L’ambigüité des clauses contractuelles : un indice de tromperie – Cour d’appel de Paris, 16 mars 2011

Si les articles 1156 et suivants du Code civil fournissent au juge des recommandations relatives à l’interprétation des conventions, l’art d’interpréter reste extrêmement délicat et laisse au lecteur une large marge de manœuvre. Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 16 mars dernier en matière de franchise constitue sur ce point un exemple édifiant.

 Un contrat de franchise portant sur la vente de vêtements pour hommes avait été conclu en 2004 pour une durée de cinq. Alors que l’objet du contrat résidait bien dans l’exploitation d’une boutique de prêt-à-porter pour hommes, le franchiseur a cessé d’approvisionner le franchisé en vêtements masculins. Contestant avoir commis la moindre inexécution contractuelle, le franchiseur invoque alors un avenant de 2006 lui permettant d’approvisionner la boutique homme en robes (vraisemblablement pour femmes), chaussures et petits accessoires (sans doute également destinés à la gent féminine). Le franchiseur considérait ainsi que la collection pour femmes pourrait se substituer entièrement à la collection pour hommes, en dépit des dispositions du contrat initial.

 Deux arguments complémentaires sont retenus par la Cour d’Appel pour invalider le raisonnement du franchiseur, et partant, résilier le contrat à ses torts exclusifs.  D’une part, l’avenant ne remplace en aucun cas le contrat initial. La Cour rappel sur ce point que la novation ne se présume pas, c’est-à-dire que le remplacement d’un contrat par un autre doit être prévu de façon explicite et univoque. Tel n’était pas le cas en l’espèce, l’avenant n’ayant que vocation à compléter le contrat initial, qui reste donc applicable. D’autre part, et en tout état de cause, l’interprétation des clauses ambigües du contrat ou de l’avenant doit être favorable au franchisé. Dans la mesure où le contrat a été rédigé par le franchiseur, qui est de surcroît un professionnel averti, ce dernier ce saurait par la suite se prévaloir d’une quelconque ambigüité à son profit. Ce principe d’interprétation découle de l’article 1162 du Code civil, qui prévoit que « dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation ». Que le contrat soit interprété en faveur du franchisé n’a donc rien de très surprenant. Que la Cour déduise directement de l’ambigüité d’une clause « la tromperie » mise en œuvre par le franchiseur est en revanche plus audacieux.

 Les juges ont en effet souligné que « la tromperie résulte des termes mêmes de l’avenant qui sont ambigus et manifestement libellés pour justifier l’interprétation qu’en fait aujourd’hui » le franchiseur. Ainsi la Cour d’appel considère-t-elle implicitement que l’ambigüité de la clause litigieuse ne saurait être le fruit du hasard, loin s’en faut !! Cette ambigüité révèlerait nécessairement la volonté du rédacteur, en l’occurrence le franchiseur, de tromper son cocontractant. En statuant ainsi, la Cour entend mettre un coup d’arrêt à une pratique très répandue et consistant, pour le rédacteur du contrat,  à y insérer délibérément des clauses ambigües, interprétées différemment par chacune des parties, en espérant par la suite en faire une application qui lui soit favorable.

 La question cruciale concerne dès lors la portée de cet arrêt : peut-on en conclure que toute clause ambiguë insérée dans un contrat de franchise, ou plus généralement dans un contrat d’adhésion, sera ipso facto considérée comme une preuve de tromperie ? Si une telle analyse paraît quelque peu excessive, il semble en revanche raisonnable de supposer que l’ambigüité des clauses constitue une simple présomption de tromperie, surtout lorsque le rédacteur est un professionnel expérimenté. Bien que la portée de cette décision reste incertaine, les directives d’interprétation énoncées par la Cour d’appel de Paris sont extrêmement favorables au franchisé et pourraient avoir des retombées considérables.

