Liberté et propriété, droits fondamentaux du franchisé

La jurisprudence reconnait la propriété du franchisé sur son fonds de commerce.

Voici deux arrêts particulièrement bienvenus qui, rendus par la Cour d’appel de Versailles le 27 juin 2014 et le 1er janvier 2015, mettent en exergue deux droits fondamentaux du franchisé trop souvent malmenés : liberté, et propriété.

Liberté d’abord

Assiste-t-on à la fin des clauses de non-concurrence ? La question agite la controverse depuis des années. Elle ne s’en pose pas moins avec une acuité particulière depuis l’adoption, le 28 janvier dernier, d’un amendement n° 1681 lors de la discussion de la d’ores et déjà célèbre loi « Macron » pour la croissance et l’économie. Celui-ci prévoit en effet de réputer non-écrite « toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation » d’un contrat de distribution conclu dans le domaine du commerce de détail, « de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat ». La mesure est révolutionnaire. Elle pourrait toutefois achopper sur le lobbying qu’exerce actuellement la grande distribution et certaines instances professionnelles.

En attendant, l’arrêt du 27 juin 2014 manifeste une sévérité dont la justice mérite d’être soulignée. Particulièrement soignée, sa motivation doit être saluée. Nous étions ici dans le secteur de la location de véhicules. Un contrat de franchise avait été rompu et le franchiseur exigeait l’application d’une clause interdisant à son ancien partenaire d’exercer la même activité pendant une durée d’un an à compter de la cessation du contrat. Cette clause est annulée par les magistrats versaillais à un double titre.

Première raison d’annulation : son étendue était manifestement excessive. Non seulement le franchisé ne pouvait exploiter d’activité concurrente dans son local, mais l’interdiction s’étendait à tout le département et aux départements limitrophes. Condamné à l’exil donc ! Cela n’était pas raisonnable.

Seconde raison : la disproportion de la clause. La cour d’appel relève fort opportunément que cette clause n’était nullement nécessaire à la protection du savoir-faire du franchiseur. Celui-ci tenait en effet, comme très souvent, dans les conditions préférentielles que l’affiliation au réseau de franchise ménageait au profit du franchisé : centrale d’achat, accès facilité à des solutions de financement, à des programmes d’assurance adaptés à l’activité, soit « autant d’avantages et de facilités dont le franchisé est privé lorsqu’il quitte le réseau ». De sorte que la clause de non-concurrence ne protégeait rien du tout ; tous les avantages liés au savoir-faire s’éteignaient avec la fin du contrat. En réalité, cette clause avait simplement pour objet de verrouiller un territoire au profit du franchiseur, s’apparentant ainsi à une véritable rente de situation peu compatible avec le droit de la concurrence.

La liberté contractuelle dont se gargarisent les franchiseurs afin de justifier la stipulation de tout et n’importe quoi ne saurait porter une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre dont le franchisé bénéficie comme tout autre commerçant. Cet arrêt le rappelle à bon escient.

Propriété ensuite.

Le franchiseur sollicitait des juges qu’ils enjoignent au franchisé de cesser l’utilisation de sa ligne téléphonique. A cette fin, il brandissait à nouveau une clause du contrat par laquelle le franchisé s’engageait à ce que ses lignes fussent réservées à l’exploitation de l’activité sous franchise. La validité d’une telle clause était éminemment contestable.

Il est en effet constant que la ligne téléphonique fait partie du fonds de commerce du franchisé. Or il ne l’est pas moins, depuis un célèbre arrêt « Trévisan » de 2012, que le franchisé est propriétaire de son fonds. Aussi la clause était-elle contraire au droit de propriété dont la valeur éminente est garantie non seulement par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, mais encore par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Au reste, cette clause instaurait également un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Sans doute la Cour d’appel de Versailles a-t-elle refusé d’examiner ces arguments dans son arrêt du 27 juin 2014. Les motifs de son refus sont toutefois purement procéduraux : seule la cour d’appel de Paris était ici compétente afin de connaître du contentieux lié au déséquilibre significatif du contrat.

N’empêche : dans un arrêt du 1er janvier 2015, elle a bel et bien écarté la clause. Selon elle, le franchiseur l’invoquait de pure mauvaise foi. Il n’avait aucun intérêt à empêcher ainsi son ancien partenaire d’utiliser sa ligne téléphonique ! En réalité, il souhaitait juste gêner son activité, en le contraignant à demander un nouveau numéro de téléphone, un nouveau référencement et des frais de publicité non justifiés. Indirectement, c’est donc bien reconnaître la propriété du franchisé sur sa ligne téléphonique.

