La transmission d’un savoir-faire : un élément essentiel du contrat de franchise

(A propos de CA Paris, Pôle 5, ch. 4, 15 janvier 2014, n° RG 12/21303 : AVANTAGE FINANCES c/ IN & FI)

C’est un refrain du droit de la franchise : le savoir-faire du franchiseur doit exister et transmis au franchisé.

Telle est même la cause du contrat de franchise.

Pas de savoir-faire, pas de contrat valable ! Peu importent les modalités de transmission du savoir-faire. S’il est usuel qu’elle se matérialise par la remise d’un document, souvent pompeusement appelé « Bible », cette transmission peut n’être qu’orale (CA Paris, ch. 5, sect. A, 7 juin 2006). Mais elle doit avoir lieu. La Cour d’appel de Paris l’a par exemple rappelé dans un arrêt du 28 mars 2012 : un contrat de franchise encourt la nullité dès lors que le franchiseur ne dispose pas d’un savoir-faire éprouvé et expérimenté avec succès dans la mesure où il ne justifie ni d’une exploitation bénéficiaire avant la création du réseau, ni d’une expérimentation dans des unités situées hors de la région parisienne (CA Paris, Pôle 5, ch. 4, 28 mars 2012).

N’empêche : il semble parfois que les juges adoptent une conception très souple de la notion de savoir-faire. Son originalité n’est pas toujours requise (CA Douai, ch. 2, sect. 1, 30 juin 2010). Une simple collection peut même en tenir lieu (CA Versailles, 4 juillet 1996). A tel point que la question mérite d’être posée : les juges hésiteraient-ils à s’immiscer dans des considérations de stratégie économique qui, estimeraient-ils, dépasseraient leurs compétences ? Il y aurait une espèce de démission de leur part sur cette question essentielle.

C’est tout le mérite de la décision rendue le 15 janvier dernier par la Cour d’appel de Paris que de montrer qu’il n’en est rien. En l’espèce, le franchiseur avait expressément promis la transmission d’un savoir-faire dans le domaine du courtage dans deux secteurs distincts : le crédit aux particuliers et le crédit aux professionnels. Le franchisé n’avait toutefois reçu d’informations qu’au titre du premier. Le franchiseur n’avait tâché de développer son expérience dans le crédit professionnel que bien des années après. La nullité du contrat est donc fort logiquement prononcée de ce chef.

Certes, le franchisé aurait pu de lui-même développer son activité dans le secteur du courtage en crédits professionnels. L’argument était soutenu par le franchiseur. Il révélait toutefois une singulière mauvaise foi. A quoi bon adhérer à un réseau de franchise si c’est pour s’entendre dire que l’on peut travailler tout seul ?

Peu importe également que le franchisé ait pu réaliser des chiffres convenables en exploitant la partie du savoir-faire qui lui avait bel et bien été transmise. La Cour l’affirme explicitement : dès lors que ces chiffres ne sont que le résultat de l’utilisation d’un savoir-faire transmis partiellement, le contrat méritait d’être annulé. A cet égard, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris est très intéressant. Trop souvent, le fait qu’un franchisé gagne un peu d’argent se retourne contre lui dans le cadre d’une procédure. De quoi se plaint-il ? Voilà ce que le franchiseur lui répond en substance. Il faut pourtant le rappeler sans cesse : le succès d’un franchisé est avant tout lié à ses propres compétences. Il ne permet pas de présumer le sérieux du franchiseur !

En l’espèce, le franchiseur arguait encore qu’il avait finalement mis au point un savoir-faire dans le secteur du crédit aux professionnels. Mais là encore, l’argument était voué à l’échec. L’existence du savoir-faire annoncé par un franchiseur doit exister lors de la conclusion du contrat. Plus tard, c’est trop tard.

Enfin, les magistrats parisiens rappellent que l’action en nullité du contrat pour absence de savoir-faire se prescrit par cinq ans à compter non pas de la signature mais de la prise d’effet du contrat. C’est l’évidence : un franchisé ne peut agir qu’à partir du moment où il se rend compte qu’il a été floué. Se placer à la date de conclusion de l’acte, c’est faire preuve d’un formalisme totalement irréaliste.

Un arrêt riche d’enseignements donc. Il rappelle une donnée essentielle du contrat de franchise : l’exigence d’un véritable savoir-faire, intégralement transmis au franchisé qui paie précisément, parfois fort cher, pour en jouir.