lui-même l’application des sanctions en cas de résiliation anticipée aux torts exclusifs du franchiseur.

CA Aix en Provence, 28 février 2005, n° Jurisadata : 2005-272824

Une clause de non-concurrence est nulle car le principe de la liberté du commerce et de l’industrie impose une interprétation stricte de ce type de disposition et une telle clause doit ainsi être limitée dans le temps et dans l’espace et doit correspondre à la nécessité de protéger des intérêts légitimes en rapport avec l’objet du contrat. Ne répond pas à de tels critères la clause contenue dans le contrat de franchise, faisant interdiction d’exercer sur le territoire des Bouches du Rhône et les départements limitrophes, alors même que la franchise envisagée ne concernait que la ville d’Aix en Provence. En outre, la durée de l’interdiction, fixée à 5 ans, excède celle d’une année admise par le règlement CE 4087/88.

CA Colmar, 9 novembre 2004, Jurisdata n° 2004-274028

En cas de novation du contrat de franchise, la clause stipulée dans l’ancien contrat n’est plus applicable si elle n’est pas reprise dans le nouveau contrat.

CA Paris, Chambre 5, section B, 8 avril 2004, n° Jurisdata : 2004-254237

Lorsque le contrat de franchise est annulé, ici pour dol, la clause de non-concurrence l’est également, par effet domino en sorte.

CA Versailles, Chambre 12 section 2, 12 juin 2003, n° Jurisdata : 2003-225451.

La validité d’une clause de non-concurrence, insérée dans un contrat de franchise, est subordonnée à sa limitation quant à l’activité interdite, au temps et au lieu, ainsi qu’à son caractère proportionné au regard de l’objet du contrat. En l’espèce, la clause est limitée quant à son objet puisqu’elle interdit la commercialisation directe ou indirecte de produits identiques ou semblables à ceux visés dans le contrat de franchise, ainsi que la participation directe ou indirecte à un réseau de distribution concurrent à celui du franchiseur. L’obligation est imposée pour trois ans à compter de la rupture du contrat de franchise et porte sur le secteur géographique attribué au franchisé. La clause est également proportionné à l’objet du contrat, puisqu’elle est destinée à protéger un réseau dont l’existence est indéniable. Le franchiseur a développé une méthode originale de fabrication, de commercialisation et de pose de produits d’isolation et de stores et a transmis son savoir-faire aux franchisés qui bénéficient d’une clientèle ciblée recherchant la fabrication sur mesure propre à ce réseau. La clause litigieuse est donc valable.

CA Montpellier, chambre 1 section 1 O 2, 21 janvier 2003, n° Jurisdata : 2003-257318

Une clause de non-concurrence est valable si elle est limitée quant à la nature de l’activité interdite, quant à son étendue spacio-temporelle et si elle n’est pas disproportionnée au regard de l’objet du contrat. En l’espèce, le contrat de franchise, comporte une clause qui interdit au franchisé, à la cessation des relations contractuelles, de participer sous quelque forme que ce soit à une entreprise similaire à celle proposée par le franchiseur sur le territoire national pendant 5 ans. Or il s’avère que l’étendue de cette clause est disproportionnée par rapport à l’objet du contrat. En effet, dès la cessation des relations contractuelles le franchisé n’a plus bénéficié de la marque, du logo, des conseils et des prestations de service, de l’accès au fichier des offres et demandes de l’ensemble des secteurs ; tout autre affilié a pu intervenir immédiatement sur le secteur précédemment concédé à l’ancien franchisé. Cette clause doit donc être déclarée nulle et sans effet.