Deux arrêts pour deux droits fondamentaux : justice est faite !

 

Réforme du droit des contrats : quels enjeux pour le commerce associé ?

Comment réformer le droit des contrats, inchangé, au moins dans sa lettre, depuis le Code civil de 1804?

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 La loi du 16 février 2015, dite de « modernisation et de simplification du droit et des procèdes dans les domaines de la justice et des affaires intérieures », donne enfin le feu vert au gouvernement afin de réformer le droit des contrats, inchangé, au moins dans sa lettre, depuis le Code civil de 1804.

Dix ans qu’on l’attendait ! Au moins deux lustres ! Et voilà qu’elle est désormais dans les tuyaux, cette fameuse réforme du droit des contrats. Et le gouvernement a un an pour la consacrer (Loi n° 2015-177, art. 7, I, 3°). Avant un an, la France vivra sous l’empire d’un nouveau droit des contrats. Les acteurs du monde de la franchise ont tout intérêt à en suivre la gestation. De nombreuses dispositions sont en effet susceptibles de changer la donne. La plupart se bornent certes à consolider l’état du droit existant. Certaines s’avèrent néanmoins beaucoup plus novatrices. En l’état, le projet d’ordonnance ne  prévoit donc pas seulement d’utiles renforcements (I) ; il véhicule également de grands bouleversements (II).

I – Les renforcements d’abord.

Bien sûr, pas question de reprendre ici l’intégralité du texte. Qu’il suffise d’envisager les règles qui, quoique encore parfois contestées, participent d’une saine protection des franchisés.

Les nouvelles dispositions préliminaires

Et peut-être le mieux consiste à suivre un ordre chronologique. Avec, en premier lieu, les dispositions préliminaires de ce nouveau droit des contrats, figurant aux articles 1101 et suivants du Code civil. Parmi ces dispositions, l’article 1102 mérite une attention particulière. Ce texte rappelle en effet que « la liberté contractuelle ne permet pas de porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux reconnus dans un texte applicable aux relations entre personnes privées ». La disposition est opportune. Elle permet ainsi de lutter efficacement contre les clauses de non-concurrence, attentatoires au droit à l’emploi d’un ancien franchisé.

Une lutte d’autant plus légitime que le projet de loi Macron, actuellement en discussion, propose tout bonnement d’interdire les clauses restrictives de concurrence dans la plupart des réseaux de distribution commerciale.  Mais l’on pourrait aussi songer à mobiliser cet article 1102 afin de combattre les clauses réservant au franchiseur, à la fin du contrat, l’utilisation du fichier clients constitué par son ancien partenaire. A l’évidence, ces clauses consacrent en effet une atteinte intolérable au droit de propriété du franchisé sur son fonds de commerce.

Les conditions de validité des contrats

Les règles prévues au sujet des conditions de validité du contrat ne sont pas moins intéressantes.

Il convient de relever ici ce bel article 1129, aux termes duquel « celui des contractants qui connaît ou devrait connaître une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, ce dernier ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». Là encore, rien de neuf, dira-t-on. De fait, ce n’est rien d’autre que la consolidation d’une jurisprudence constante.

Ce rappel n’est toutefois pas dénué d’intérêt. Trop de juges continuent à penser que la fameuse loi « Doubin », codifiée à l’article L. 330-3 du Code de commerce, tient lieu d’alpha et d’oméga de l’information du candidat à la franchise. Et de rappeler que ce texte n’impose pas au franchiseur la remise de chiffres prévisionnels. Le raisonnement est obtus. Un texte spécial, censé protéger le candidat à l’intégration d’un réseau, peut-il décemment s’avérer plus strict que le droit commun ? Poser la question, c’est y répondre. Peut-être l’article 1129 précité relancera-t-il ainsi le débat.

Pour le reste, le commentateur relèvera encore l’article 1142, prévoyant qu’il y a violence « lorsqu’une partie abuse de l’état de nécessité ou de dépendance dans lequel se trouve l’autre partie pour obtenir un engagement que celle-ci n’aurait pas souscrit si elle ne s’était pas trouvée dans cette situation de faiblesse ». A l’heure actuelle, la jurisprudence est beaucoup trop stricte. Certes, elle admet depuis 2000 la violence économique. Mais de manière purement abstraite et théorique. Irréaliste, elle ne tient pas compte de la dépendance que subissent trop de franchisés, souvent poussés à transiger pour sauver le peu qu’il reste. Ce nouvel article pourrait inciter les tribunaux à davantage de souplesse. Ce serait un premier bouleversement…

II – Les bouleversements ensuite.