Annulation pour tromperie – Cass, 1er civ, 25 novembre 2009

COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 novembre 2009    Rejet

M. BARGUE, président – Arrêt n° 1206 F-D – Pourvoi n° C 08-15.927

R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Brigitte Dutoit, domiciliée 23 Grand Place, 62440 Harnes,

contre l’arrêt rendu le 5 février 2008 par la cour d’appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l’opposant à Mme Dominique Aouri, domiciliée 1A rue de Récollets, 62000 Arras,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 27 octobre 2009, où étaient présents : M. Bargue, président, Mme Vassallo, conseiller référendaire rapporteur, M. Pluyette, conseiller doyen, M. Domingo, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Vassallo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Dutoit, de Me Spinosi, avocat de Mme Aouri, les conclusions orales de M. Domingo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que Mme Dutoit a donné en concession à Mme Aouri, par acte du 24 septembre 2002, le droit d’exploiter une onglerie moyennant une certaine somme payable à la signature du contrat et une redevance mensuelle ; que Mme Aouri a mis fin à la concession et assigné, le 31 août 2005, Mme Dutoit en annulation du contrat pour dol ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme Dutoit fait grief à l’arrêt attaqué (Douai, 5 février 2008) d’avoir déclaré nul et de nul effet pour dol le contrat du 24 septembre 2002 ;

Attendu qu’ayant souverainement relevé, d’abord que Mme Dutoit avait exercé comme esthéticienne à peine dix mois avant de proposer, à un prix substantiel, la concession litigieuse, ensuite que la formation proposée avait  été assurée par sa fille, diplômée à l’âge de 17 ans dans une autre discipline, la cour d’appel,  sans inverser la charge de la preuve, a pu en déduire qu’en faisant état d’une compétence élevée, Mme Dutoit avait trompé sa cocontractante à l’aide de manoeuvres intellectuelles et ainsi caractériser le dol ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme Dutoit fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à verser une certaine somme au titre du prix payé, en deniers ou quittances, avec intérêt légaux à compter du 24 septembre 2002 ;

Attendu que la cour d’appel qui, en prononçant la restitution des sommes payées en deniers ou quittances, a fait expressément référence à l’imprécision relative au recouvrement d’un chèque impayé, n’a fait qu’user de la faculté remise à sa discrétion par l’article 1153-1 du code civil en fixant à une date autre que celle de sa décision le point de départ des intérêts de la créance d’indemnité ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Dutoit aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme Dutoit.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré nul et de nul effet, pour dol, le contrat de concession du 24 septembre 2002 ;

AUX MOTIFS QU’il résulte des termes du contrat litigieux que la concédante a mis au point des signes distinctifs, des méthodes commerciales et un concept particulier pour l’onglerie ; que la concédante affirme encore disposer d’un haut niveau de compétence puisqu’elle se propose de le faire acquérir à la concessionnaire elle-même, par le biais d’une formation et d’une information sur les perfectionnements et améliorations de la technique d’onglerie ; qu’il résulte des pièces produites aux débats que Madame Dutoit a exercé comme esthéticienne à partir du 1er janvier 2002, soit à peine dix mois avant de proposer, au prix substantiel de 14.591 € TTC, la concession litigieuse ; que la formation proposée devait être ou été assurée par sa fille diplômée à l’âge de 17 ans et dans une autre discipline ; qu’en somme, en faisant état de méthodes éprouvées et originales et d’une compétence élevée, sans en fournir la moindre preuve, Madame Dutoit a trompé sa cocontractante à l’aide de manoeuvres intellectuelles qui trouvent leur sanction dans l’article 1116 du Code civil ; que le contrat litigieux sera par conséquent annulé avec toutes conséquences indiquées dans le dispositif ci-après ;

ALORS, D’UNE PART, QUE ne caractérise pas des manœuvres dolosives, l’arrêt qui ne constate aucune tromperie ou dissimulation portant sur un élément essentiel du contrat, ni ne relève l’existence d’aucune allégation mensongère, ou même de simples réticences portant sur un élément du contrat, susceptibles d’être qualifiées de manœuvres illicites et ayant eu une incidence déterminante sur le consentement de Madame Aouri ; qu’en se bornant à faire état de “ manœuvres intellectuelles ” dont l’arrêt ne justifie d’ailleurs pas l’existence en fait, consistant, semble-t-il, seulement, à ne pas avoir fourni la preuve des compétences alléguées, dont la fausseté n’est au demeurant, pas démontrée, la Cour d’appel n’a pu justifier légalement sa décision au regard des dispositions de l’article 1116 du Code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QU’il appartient à celui qui se dit victime d’un dol de rapporter la preuve de manœuvres dolosives ; qu’en l’espèce, il incombait donc à Madame Aouri de démontrer que Madame Dutoit ne lui avait transmis ni méthode originale, ni savoir-faire particulier et non pas à Madame Dutoit de faire la preuve de sa compétence et de son savoir-faire ;
que l’arrêt attaqué a renversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du Code civil ;