CA Bourges, 16 août 2000, n° Jurisdata 2000-121670

Est nulle la clause de non-concurrence figurant dans le contrat par lequel un franchiseur autorise le franchisé à exercer une activité professionnelle d’agence matrimoniale dès lors que du fait de la durée de l’interdiction (5 ans) et de son étendue (50 kms autour de toutes les localités dans lesquelles un cabinet de la marque du franchiseur est exploité) cette clause est de nature à interdire au franchisé d’exercer l’activité qui est la sienne, à le déposséder de la clientèle qu’il a lui-même constituée en réalisant une sorte d’expropriation forcée au bénéfice du franchiseur, et à lui interdire de fait d’user de la faculté de dénonciation unilatérale prévue par le contrat en le contraignant à rester durablement dans la franchise, ce qui porte atteinte tant à la liberté du travail qu’à la liberté du commerce et de l’industrie. Il en va ainsi d’autant plus que l’utilité pour l’entreprise du franchiseur, qui n’a pas de véritable savoir-faire spécifique et dont la marque est peu notoire, est sujette à caution.

Cass. com., 22 février 2000, n° 97-18728

Toute personne qui sciemment emploie un salarié en violation d’une clause de non-concurrence, dont la licéité n’est pas contestée, commet une faute délictuelle à l’égard de la victime de l’infraction sans qu’il soit besoin d’établir à son encontre l’existence de manœuvres dolosives et la similitude des clientèles.

CA Toulouse, Chambre 2 section 1, 1er mars 1999, n° Jurisdata : 1999-040352

La clause de non-concurrence incluse dans un contrat de franchise faisant interdiction au franchisé de collaborer directement ou indirectement à un commerce de même nature sur le territoire de la communauté européenne durant deux ans, bien que remplissant les conditions de limitation dans le temps et dans l’espace, n’est pas proportionnée à l’objet du contrat et ne satisfait pas l’équilibre à maintenir entre la protection de la clientèle du franchiseur et la liberté d’entreprendre du franchisé. En effet, l’activité protégée, le dépôt-vente par des particuliers d’objets de toutes catégories, revêtant un caractère banal et n’impliquant pas l’acquisition d’un savoir-faire particulier, elle n’impose pas l’exclusion de tout l’espace de la communauté européenne. Il s’en déduit que la clause est nulle.

CA Aix en Provence, Chambre 2, 24 septembre 1998, n° jurisdata : 1998-046926

Malgré l’exécution défectueuse de ses obligations par le franchiseur, doit recevoir application la clause de non-concurrence stipulant qu’à la rupture du contrat, quelle qu’en soit la cause, le franchisé s’interdit, pour un temps et dans un périmètre limités, de s’intéresser directement ou indirectement, par personne ou société interposée, à tout commerce susceptible de faire concurrence au réseau auquel il a été affilié. Le franchisé ayant, sans avoir changé de local, poursuivi l’exploitation de l’activité antérieurement exercée dans le cadre du franchisage, se bornant à changer l’enseigne de son établissement, la contravention à son obligation de non concurrence est patente.

Pour autant, la clause pénale prévoyant le versement d’une indemnité égale à trois années de redevances doit être modérée à une somme très faible, seule à même de rendre compte du préjudice subi par le franchiseur, d’autant que le franchisé s’est tôt trouvé abandonné à son sort, assurant par ses seuls efforts l’exécution partielle du franchisage, de sorte que le franchiseur en a bénéficié sans contrepartie sérieuse. La peine, manifestement excessive, doit être réduite à 1000.

CA Paris, chambre 5, section B, 26 juin 1997, n° Jurisdata : 1997.021609

Ici une clause de non concurrence est déclarée valable mais la CA mais sa durée de deux ans est réduite à un an compte tenu du règlement communautaire de 1988.

CA Paris, chambre 5, section B, 26 juin 1997, n° Jurisdata : 1997-024363 ; 1997-022608

Est valable la clause de non concurrence insérée dans un contrat de franchise, dès lors qu’elle est destinée à protéger les intérêts légitimes du franchiseur. En revanche, le règlement CE du 30 novembre 1988 limite à une année la durée maximale d’une telle clause et il convient de réduire la portée de celle-ci à un an, alors quele contrat de franchise prévoyait un minimum de deux ans.