Ils ne sont pas nombreux. Mais ils ne sont pas négligeables, concernant surtout l’équilibre et les sanctions en droit des contrats.

La recherche d’un équilibre contractuel

Sur l’équilibre, l’article 1169 mérite évidemment la première place. Il érige en principe général qu’une clause créant « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peut être supprimée par le juge à la demande du contractant au détriment duquel elle est stipulée ». On dira que le bouleversement concerne peu les franchisés, dans la mesure où ceux-ci bénéficient déjà d’une règle identique à l’article L. 442-6, 5°, I, 2° du Code de commerce.

N’empêche : que le législateur en fasse un principe général, applicable à tous rapports entre particuliers, cela démontre un souci d’équilibre auquel les juges doivent se montrer eux-aussi sensibles. La Cour de cassation elle-même abonde en ce sens, ayant tout récemment condamné la centrale de référencement d’Auchan pour les déséquilibres qu’elle imposait à ses fournisseurs (Cass. Com., 3 mars 2015 : n° 13-27.525).

Au demeurant, d’autres articles témoignent de ce même souci (V. par ex., même s’il ne s’agit pas là d’un bouleversement, l’article 1193 : « en cas d’ambiguïté, les clauses d’un contrat d’adhésion s’interprètent à l’encontre de la partie qui les a proposées ». L’article 1196 consacre l’introduction de la théorie de l’imprévision : « Si un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent demander d’un commun accord au juge de procéder à l’adaptation du contrat. A défaut, une partie peut demander au juge d’y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ». A nouveau, le souci d’équilibre est manifeste.

Sur les sanctions

Sur les sanctions, enfin, le projet comporte également de sensibles modifications du droit actuel. Outre l’admission généralisée de la caducité (art. 1186), lorsque l’un des éléments constitutifs du contrat disparaît (le savoir-faire par exemple), outre la consécration de la résiliation unilatérale (art. 1226), il introduit une faculté que l’on pourrait appeler « de provocation ».

L’idée est simple :

« une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat, soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. Elle peut aussi proposer à la victime de l’erreur d’opter pour l’exécution du contrat dans les termes qu’elle avait compris lors de sa conclusion » (art. 1183).

Cela étant, cette faculté est encadrée : « La demande n’a d’effet que si la cause de la nullité a cessé et si elle mentionne en termes apparents qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé.»

Par ailleurs, le législateur étend la palette des sanctions contractuelles. L’article 1217 dispose ainsi que :

« la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut : – suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
 – poursuivre l’exécution forcée en nature de l’engagement ;  – solliciter une réduction du prix ;
 – provoquer la résolution du contrat ;
«– demander réparation des conséquences de l’inexécution ».

Etant précisé que les remèdes qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulés. Un franchisé pourra donc solliciter une baisse de redevances lorsque le montant de celles-ci ne se justifie pas au regard des services fournis, ou prétendument fournis par le franchiseur. Cela est heureux.

Renforcement des dispositions protectrices existantes, ajouts de nouveaux moyens : décidément, le projet de réforme du droit des contrats tant attendu vaut que l’on s’y intéresse. Il présente des apports novateurs et heureux pour les commerçants liés par des contrats d’intégration.

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La validité de la clause de préemption à l’épreuve du droit de la concurrence

La clause de préemption sous l’aspect droit de la concurrence : à propos de Cass. com., 4 novembre 2014, n° 12-25419

La décision n’est pas publiée au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation. Elle n’en présente pas moins une très grande importance théorique et pratique. Qu’on en juge :

Rappel des faits

Nous sommes dans le secteur de la distribution alimentaire.

Comme souvent, le contrat de franchise stipulait un droit de préemption au profit du franchiseur. A égalité de prix et de conditions, en cas, notamment, de cession ou transfert des droits de propriété ou de jouissance sur le local d’exploitation. De même en cas de cession ou transfert des droits de propriété ou de jouissance ou de mise en location-gérance sur le fonds de commerce. La clause est quasiment de style. Elle permet au franchiseur de préserver son parc de magasins ; de contrôler le maillage territorial de son réseau.