ALORS, AU SURPLUS, QUE , à supposer même qu’il y ait eu, en la cause, un certain manque d’information, rien ne permet d’en déduire que Madame Dutoit ait agi avec la volonté de provoquer une erreur de nature à vicier le consentement de Madame Aouri et à la déterminer à s’engager ; qu’ainsi faute de moyens frauduleux, la Cour d’appel n’a pu donner une base légale à sa décision au regard de l’article 1116 du Code civil ;

ALORS, ENFIN QUE le dol ne se présumant pas et ne pouvant résulter que d’une faute d’une gravité suffisante, dûment établie, à l’encontre d’un contractant, la Cour d’appel ne pouvait prononcer la nullité du contrat conclu entre Madame Dutoit et Madame Aouri, pour dol, en constatant seulement que Madame Dutoit n’aurait pas fourni “ la moindre preuve ” des méthodes éprouvées et originales de la compétence élevée dont elle se prévalait ; que la fausseté de ces allégations n’étant pas établie ni par la durée, d’ailleurs inexactement rapportée par l’arrêt, de l’expérience professionnelle personnelle de Madame Dutoit, ni par l’âge auquel sa fille, formatrice en onglerie, a obtenu son diplôme en esthétique, plusieurs années auparavant, la Cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil, en statuant comme elle l’a fait.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir condamné Madame Dutoit à payer à Madame Aouri la somme de 14.591,20 € au titre du prix payé, en deniers, quittances, avec intérêts légaux à compter du 24 septembre 2002 ;

AUX MOTIFS QUE la restitution de sommes payées ne saurait se faire qu’en deniers ou quittances, devant l’imprécision de l’intimée sur le recouvrement du chèque impayé ;

ALORS, D’UNE PART, QUE rien n’établit que Madame Aouri ait réglé l’intégralité du prix de la concession dans la mesure où, comme cela résulte des débats et comme le relève l’arrêt attaqué, une partie de ce prix, 8.591,20 €, a fait l’objet d’un chèque revenu impayé ; qu’ainsi, en condamnant malgré tout Madame Dutoit à régler à Madame Aouri la somme de 14 591,20 € en principal au titre du prix payé, la Cour d’appel a violé les articles 1116 ensemble 1117 du Code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QU’en toute hypothèse, les intérêts ne pouvaient à fortiori courir avant la date à laquelle la somme due en restitution du prix avait été versée en exécution dudit contrat ; qu’en fixant au 24 septembre 2002 le point de départ des intérêts légaux, la Cour d’appel a derechef violé l’article 1153-1 du Code civil.

Annulation pour tromperie – Cass, Com. 04 mai 2010

COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 mai 2010  Rejet

Mme FAVRE, président

Arrêt n° 475 F-D

Pourvoi n° S 09-15.139

R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Lady fitness Europe, dont le siège est 1 H Cours Lafayette, 69003 Lyon,

contre l’arrêt rendu le 2 avril 2009 par la cour d’appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. Pascal Wissen, domicilié 112 avenue du Général Leclerc, 54000 Nancy,

