Franchise aux USA : libéralisme, dites-vous ?
Contre toute attente, le droit américain encadre strictement la conclusion du contrat de franchise par une loi nationale et sa rupture bar des réglementations fédérales
Le droit national et l’encadrement de la conclusion du contrat de franchise
En droit français, la loi Doubin de décembre 1989, codifiée à l’article L 330-3 du Code de commerce, impose au franchiseur de fournir au candidat franchisé un document d’information précontractuel, dont le contenu est détaillé à l’article R330-1 du Code de commerce. L’influence du droit américain en la matière ne fait aucun doute.
Une dizaine d’années avant l’entrée en vigueur de notre loi Doubin, le Federal Trade Commission adoptait aux Etats-Unis un texte connu sous le nom de « Franchise Rule« . Ce texte met à la charge du franchiseur une obligation d’information précontractuelle. Malgré de nombreux points de convergence, la loi américaine est en réalité plus exigeante que son homologue française.
Les clauses d’approvisionnement exclusif
« La Full Disclosure Law » impose tout d’abord au franchiseur de mentionner explicitement toutes les restrictions relatives à l’approvisionnement du franchisé. Cette obligation ne porte pas uniquement sur les biens qui sont l’objet du contrat, mais aussi sur tout le matériel utile pour l’exploitation du point de vente (par exemple les logiciels informatiques ou le mobilier). La loi exige en outre que soient précisés les liens entre le franchiseur et le fournisseur, ainsi que les sommes éventuellement perçues par le franchiseur au title de ces achats. Cette disposition permet
notamment de se prémunir contre les litiges ayant trait à l’obligation d’utiliser certains logiciels ou programmes au nom de l’homogénéité du réseau.
Le franchiseur américain doit par ailleurs mentionner explicitement dans le document d’information précontractuelle la zone d’exclusivité concédée au franchisé. Mais l’originalité de la loi américaine réside ailleurs : en l’absence de clause d’exclusivité, le document précontractuel doit mentionner explicitement les conséquences potentiellement dangereuses pour le franchisé en ces termes:
« Le franchisé devra faire face à la concurrence d’autres franchisés, de succursales que nous possédons, ou d’autres nioyens de distribution« .
Certes, la grande majorité des contrats de franchise contient, en France, une clause d’exclusivité, si bien qu’une telle mention dans le DIP pourrait sembler inutile. C’est oublier que dans certains cas la clause d’exclusivité peut être remise en cause en cours de contrat, par exemple en étant subordonnée au respect d’une clause d’objectif.
Dans une telle hypothèse, l’avertissement du franchisé sur les conséquences d’une perte de l”exclusivité serait utile. Mais c’est surtout le procédé qui est ici intéressant : le franchiseur est tenu d’attirer l’attention du franchisé sur certaines clauses dont il ne peut pas mesurer la portée.
Les conditions de renouvellement du contrat
Signalons enfin que le document d’information précontractuelle doit mentionner les conditions de renouvellement du contrat. Plus précisément, le franchisé est informé qu’à l’arrivée du terme, un nouveau contrat de franchise pourra être conclu, mais que le contrat précédant ne sera en aucun cas prolongé. Concrètement, certaines clauses du contrat pourront être modifiées et l’économie générale du contrat risque d’en être profondément bouleversée. La mise en garde précoce du franchisé est pour le moins la bienvenue.
Ainsi la « Full Disclosure Law » en vigueur dans les cinquante états nord-américains met à la charge du franchiseur une obligation d’information
précontractuelle, souvent plus exigeante que les dispositions de notre loi Doubin. Si cette loi fédérale ne se préoccupe pas de la période post-contractuelle, c’est que les Etats fédérés prennent
ici le relais.
Les législations fédérales relatives à l’exécution et à la cessation du contrat de franchise
Si la loi fédérale américaine n’encadre pas la rupture du contrat de franchise, les législations des Etats fédérés s’en chargent.
De manière parfois très sévère, selon l’auteur.
En France, l’exécution et la cessation du contrat de franchise ne sont soumises à aucune réglementation spécifique.De nombreux problèmes récurrents lors de la cessation du contrat restent sujets aux errements jurisprudentiels.
Qu’en est-il aux États-Unis, où la loi fédérale est silencieuse sur les conséquences clé la cessation du contrat de franchise? Force est de constater que les réglementations étatiques sont très hétérogènes.
De façon générale, et contrairement à une idée souvent répandue, les États-Unis ne sont pas plus libéraux en la matière que la France. Il suffît pour s’en convaincre de mentionner quelques exemples probants : l’encadrement des danses de non-concurrence d’une part, et les modalités de cession du point de vente par le franchisé d’autre part.
Les clauses de non-concurrence
En ce qui concerne la clause de non-concurrence, les réglementations varient substantiellement d’un Etat à l’autre. On trouve à un extrême la Californie, qui interdit purement et simplement les clauses de non-concurrence dans les contrats de franchise, quelles qu’en soient la durée et la portée géographique. La « Franchise Investment Law » est à cet égard très explicite: “Une clause de non-concurrence prévue dans un contrat de franchise n ‘est pas applicable selon le droit Californien.
A l’autre extrémité du spectre, certains Etats ne prévoient aucune disposition concernant les clauses de non-concurrence. Ainsi le Washington ‘s « Franchise Investment Protection Act » demeure silencieux sur ce point. On ne saurait toutefois en déduire que les clauses de non-concurrence n’y sont soumises à aucune condition de validité, loin s`en faut.
Face au silence de la loi, les tribunaux ont considéré que la clause de non-concurrence dans les contrats de franchise devait être soumise aux mêmes conditions de validité qu’en droit du travail: elle doit être « raisonnable et nécessaire à la protection du savoir-faire et de la clientèle de l’employeur”.
On ne peut s’empêcher de souligner au passage la similitude flagrante entre les jurisprudences américaine et française.
Sur la cession du point de vente
Le second problème fréquemment soulevé concerne la cession du point de vente par le franchisé. En France, le contrat prévoit souvent des clauses de préemption et d’agrément, qui ne font l’objet d’aucune limite. Le franchiseur dispose en la matière d’un pouvoir complètement discrétionnaire. Il en résulte que le franchisé peut se retrouver coincé par les effets conjugués d’une clause de non-concurrence d’un côté, et d’une clause d’agrément de l’autre.
Afin d’éviter une telle situation, certains États américains mettent à la charge du franchiseur une obligation de motivation en cas de refus de la cession du point de vente. Ainsi les États d’Hawaï, du Michigan et du Minnesota imposent au franchiseur de justifier d’un juste motif (« good cause”) en cas de refus de la cession.
De façon similaire, les législations en vigueur en Arkansas, au Nebraska et dans le New Jersey prévoient que le franchiseur doit motiver son refus par écrit dans un délai de soixante jours à compter de la demande de cession par le franchisé.
Au terme de ce bref aperçu du droit de la franchise américain, il semble que notre législateur pourrait y trouver une source fertile d’inspiration. Certaines pratiques fréquemment utilisées, notamment lors de la rupture du contrat, seraient facilement transposables en droit français aï¬n d’endiguer les risques d’abus.