L’arrêt rendu le 4 novembre dernier par la chambre commerciale de la Cour de cassation le rappelle pourtant très nettement que le contrat peut avoir des effets au delà des parties. La validité d’un droit de préférence contractuel ne peut pas s’apprécier qu’à l’aune de l’intérêt des contractants. L’intérêt du marché et celui des concurrents doivent également peser dans la balance…

En l’espèce, la clause de préemption était stipulée au profit de Carrefour. Après avoir résilié son contrat, le franchisé s’était rapproché d’une enseigne concurrente, Casino, concluant avec cette dernière un contrat de cession de son fonds sous la condition suspensive de la conclusion d’un contrat de gérance-mandat au profit de son gérant. Carrefour, évidemment, avait vu rouge. Craignant de perdre un emplacement, elle avait assigné son ancien partenaire afin qu’il lui soit interdit de céder son fonds à la société Casino et que la cession soit ordonnée à son profit. Et dans l’hypothèse où la cession litigieuse serait cependant intervenue au profit de la société Casino, elle sollicitait du juge une substitution de plein droit à cette société.

Le raisonnement de la Cour de cassation

La cour d’appel avait suivi Carrefour et prononcé la substitution. Elle donnait ainsi plein effet à la clause de préemption. Son arrêt est néanmoins sèchement cassé.

Visant les articles L.420-1 et L.420-3 du Code de commerce, la Cour de cassation commence par poser de manière extrêmement générale et abstraite que :

« est prohibée, et partant nulle, toute clause contractuelle ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment lorsqu’elle tend à limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ».

Elle reproche ensuite à la cour d’appel de ne pas avoir vérifié les effets anticoncurrentiels de la clause de préemption litigieuse. Les magistrats du second degré s’étaient en effet bornés à relever qu’une clause de préemption ne peut être considérée comme une pratique anticoncurrentielle. En effet, seule la liberté de choisir son cocontractant est affectée par le pacte. Il n’oblige pas les parties à conclure le contrat pour lequel la préférence est donnée, le cédant n’étant pas obligé de céder son bien et le bénéficiaire n’étant pas obligé de l’acquérir. Ce faisant, ils n’avaient toutefois pas recherché :

« si la stipulation, dans les contrats de franchise consentis par la société Carrefour, d’un droit de préférence à son profit, valable pendant toute la durée du contrat et un an après son échéance, n’avait pas pour effet, en limitant la possibilité de rachat de magasins indépendants par des groupes de distribution concurrents, de restreindre artificiellement le jeu de la concurrence sur le marché du détail de la distribution à dominante alimentaire ».

Cassation donc. Pour manque de base légale.

La portée de l’arrêt

La portée de cet arrêt est sans doute circonscrite au domaine de la distribution alimentaire. De fait, la structure de ce secteur économique présente de grandes spécificités. Ces dernières sont bien mises en lumière par l’Autorité de la concurrence dans son célèbre avis n° 10-A-26 du 7 décembre 2010. Au demeurant, la formulation qu’adoptent ici les magistrats du Quai de l’horloge est très circonstanciée. La solution ne vaut manifestement que pour les clauses stipulées dans les contrats consentis par la société Carrefour. La Cour de cassation prend soin de relever que le droit de préférence valait non seulement pendant toute la durée du contrat, mais aussi un an après son échéance. Or il est effectivement très contestable qu’un franchiseur se réserve ainsi un droit de regard sur l’exploitation d’un ancien partenaire.

Il n’en demeure pas moins que l’arrêt du 4 novembre illustre fort bien l’influence que le droit de la concurrence exerce sur le droit commun des contrats. La célèbre affaire des cuves l’avait déjà illustré.  Une clause obligeant un pompiste de marque à restituer les cuves prêtées par une compagnie pétrolière n’encourt peut-être aucun grief au regard du droit des contrats. Elle n’en est pas moins nulle au regard du droit de la concurrence. Dans la mesure où la restitution en nature est particulièrement coûteuse, elle empêche le distributeur de s’affilier à un réseau concurrent à la fin de son contrat. Elle verrouille le marché en somme (Cass. com., 18 fév. 1992). C’est exactement la même logique que suit ici la Cour de cassation.

 

Le boulanger Paul sanctionné pour mauvaise foi dans la mise en œuvre de la résiliation d’un contrat avec un partenaire

Le boulanger Paul sanctionné pour mauvaise suite à la résiliation d’un contrat avec un partenaire.

La bonne foi doit présider aux relations entre franchiseur et franchisé. Par ailleurs, cette obligation s’impose à tous les stades de la relation.