2°/ à la société Pierre Bruart, société civile professionnelle, dont le siège est 6 allée de la Forêt de la Reine, 54500 Vandoeuvre-lès-Nancy, en qualité de liquidateur de la société C-Sport,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 23 mars 2010, où étaient présents : Mme Favre, président, Mme Mandel, conseiller rapporteur, Mme Tric, conseiller doyen, Mme Bonhomme, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Mandel, conseiller, les observations de la SCP Boutet, avocat de la société Lady fitness Europe, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. Wissen et de la société Pierre Bruart, les conclusions de Mme Bonhomme, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu selon l’arrêt attaqué (Lyon, 2 avril 2009) que la  société Lady fitness Europe qui bénéficie d’une licence de la marque Lady fitness a signé avec la société C-Sport, créée le 5 mars 2007 par M. Wissen, deux contrats de licence de cette marque, l’un le 15 mars 2007 pour l’exploitation d’un centre de remise en forme à Nancy, l’autre le 1er mars 2007 pour un centre à Metz ; que la société C- Sport ayant été mise en liquidation judiciaire le 16 octobre 2007, son liquidateur la SCP Bruart et M. Wissen ont assigné la société Lady fitness Europe aux fins de voir prononcer la nullité des deux contrats, à titre subsidiaire leur résiliation aux torts de la société Lady fitness Europe et condamner cette dernière au remboursement de l’insuffisance d’actif de la société C Sport ainsi qu’au paiement de diverses sommes au profit de M. Wissen à titre personnel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Lady fitness Europe fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que les consentements de la société C-Sport donnés lors des contrats en date des 1er et 15 mars 2007 passés avec la société Lady fitness Europe pour la concession de la licence de la marque Lady fitness ont été viciés et d’avoir en conséquence annulé lesdits contrats de licence alors, selon le moyen :

1°/ que le vice du consentement de celui qui obtient une licence d’exploitation d’une marque ne se déduit pas du seul manquement du titulaire de la marque à son obligation d’information précontractuelle ; que pour retenir l’existence d’un dol, la cour d’appel a affirmé que l’annexe 4 était
insuffisante et aurait contenu des informations erronées, là où la société Lady fitness Europe soutenait n’avoir eu aucun comportement dolosif ; que faute d’avoir constaté de la part de cette dernière une manoeuvre dolosive volontaire afin de dissimuler des éléments essentiels au consentement de la société C Sport, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du code Civil, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

2°/ que le candidat à une licence d’exploitation d’une marque est tenu de se renseigner lui-même auprès d’un tiers licencié de cette marque dont il entend poursuivre l’activité ; qu’il ressort des décisions des juges du fond que M. Wissen a directement négocié le rachat du matériel sportif du centre de Metz et a conclu directement un bail commercial avec le propriétaire des locaux ayant décidé, par souci d’économie, de ne pas racheter le fonds de commerce de l’exploitant ; qu’il s’ensuit que la société C Sport, créée par M. Wissen, devait se renseigner sur l’ensemble des conditions dans lesquelles ce centre était exploité sans pouvoir exiger une telle information de la part de la société Lady fitness Europe ; qu’en annulant le contrat de licence d’exploitation de marque concernant le club sportif de Metz pour dol imputable à la société Lady fitness Europe faute d’une complète information sur ce centre, la cour d’appel a violé l’article 1116 du code civil, ensemble l’article L. 330-3 du code de commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

Mais attendu, d’une part, que l’arrêt relève par motifs propres et adoptés que le document d’information pré-contractuel remis à M. Wissen ne comporte aucune présentation du marché national des clubs de sport, que s’agissant du marché local aucun chiffre n’est donné permettant d’apprécier l’importance réelle de ce marché, qu’il s’y ajoute une information erronée quant à l’absence d’équivalent en France au concept du type de celui développé par la société Lady fitness Europe et des affirmations banales, générales et non étayées s’agissant des perspectives de développement ; qu’il constate que la société Lady fitness Europe a fourni à M. Wissen des documents comportant des indications inexactes et contradictoires sur l’identité de l’exploitant du club de Metz et relève que cette société, qui a pour gérant M. Rivoal, se disant aussi gérant de la société gérant le club de Metz, savait que la société Sun Factory, qui aurait été l’exploitant de ce club, avait été placée en liquidation judiciaire au début du mois de décembre 2006 ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations desquelles il ressortait que le défaut d’informations invoqué avait vicié le consentement de la société C-Sport, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu d’autre part, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni de ses conclusions que la société Lady fitness Europe ait soutenu devant la cour d’appel le moyen évoqué à la seconde branche ; que le grief mélangé de fait et de droit est donc nouveau ;

D’où il suit qu’irrecevable en sa seconde branche, le moyen n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Lady fitness Europe fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à M. Wissen une somme de 7 500 euros en réparation de son préjudice moral alors, selon le moyen :