CA Paris, 29 février 1996, n° Jurisdata : 1996-020858

La clause de non-concurrence figurant dans un contrat de franchise de marque de lentilles de contact, n’a pas à être annulée sur le fondement de l’article 3C du règlement CEE du 30 novembre 1988, inapplicable dès lors que le réseau du franchiseur comme le franchisé se limitent au territoire français.

Tribunal de commerce de Paris, 9 août 1995, n° jurisdata : 1995-047408

La rupture du contrat étant imputable au franchiseur, la clause de non-concurrence, imposée au franchisé est de nul effet.

CA Paris, Chambre 4 Section A, 28 novembre 1994, n° Jurisdata : 1994-024885

En poursuivant les relations après la rupture amiable du contrat, constituant le point de départ de la clause de non-concurrence, le franchiseur a implicitement renoncé à celle-ci et ne peut reprocher sa violation, d’autant qu’à défaut de rachat du stock, le franchisé a dû écouler celui-ci sous sa marque.

Cass. com., 10 mai 1994, n° 92-15834

 A partir du moment où le contrat de franchise est nul, la clause de non-concurrence est inapplicable.

CA Caen, Chambre 1, section civile et commerciale, 28 octobre 1993, n° Jurisdata : 1993-049023

Lorsqu’une marque a été concédée par un premier franchisé à une seconde personne, afin d’assurer une complémentarité géographique entre eux, l’article 1134 du code civil exige que la seconde personne exécute la convention la liant au premier franchisé de bonne foi. Manque à cette obligation la seconde personne qui, après avoir abandonné l’exploitation de la marque en question, continue la même activité sous une marque voisine, en intervenant sur le secteur géographique réservé à son cocontractant, cela même en l’absence de clause de non concurrence dans le contrat les unissant.

CA Rennes, chambre 2, 31 mars 1993, n° jurisdata : 1993-048481

Lorsque le franchiseur n’est pas fournisseur, il n’est pas spécialement affecté par la concurrence du fonds de commerce qui exploite après résiliation une enseigne distincte et n’attire ainsi aucunement la clientèle attachée à sa propre enseigne. En conséquence, une clause de non-concurrence, même limitée dans le temps et dans l’espace, procure au franchiseur un avantage anormal.

CA Toulouse, Chambre 2, 9 janvier 1992, n° jurisdata : 1992-041493

Constitue une rupture abusive le fait pour le franchisé de rompre prématurément le contrat de franchise au motif du non respect par le franchiseur de ses obligations contractuelles dès lors qu’il n’en rapporte pas la preuve. Le franchisé ne peut dès lors être libéré de son engagement de non-concurrence.

CA Paris, 13 novembre 1984, Jurisdata : 1984-600561

La clause de non-concurrence insérée dans un contrat de franchise est nulle dès lors qu’elle ne laisse plus de possibilité de travail au débiteur. Tel est le cas du souscripteur propriétaire de son fonds de commerce qui serait dépossédé de toute sa clientèle et ne pourrait exercer son activité.

Professionnels du mobile, situation fragile !

Le sort des distributeurs d’abonnements téléphoniques évincés de leur réseau

Les distributeurs d’abonnements téléphoniques subissent le tassement du marché ; cela se constate même au plus haut niveau des juridictions françaises. A quelques mois d’intervalle, la Cour de cassation a en effet rendu deux importantes décisions à propos à ce sujet . A chaque fois, la situation est à peu près la même : un distributeur lié à un opérateur de téléphonie mobile par un contrat de distribution exclusif se retrouve sans réseau, son contrat n’étant pas renouvelé ou faisant l’objet d’une résiliation anticipée. Dans les deux cas, le distributeur demande une sorte d’indemnité d’éviction.

Le problème est cependant bien connu : à défaut de prouver un abus de la part du maître du réseau, le distributeur évincé se trouve apparemment dépourvu de toute protection. Privé de ressources économiques, il serait également dénué de ressources juridiques.