Dans un arrêt du 7 janvier 2015 concernant le réseau Paul, la Cour d’Appel de Paris rappelle certaines règles élémentaires du droit des contrats. La cour insiste notamment sur le devoir de bonne foi du franchiseur. Ainsi elle souligne que le contrat de franchise repose par essence sur l’assistance et le conseil du franchiseur. Or, en s’abstenant de fournir la moindre assistance alors qu’il avait connaissance des difficultés de son franchisé, le franchiseur a agi de mauvaise foi.

 

« Considérant enfin que le contrat de franchise a pour objet la réitération de la réussite commerciale du franchiseur par le franchisé. Qu’il appartenait à la société Holder d’assister son cocontractant pour lui permettre de se sortir des difficultés qu’il a lui-même provoquées, en obtenant la réduction de ses multiples charges comme le montant excessif de son loyer commercial (18 % des charges), en obtenant la révision du contrat d’approvisionnement en produits ‘spécifiques’ qui n’en avaient pas les caractéristiques. Que la société Holder n’a rien fait et a démontré sa mauvaise foi dans l’exécution de son obligation d’assistance imposée par le contrat de franchise« 

En savoir plus …

Rupture brutale et modification des modalités de livraison

DIA condamnée à livrer l’un de ses affiliés dans le respect des termes du contrat d’approvisionnement.

Un exemple de rupture brutale : Cour d’Appel de Paris, 19 septembre 2013

Le tribunal de commerce de Paris sanctionne la modification des modalités de livraison et l’assimile à une rupture brutale.

Dans un jugement rendu à propos du réseau DIA, le tribunal de commerce de Paris estime que la modification unilatérale des modalités de livraison peut constituer une rupture brutale et  unilatérale du contrat. Le Tribunal de commerce va d’ailleurs jusqu’à qualifier cette modification de  trouble manifestement illicite.

Il ressort donc de ce jugement que les modalités de livraison peuvent constituer un élément essentiel du contrat. Ainsi leur modification ne peut résulter que d’un accord des parties. Il s’agit là d’une simple application du principe essentiel de la force obligatoire des contrats, selon lequel « les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »

 

Propriété de la clientèle du franchisé.

Clientèle du franchisé: mythe ou réalité ?

Cour d’Appel de Paris, 29 avril 1

A qui appartient la clientèle du fonds exploité par le franchisé ?

Depuis le fameux arrêt Trévisan rendu par la Cour de cassation le 27 mars 2002, il est admis que la clientèle locale appartient au franchisé tandis que la clientèle nationale serait la propriété du franchiseur.

« Si une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n’existe que par le fait des moyens mis en oeuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l’élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n’est pas le propriétaire de la marque et de l’enseigne mises à sa disposition pendant l’exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en oeuvre à ses risques et périls »

Si cette distinction est théoriquement séduisante elle en pratique délicate à mettre en oeuvre. L’arrêt rendu par le 29 avril 2014 par la Cour de cassation en est une excellente illustration. Certes, il s’agit d’un arrêt rendu suite à une ordonnance de référé. Néanmoins, il s’agit là d’une décision intéressante pour les franchisés.

Les faits soumis à la Cour le 24 avril 2014

Dans les faits soumis à la Cour, le franchiseur tentait d’imposer à son franchisé un nouveau logiciel de gestion de la clientèle. Ce logiciel lui aurait donné au franchiseur (la société GROUPE PLANET SUSHI) accès à l’ensemble du fichier client. La demande du franchiseur revenait à nier purement et simplement l’existence d’une clientèle appartenant au franchisé. En déboutant la société GPS, la Cour d’Appel réaffirme que le franchisé est propriétaire de sa clientèle.

« Considérant que ce changement de logiciel, au regard des dispositions susvisées du contrat qui autorisent la société GPS à faire des campagnes de promotion de son concept et de ses produits en direction des clients de ses franchisés et ce y compris après la résiliation du contrat et à conserver la copie du fichier clients après la cessation des relations contractuelles avec le franchisé, conduit à mettre à la disposition du franchiseur un élément essentiel du fonds de commerce du franchisé, avec le risque d’un détournement de sa clientèle au terme du contrat.
Qu’il en résulte, avec l’évidence requise en référé, une modification de l’économie du contrat caractérisant un trouble manifestement illicite et un dommage imminent, celui de la perte de la propriété de données (…).

 
Considérant qu’il convient en conséquence de rejeter les demandes incidentes formées par l’appelante. »

 En conclusion, la franchiseur ne saurait, même par des moyens détournés, s’approprier la clientèle du franchisé.