1°/ que l’inexécution d’un contrat peut constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers au contrat ; que la cour d’appel a condamné la société Lady fitness Europe à payer des dommages-intérêts à M. Wissen en se fondant sur l’application de cette règle de droit ; qu’en statuant ainsi, après avoir annulé les contrats de licence de marque, la cour a violé l’article 1382 du code civil ;

2°/ que l’associé ne subit pas de préjudice moral du fait de la défaillance de la société ; que la cour d’appel a condamné la société Lady fitness Europe à payer à M. Wissen une indemnité pour réparer le préjudice moral dû au fait d’avoir vu sombrer sa société ; qu’en statuant ainsi, bien que la défaillance de la société C-Sport ne peut constituer un préjudice moral pour M. Wissen, la cour a violé l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt relève que la société Lady fitness Europe n’a pas éclairé pleinement M. Wissen sur le club de Metz et n’a  pas rempli son obligation d’information précontractuelle ; qu’il retient  que M. Wissen a créé sa société pour adhérer aux contrats de licence de marque Lady fitness et a vu celle-ci sombrer en partie en raison des manquements fautifs imputables à la société Lady fitness Europe ; que de ces constatations et appréciations, et abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche, la cour d’appel a pu déduire que M. Wissen subissait un préjudice moral résidant dans l’échec de l’entreprise dans laquelle il s’était investi pour exploiter la marque Lady fitness ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lady Fitness Europe aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lady fitness Europe à payer la somme globale de 2 500 euros à M. Wissen et à la SCP Bruart, ès qualités de liquidateur de la société C-Sport et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la société Lady Fitness Europe

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR décidé que les consentements de la Société C SPORT donnés lors des contrats en date des 1er et 15 mars 2007 passés avec la Société LADY FITNESS EUROPE pour la concession de la licence de la marque LADY FITNESS ont été viciés et D’AVOIR par voie de conséquence annulé lesdits contrats de licence ;

