Contrats de franchise : sus aux clauses d’essai !
Sus aux clauses d’essai !
Les contrats de franchise laissent une grande liberté au rédacteur concernant sa durée.
En principe, les parties à un contrat de franchise sont libres d’en fixer la durée. Celle-ci peut être déterminée ou non. Dans le premier cas, le contrat cessera à l’arrivée du terme sans droit au renouvellement. Dans le second, chacune des parties pourra le résilier quand bon lui semble, sous réserve de respecter un préavis suffisant. La première hypothèse est évidemment la plus fréquente : le franchisé a besoin d’un minimum de stabilité que seul un contrat à durée déterminée est de nature à lui pourvoir. Quid néanmoins si une clause des contrats de franchise stipule une période d’essai ?
Les périodes d’essai dans les contrats de franchise
L’hypothèse fait songer au droit du travail. Sans doute paraît-elle totalement saugrenue en matière de franchise. Qu’un franchiseur ayant sélectionné un candidat à l’intégration de son réseau se ménage encore la possibilité d’évincer ce partenaire, sans aucun motif, pendant les premiers mois d’exploitation d’un fonds : il y a là une dérive manifeste de la liberté contractuelle. Contrairement au salarié, le franchisé a payé, parfois fort cher, pour s’installer et travailler de manière indépendante. Comment dès lors justifier la stipulation d’une clause qui l’assujettit à une période d’essai ? En pratique, certains franchiseurs prévoient néanmoins ce type de clauses : le contrat est à durée déterminée certes, mais il prévoit une période, en général de 3 à 6 mois, pendant laquelle il se réserve le pouvoir de mettre un terme au contrat sans motif, sans indemnité. Une résiliation pour simple convenance en somme !
Une telle pratique, qui devient de plus en plus fréquente dans les contrats de franchise, doit être fermement combattue.
Les problèmes soulevés par les périodes d’essai dans les contrats de franchise
Elle est d’abord illogique. Si le franchiseur a signé le contrat de franchise, c’est en effet qu’il a donné sa confiance au candidat qu’il a retenu. Et l’on ne peut reprendre d’une main ce que l’on feint de donner de l’autre. Sans doute un franchisé peut-il être mauvais. Mais alors ? Commerçant juridiquement indépendant, il exploite son fonds à ses risques et périls. Et si son échec tient à la commission d’une faute suffisamment grave, celle-ci peut toujours justifier la résiliation.
Une clause contestable d’un point de vue économique
La clause d’essai s’avère également contestable d’un point de vue économique. Le franchisé qui s’installe a besoin d’une certaine stabilité pour amortir ses investissements. Comment peut-on raisonnablement le sortir d’un réseau quelques mois seulement après qu’il aura payé son droit au bail, réalisé les travaux nécessaires à la mise en conformité du local aux normes du réseau ou encore acheté son stock ? Cela n’est pas sérieux.
Une clause potestative
Enfin, ce type de clause se heurte à de nombreux obstacles juridiques qui en justifient la nullité. Le premier est tiré de l’article 1304-2 du Code civil (anciennement 1174 du Code civil), aux termes duquel « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ». Permettre au franchiseur de résilier les contrats de franchise à durée déterminée pour simple convenance, dans les premiers mois de son exécution, c’est lui permettre de se délier à bon compte de sa parole. C’est donc une violation de la force obligatoire des contrats.
Une clause entraînant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties
Un deuxième argument s’évince de l’article L 442-6, I, 2° du Code de commerce. Ce texte dispose en effet qu’ « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Or la faculté de résiliation liée à une clause d’essai dans les contrats de franchise instaure un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Une clause portant atteinte au droit de propriété du franchisé sur son fonds de commerc
Enfin, une telle clause porte une atteinte intolérable au droit de propriété du franchisé sur son fonds de commerce. De fait, elle permet à une tête de réseau d’évincer le distributeur après plusieurs mois d’exploitation… Et après que celui-ci ait réalisé les investissements nécessaires.
Elle est donc contraire non seulement à l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité »), mais encore à l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme, qui prévoit que : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».
La clause d’essai n’a pas sa place en droit de la franchise : il appartiendra aux tribunaux de le confirmer.