Une Déclaration Universelle des Droits

Une Déclaration Universelle des Droits des Franchisés ?

L’idée prêterait à sourire si elle ne traduisait un profond malaise.

La Coalition des Associations de franchisés a pris l’initiative de proposer l’adoption d’une déclaration Universel des droits des franchisés. Créée en 2007, cette association américaine, réunit en effet d’importantes associations de défense de franchisés. Evidemment, la forme adoptée pourra sembler quelque peu grandiloquente. Et certains regretteront qu’à vouloir sans cesse déclarer ses droits, les grands textes fondateurs ne s’en trouvent galvaudés. L’argument paraît cependant assez faible.

La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne a-t-elle jamais terni l’image de sa grande sœur, celle du 26 août 1789 ? Et la déclaration universelle des droits de l’animal adoptée sous l’égide de l’UNESCO a-t-elle porté ombrage à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 ? Bien sûr que non !

Au reste, les franchisés disposent eux aussi de droits fondamentaux dont il convient d’assurer la reconnaissance et la protection. Personne physique ou même morale, le franchisé a notamment un droit de propriété sur son fonds d’entreprise. Il jouit également de la liberté du commerce et de l’industrie. Et de ce point de vue, l’idée d’une Déclaration universelle des droits des franchisés ne fait donc peut-être que préfigurer le renouvellement du contentieux sous l’angle des droits fondamentaux.

La nécessité de protéger les droits des franchisés

Voyez par exemple la clause d’arbitrage. N’aboutit-elle pas dans certains cas à entraver le droit fondamental du franchisé à ce qu’un Tribunal juge sa cause ? (sur ce point, voir notre article sur les dangers liés aux clauses d’arbitrage). Ce mode de justice alternatif s’avère parfois aussi dispendieux qu’intolérable. Et le droit de propriété ? Sa garantie ne pourrait-elle aboutir à fonder l’allocation d’une indemnité de fin de contrat lorsque celle-ci se solde, pour le franchisé, par une véritable dépossession de son fonds ? La liberté du commerce, enfin, ne justifie-t-elle pas un contrôle serré de la validité des clauses restrictives de concurrence ?

Non décidément, l’idée n’est pas si bête. Cette déclaration a beau n’être dotée d’aucune valeur juridique, elle reste un document fort intéressant dont le contenu mérite d’être abordé.

D’abord son préambule. Lequel rappelle fort opportunément que, « par leurs investissements aussi bien financiers que personnels, les franchisés ont permis le développement de certaines marques les plus connues. Le succès de la franchise repose sur les investissements des franchisés. Aujourd’hui, ces investissements sont plus risqués qu’auparavant parce que les contrats de franchise sont de plus en plus favorables aux franchiseurs. Ces contrats réduisent de manière significative la capacité des franchisés à développer leurs entreprises et à servir leurs clients ».

Car il ne faut pas l’oublier : en dépit des discours lénifiants de moult franchiseurs, la richesse d’un réseau tient avant tout dans ses franchisés. Où l’on retrouve le fameux dialogue entre Hugues Capet et l’un de ses vassaux : « Qui t’a fait vassal ? », demande le Roi à ce dernier – « Qui t’a fait Roi ? » lui rétorque-t-on.

Pour le reste, douze articles. Qui s’articulent autour de quatre idées directrices : Liberté, Loyauté, Transparence, Sécurité.

Liberté d’abord :

Ce sont par exemple le droit de fixer ses prix (art. 5) ; celui de se regrouper dans le cadre d’associations de franchisés (art. 1) ; ou encore celui de choisir ses fournisseurs (art. 6 : « tout franchisé et toute coopérative d’achat de franchisés, doivent pouvoir s’approvisionner auprès des fournisseurs de leur choix dès lors que les marchandises et les services achetés respectent les normes formellement établies par le franchiseur »). A la liberté, on rattachera également l’article 12 sur l’arbitrage, lequel est parfois imposé à seule fin de museler un franchisé impécunieux (art. 12 : « tout franchisé doit pouvoir de choisir de régler un litige ou d’intenter des actions en justice auprès des autorités juridiques du ressort de son domicile et n’est pas tenu de se soumettre à un arbitrage exécutoire »).

Loyauté, ensuite.

Avec l’exigence de bonne foi. Laquelle innerve toute relation de partenariat et se traduit ici par certaines prérogatives également importantes à préserver : « tout franchisé doit pouvoir compter sur la bonne foi de son franchiseur … sur son aptitude à gérer correctement la publicité, les programmes de fidélisation, les budgets marketing et les contrats de franchise ou de développement » (art. 2). Trop de franchiseurs ne rendent aucun compte de leurs actions, de sorte que les redevances sont payées sans aucune visibilité sur leur contrepartie.

Loyauté toujours, avec l’article 3 sur les standards de la marque : « le franchiseur doit maintenir les normes d’exploitation cohérentes avec la marque développée par le réseau et doit les appliquer de manière discriminatoire ». Voici donc l’égalité dans l’application du concept. Pour que le réseau soit homogène et qu’un franchiseur ayant également des succursales ne favorise guère ces dernières sans raison !

Transparence, aussi !

Ainsi le franchiseur doit-il « tenir à la disposition des franchisés toutes les archives relatives aux données marketing, aux programmes de fidélisation et aux frais associés payés par les franchisés » (art. 4). De même le franchisé a-t-il le droit à la transparence sur les décisions stratégiques de la tête de réseau (art. 10). Et sur les pratiques de marge-arrières devrait-on ajouter !

Sécurité enfin !

Le franchisé aurait ainsi le droit de renouveler son contrat de franchise (art. 7) ; le droit de bénéficier d’une zone d’exclusivité territoriale (art. 9) ; ou encore celui de contester une résiliation sans motif valable (art. 11). Ce à quoi l’on pourrait aussi ajouter, entre autres, le droit d’avoir un contrat dont la durée lui permette d’amortir ses investissements.

Qui ne voit que l’ensemble des questions posées par cette Déclaration américaine se pose dans des termes rigoureusement identiques pour les franchisés français ? Cela ne suffit pas à en justifier le caractère universel, sans doute. Il est tout de même troublant qu’ici comme là-bas, la même insatisfaction gronde, les mêmes besoins s’expriment. Il est également piquant de relever que la protection du franchisé suscite davantage d’attention Outre-Atlantique, là où la franchise est née, au pays du libéralisme.