AUX MOTIFS QUE, dans le document d’information précontractuel signé par Monsieur WISSEN le 15 novembre 2006, la présentation du marché figure à l’annexe 4 ; que cette annexe comprend deux pages et demi (avec un texte très aéré et frappé en gros caractères) et ne répond pas aux prescriptions légales ; que, sous le titre “ le marché mondial du fitness ”, une page entière est consacrée à la description du concept LADY FITNESS ; que le tableau propre à illustrer le marché mondial est de peu d’intérêt pour le futur adhérent, sauf à constater que CURVES disposait en 2006 d’un nombre de franchises sans rapport avec ses concurrents et qu’il s’agit de la franchise la plus ancienne (1995) ; qu’aucune présentation du marché national des clubs de sport n’est faite ; que s’agissant du marché local, le document ne correspond pas à une présentation du marché local des services en cause puisqu’il se résume à mettre en exergue les caractéristiques du concept décrit comme “ unique par sa simplicité, son efficacité et sa rentabilité ” ; que n’est présenté aucun chiffre permettant d’apprécier l’importance réelle du marché local ; qu’il est en outre erroné d’affirmer “ qu’il n’y a pas aujourd’hui d’équivalent de ce concept en France”, alors que les intimés prouvent qu’il existe d’autres concepts du même type ; qu’enfin s’agissant des perspectives de développement, elles ne reposent que sur des affirmations banales, générales et non étayées ; que Monsieur WISSEN n’a donc pas été correctement informé quant à l’état général et local du marché des centres de remise en forme dédiés aux femmes ; que bien plus, les affirmations contenues dans le document étaient propres à l’induire en erreur sur la réalité de l’état de la concurrence sur son marché et lui laissaient penser qu’il disposait d’un avantage concurrentiel en réalité non établi ; que s’agissant du contrat de licence du 1er mars 2007 portant sur l’exploitation d’un club à METZ, la Société C SPORT a pris la suite d’un autre exploitant ; qu’au titre de la présentation du réseau d’exploitation, il importait que soit précisée l’identité de ce précédant “franchisé ” mais que le document d’information mentionne simplement l’adresse du club, le numéro de téléphone et la date d’ouverture (mai 2005) ; que cette précision était indispensable puisque Monsieur WISSEN a proposé à celui-ci de reprendre non pas le fonds de commerce ou les parts sociales de la société mais seulement le matériel d’exploitation et de signer un nouveau bail et qu’une fois dans les lieux, eu égard à la continuité de l’activité dans les mêmes lieux, avec le même matériel, sous la même marque, Monsieur WISSEN a été destinataire de réclamations de la part de créanciers impayés, a constaté la disparition des chèques de caution remis par les clientes lesquels ont été encaissés par les anciens dirigeants qui ont aussi encaissé l’intégralité des chèques remis par les clientes ayant souscrit un abonnement à l’année ; qu’avant l’arrivée de la Société C SPORT, le club de METZ était exploité par une SARL LADY FITNESS METZ gérée par Monsieur ACHARD et par Monsieur RIVOAL dont le nom en tant que gérant est mentionné dans deux contrats de travail ; que cette société n’est pas enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés de cette ville ; que la Société LADY FITNESS EUROPE soutient avoir concédé un contrat de licence à la Société SUN FACTORY immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CANNES qui exploitait le club de METZ sous la dénomination LADY FITNESS METZ ; mais que cette allégation ne correspond pas aux indications portées sur les pièces produites par les intimés, lesquels font état d’une SARL LADY FITNESS METZ gérée tantôt par Monsieur ACHARD, tantôt par Monsieur RIVOAL ; que la Société LADY FITNESS EUROPE soutient que les deux contrats de travail étaient en réalité un modèle de contrat de travail issu de la bible LADY FITNESS ; mais que ces contrats ne sont pas de simples modèles ; qu’il s’agit de véritables contrats de travail dûment complétés et renseignés, paraphés sur chaque page et signés par les salariés ; qu’à supposer même que la Société SUN FACTORY était le gestionnaire du club de METZ, la situation n’est pas plus claire puisque, selon les propres dires de l’appelante, il a été proposé à Monsieur WISSEN, après la liquidation judiciaire de la Société SUN FACTORY, de racheter le matériel de fitness de cette société mais que, de manière inexplicable, on constate que la société venderesse est une Société TASSIN SPORTS LOISIRS gérée par Monsieur ACHARD et elle-même en liquidation judiciaire ; que la Société LADY FITNESS EUROPE ayant pour gérant Monsieur RIVOAL, se disant aussi gérant du club de METZ, savait que cette société avait été placée en liquidation judiciaire en décembre 2006 ; que Monsieur WISSEN à qui avait été remis le document d’information le 15 novembre 2006 et qui était en pleine démarche commerciale pour l’ouverture d’un club à NANCY a été poussé à reprendre l’activité du club de METZ, à racheter le matériel d’une société tierce et à contracter un nouveau bail sans que cette information essentielle pour la détermination de son consentement lui ait été révélée ; que compte tenu de l’ensemble de ces éléments, c’est à bon droit que le Tribunal a retenu à la charge de la Société LADY FITNESS EUROPE un comportement dolosif et constaté la nullité des deux contrats de licence pour vice du consentement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la Société LADY FITNESS EUROPE a remis à Monsieur WISSEN un document intitulé “ document d’information pré contractuelle ” qui comporte bien formellement les rubriques d’information prévues par la loi ; que toutefois, si la forme de ce document respecte la loi, en revanche son contenu n’est pas de nature à fournir loyalement à la Société C SPORT les éléments objectifs lui permettant de s’engager contractuellement en toute connaissance de cause ; qu’il en est ainsi de l’absence totale d’éléments concernant le centre de METZ préalablement exploité par une Société LADY FITNESS METZ qui n’a aucune existence légale pour ne pas être inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de METZ, ce que ne pouvait manquer de savoir Monsieur RIVOAL puisqu’il apparaît comme le représentant de cette société sur différents contrats de travail ; que cette non information sur cette société non inscrite est d’autant plus de nature à vicier le consentement de la Société C SPORT qu’elle n’a pas plus été éclairée sur l’exacte situation financière de cette entreprise qui disposait d’une licence sur le même lieu d’exploitation que celui exploité par la Société C SPORT ; qu’il s’agit là d’un comportement déloyal organisé pour obtenir le consentement, et donc manifestement dolosif, et la Société C SPORT a donc accepté d’entrer dans un tel réseau seulement parce que son consentement a ainsi été profondément vicié par l’absence volontaire de communication d’éléments juridiques et financiers précis sur la situation de cette entreprise précédente non inscrite et cela d’autant plus sûrement que la suite des faits a confirmé la situation tout à fait anormale de cette entreprise, notamment du fait des poursuites des créanciers impayés et de clientes dépossédées de fait de l’avance versée sur des prestations à venir et également les difficultés de nombreuses autres sociétés franchisées dans la France entière puisqu’un certain nombre d’entre elles ont ensuite été placées en liquidation judiciaire ; qu’il convient donc de dire que les contrats de licence souscrits sont donc nuls par application de l’article 1116 du Code Civil ;

