Savoir-faire et notoriété en cas de rachat du réseau
Dans une série d’arrêts rendus le 8 février 2023 (CA de Paris, 8 février 2023, n°20/04557, n°20/04545, 20/01756, 20/04561, 20/01712, 20/01748 et 20/04558), la Cour d’Appel de Paris a résilié aux torts du franchiseur une douzaine de contrats de franchise après le rachat du réseau Pizza Sprint par la société Domino’s Pizza France.
Aux termes des arrêts rendus le 8 février 2023, la Cour d’Appel de Paris a considéré que l’absence de toute évolution du savoir-faire depuis le rachat du réseau par Domino’s justifie la résiliation des contrats de franchise. Après avoir écarté les demandes relatives à la nullité des contrats de franchise, la Cour d’Appel a fait droit à la demande de résiliation pour faute, condamnant solidairement le cédant et le repreneur à indemniser les préjudices subis par les franchisés ainsi que les gérants.
L’absence d’actualisation du savoir-faire par le repreneur
La Cour a commencé par rappeler de façon tout à fait pertinente que les franchisés entendent bénéficier d’un « avantage concurrentiel tiré du savoir-faire et de l’expérience du franchiseur ainsi que de la notoriété du réseau. » La Cour a d’ailleurs pris soin de souligner que le contrat prévoyait explicitement une obligation à la charge du franchiseur de mettre à jour son savoir-faire.
Or, après le rachat du réseau, cette obligation n’avait pas été respectée : le site internet n’avait pas évolué depuis 2015, les méthodes de commercialisation étaient inchangées depuis plusieurs années et ne permettaient plus aux franchisés de rester compétitifs, les produits et les recettes n’évoluaient plus etc. Bref, le franchiseur avait tout simplement délaissé le réseau. Il s’agit d’une faute justifiant la résiliation du contrat.
La notoriété déclinant du réseau après le rachat
L’abandon du réseau est confirmé par le déclin impressionnant du réseau Pizza Sprint : alors que le réseau comptait 89 magasins en 2016 (avant le rachat), il a été réduit à 35 en 2017, puis à 4 en 2020. La « notoriété déclinante » du réseau est incontestable. Il s’agit là encore d’une faute puisque le franchisé rejoint un réseau en vue de bénéficier de sa notoriété. Cette dernière doit donc exister !
Le raisonnement de la Cour doit être salué, car il redonne une place centrale au savoir-faire et à la notoriété du réseau, deux notions fondamentales qui sont à la base de la relation de franchise, mais qui sont souvent malmenées. Ce rappel sur les éléments au cœur de la notion de franchise est le bienvenu : il tranche avec une tendance jurisprudentiel regrettable, qui tend à considérer que la simple existence de quelques points de vente suffit à caractériser un réseau digne de ce nom.
La notoriété déclinante du réseau après le rachat
Enfin, il est remarquable que la Cour d’Appel a condamné solidairement le franchiseur originel et le repreneur. Juridiquement pourtant, de deux choses, l’une : soit le franchiseur a commis une faute en cédant le réseau ; soit la cession est valable et seule la responsabilité du repreneur peut être engagée, pour n’avoir pas rempli ses obligations postérieurement à la cession. En condamnant solidairement le cédant et le repreneur, la Cour d’Appel de Paris envoie un signal fort.