Les juristes ont toutefois de l’imagination. Afin de soutenir la cause de ces distributeurs, certains ont ainsi eu l’idée de solliciter l’application du statut d’agent commercial. Il est vrai que celui-ci a ceci d’attractif qu’il prévoit expressément une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat . Simple coup d’épée dans l’eau néanmoins… Dans un arrêt du 15 janvier 2008, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette la thèse en rappelant que « l’agent commercial est un mandataire indépendant chargé de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats au nom et pour le compte de son mandant ». Or, relève la Cour, le distributeur chargé d’assurer la diffusion de services de radiotéléphonie et d’assumer les tâches liées à l’enregistrement des demandes d’abonnement, ne pouvait apporter aucune modification aux tarifs et conditions des abonnements, ce qui excluait tout pouvoir de négociation au sens de la définition rappelée ci-dessus. En clair, c’est parce qu’il ne pouvait rien changer aux contrats d’abonnements qu’il diffusait que le distributeur ne pouvait se prévaloir du statut d’agent.

Ce faisant, la Cour de cassation adopte une conception extrêmement restrictive de l’agence commerciale. De fait, n’est-il pas réducteur de lier le pouvoir de négociation d’un contrat à la faculté d’en modifier les clauses ? Une personne dont la tâche consiste à convaincre une autre de conclure un contrat ne « négocie »-t-elle pas elle aussi ? Rappelons d’ailleurs qu’un agent commercial chargé de conclure des contrats au nom et pour le compte de son donneur d’ordres peut fort bien être tenu de respecter les instructions impératives de ce dernier. Privé du pouvoir de modifier le contrat qu’il conclut pour son donneur d’ordres, l’agent n’en perd pas pour autant le bénéfice de son statut. De ce point de vue, l’arrêt du 15 janvier s’avère critiquable.

Reste qu’il exclut la qualification d’agent de manière particulièrement ferme. Le distributeur d’abonnements téléphoniques dispose-t-il d’autres moyens de protection ? Telle est donc la question qui reste en suspens.

Deux pistes de réflexion viennent alors à l’esprit. Du côté du droit du travail, tout d’abord. Et pour cause : si les distributeurs d’abonnements n’ont bel et bien aucune marge de manœuvre sur les tarifs et les conditions de vente, l’application du droit du travail est envisageable. Elle l’est d’autant plus que ces distributeurs exploitent le plus souvent leur boutique de manière exclusive pour le compte de tel ou tel opérateur dans un local agréé par ce dernier, ce qui permet de brandir l’article L 7321-2 2° b du Code du travail. Du côté du droit des obligations, ensuite. Dans un arrêt du 9 octobre 2007, la Cour de cassation a reconnu à un franchisé SFR le droit à une indemnité de fin de contrat aux motifs que la cessation de son contrat avait eu lieu du fait du franchiseur d’une part, qu’en raison de la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat, cette cessation aboutissait à  déposséder le franchisé de sa clientèle d’autre part.

Certes, l’arrêt du 15 janvier précité n’évoque à aucun moment la solution posée en 2007. Cela étant, le distributeur n’invoquait pas ici l’effet préjudiciable d’une clause de non-concurrence. Il est donc encore un peu tôt pour enterrer les espoirs suscités par la jurisprudence du 9 octobre 2007. Espérons toutefois qu’un prochain arrêt fixe le sort de ces distributeurs dont la situation demeure, en attendant, beaucoup trop fragile.

Contrat de franchise et indemnité de clientèle : Justice est faite ! (à propos d’un arrêt rendu le 9 octobre 2007 par la chambre commerciale de la Cour de cassation)

Le contrat de franchise et l’indemnité de clientèle

Tout franchisé est naturellement frappé d’une espèce de schizophrénie : commerçant indépendant, il est affilié à un réseau dont l’image et la discipline établissent pour lui une véritable dépendance. Et son statut de balancer ainsi constamment entre indépendance juridique et dépendance économique.