ALORS D’UNE PART QUE le vice du consentement de celui qui obtient une licence d’exploitation d’une marque ne se déduit pas du seul manquement du titulaire de la marque à son obligation d’information précontractuelle ; que pour retenir l’existence d’un dol, la Cour d’Appel a affirmé que l’annexe 4 était insuffisante et aurait contenu des informations erronées, là où la Société LADY FITNESS EUROPE soutenait n’avoir eu aucun comportement dolosif ; que faute d’avoir constaté de la part de cette dernière une manœuvre dolosive volontaire afin de dissimuler des éléments essentiels au consentement de la Société C SPORT, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1116 du Code Civil, ensemble l’article L 330-3 du Code de Commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991 ;

ALORS D’AUTRE PART QUE le candidat à une licence d’exploitation d’une marque est tenu de se renseigner lui-même auprès d’un tiers licencié de cette marque dont il entend poursuivre l’activité ; qu’il ressort des décisions des juges du fond que Monsieur WISSEN a directement négocié le rachat du matériel sportif du centre de METZ et a conclu directement un bail commercial avec le propriétaire des locaux ayant décidé, par souci d’économie, de ne pas racheter le fonds de commerce de l’exploitant ; qu’il s’ensuit que la Société C SPORT, créée par Monsieur WISSEN, devait se renseigner sur l’ensemble des conditions dans lesquelles ce centre était exploité sans pouvoir exiger une telle information de la part de la Société LADY FITNESS EUROPE ; qu’en annulant le contrat de licence d’exploitation de marque concernant le club sportif de METZ pour dol imputable à la Société LADY FITNESS EUROPE faute d’une complète information sur ce centre, la Cour a violé l’article 1116 du Code Civil, ensemble l’article L 330-3 du Code de Commerce et l’article 1er du décret n° 91-337 du 4 avril 1991.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer à Monsieur WISSEN une somme de 7.500 € en réparation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE, sur les demandes de Monsieur WISSEN, un tiers à un contrat peut invoquer un manquement de l’une des parties à ce contrat et solliciter sur la base de l’article 1382 du Code Civil des dommages et intérêts pour obtenir réparation du préjudice que lui cause cette inexécution ; que c’est avec Monsieur WISSEN que Monsieur RIVOAL est entré en contact ; qu’il est amplement établi que la Société LADY FITNESS EUROPE ne l’a pas éclairé pleinement sur le club de METZ et n’a pas rempli son obligation d’information précontractuelle ; que Monsieur WISSEN a créé sa société pour adhérer aux contrats de licence de la marque LADY FITNESS et a vu sombrer sa société en partie en raison des manquements fautifs imputables à l’appelante ; qu’il a subi un préjudice moral qui doit être réparé par une indemnité de 7.500 € ;

ALORS D’UNE PART QUE l’inexécution d’un contrat peut constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers au contrat ; que la Cour d’Appel a condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer des dommages et intérêts à Monsieur WISSEN en se fondant sur l’application de cette règle de droit ; qu’en statuant ainsi, après avoir annulé les contrats de licence de marque, la Cour a violé l’article 1382 du Code Civil ;

ALORS D’AUTRE PART QUE l’associé ne subit pas de préjudice moral du fait de la défaillance de la société ; que la Cour d’Appel a condamné la Société LADY FITNESS EUROPE à payer à Monsieur WISSEN une indemnité pour réparer le préjudice moral dû au fait d’avoir vu sombrer sa société ; qu’en statuant ainsi, bien que la défaillance de la Société C SPORT ne peut constituer un préjudice moral pour Monsieur WISSEN, la Cour a violé l’article 1382 du Code Civil.