Le droit s’est avisé de ce tiraillement par un certain nombre de mesures protectrices du franchisé. Ainsi la célèbre loi « Doubin » de 1989 a-t-elle imposé aux franchiseurs de délivrer aux candidats à la franchise un document d’information précontractuelle censé permettre à ces derniers de s’affilier en pleine connaissance de cause . Pour lors, le législateur est toutefois resté extrêmement timide. Contrairement à d’autres acteurs du droit de la distribution (agents commerciaux, VRP etc…), le franchisé n’a pas fait l’objet d’un dispositif législatif d’ensemble. Qu’à cela ne tienne : la jurisprudence a pris le relais, manifestant au besoin son pouvoir créateur. L’arrêt rendu le 9 octobre 2007 par la chambre commerciale de la Cour de cassation participe ainsi clairement de l’élaboration d’un statut protecteur du franchisé.

En l’espèce, six contrats de franchise avaient été conclus pour une durée de deux ans. Après plusieurs renouvellements, le franchiseur avait refusé de reconduire cinq des contrats arrivés à leur échéance et résilie le sixième sans préavis. Le franchisé l’assigne alors en lui demandant le paiement d’une indemnité de clientèle liée à la cessation des contrats. Débouté par la Cour d’appel de Paris, le franchisé forme un pourvoi qui, sur ce point, est accueilli par la Cour de cassation aux motifs suivants : « alors qu’elle constatait, tout à la fois, que le franchisé pouvait se prévaloir d’une clientèle propre, et que la rupture du contrat stipulant une clause de non-concurrence était le fait du franchiseur, ce dont il se déduisait que l’ancien franchisé se voyait dépossédé de cette clientèle, et qu’il subissait en conséquence un préjudice, dont le principe était ainsi reconnu et qu’il convenait d’évaluer, au besoin après une mesure d’instruction, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». C’est dire qu’un franchisé a droit à une indemnité de clientèle lorsque la cessation du contrat n’est pas de son fait d’une part, conduit à le déposséder de sa clientèle d’autre part.

A l’évidence, cette décision est une petite révolution. Et pour cause : cela faisait plusieurs décennies que les franchisés réclamaient le bénéfice d’une indemnité qui fût indépendante des dommages et intérêts accordés lorsqu’un franchiseur rompt abusivement le contrat. Or jusqu’à présent, la Cour de cassation l’avait refusé. Ce rejet sentait néanmoins par trop son juridisme : un franchisé a beau être juridiquement indépendant, la cessation de son contrat ne s’en traduit pas moins souvent pour lui par une perte de clientèle attachée à la marque du réseau dont il faisait partie. Dans ce cas, il subit donc bien un préjudice qu’aucune raison (aucune cause, d’après l’arrêt du 9 octobre) ne justifie.

En ce sens, l’arrêt du 9 octobre 2007 prend opportunément en compte la dépendance économique dans laquelle se trouve la plupart des franchisés. Il s’agit d’éviter cette injustice qui consiste à priver le franchisé du fruit de ses efforts. De la même manière qu’un bailleur ne saurait évincer son locataire commercial sans payer une indemnité d’éviction correspondant à la valeur de son fonds de commerce, un franchiseur ne saurait faire main basse sur le fonds de son ancien partenaire sans lui payer une indemnité compensatrice du préjudice subi. Nul besoin de prouver un abus du franchiseur : l’indemnité de clientèle ne sanctionne pas une faute mais un état de fait, à savoir la dépossession du franchisé. Tel est le cas, comme dans l’arrêt commenté, lorsque la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de franchise n’est compensée par aucune contrepartie financière.

Quoiqu’il en soit, la règle posée dans l’arrêt du 9 octobre 2007 est d’autant plus importante que sa formulation extrêmement large permet d’en envisager l’extension à d’autres types de distributeurs que les franchisés. Ainsi des concessionnaires exclusifs par exemple. Les tribunaux auront sûrement l’occasion de le confirmer. Comme l’enseigne le vieux dicton, tout vient à point à qui sait attendre…